Vera Rüttimann, kath.ch/traduction: Raphaël Zbinden
Même dans la basilique, la forte chaleur se fait sentir en ce jour d’été. Dehors, le thermomètre affiche 35 degrés. Et pourtant, un nombre important de personnes s’est rassemblé pour la commémoration. Ils se souviennent d’une date particulière: le 21 juin 1971, le gouvernement soleurois a rendu l’abbaye de Mariastein aux bénédictins. Le magnifique site avait été retiré aux moines en 1874, dans le contexte du Kulturkampf [Politique religieuse menée par le chancelier de l’Empire allemand Otto von Bismarck destinée à rompre les liens entre Rome et l’Église catholique d’Allemagne et à placer celle-ci sous la tutelle de l’État-1871-1887, ndlr].
A cause de la pandémie, le jubilé a eu lieu avec un an de retard. Mais le besoin de remercier les personnes qui ont soutenu l’abbaye pendant des décennies semble d’autant plus grand. Cet après-midi, des représentants de haut rang de la politique, de l’économie et de la société – dont l’évêque de Bâle, Mgr Felix Gmür – sont assis sur les bancs.
La plupart des invités à la cérémonie, animée musicalement par le Cäcilienverband Schwarzbubenland, ont une relation particulière avec l’abbaye de Mariastein. C’est notamment le cas du Landammann Remo Ankli.
«Dans ma jeunesse, un Père de Mariastein exerçait la fonction d’aumônier dans la paroisse de Beinwil», explique le landammann dans son allocution. Il a lui-même passé plusieurs nuits au monastère et a ainsi découvert la vie bénédictine et son hospitalité. Remo Ankli cite le landammann de l’époque, Willy Ritschard, qui avait déclaré en 1971: «Avec ce vote, le peuple a rendu sa liberté à l’abbaye de Mariastein«.
Mais comment en est-on arrivé à ce que l’État rende le monastère? «L’Etat ne rend jamais ce qui lui a appartenu», répond l’Abbé du lieu, Peter von Sury. «C’est sans doute par les circonstances, par un heureux concours de circonstances, et peut-être aussi par la force des faits que nous avons récupéré le monastère».
Par les «faits», l’Abbé von Sury entend en particulier l’importance pour les Soleurois de Mariastein en tant que lieu de pèlerinage, depuis des siècles. Peu après la suppression du monastère, l’État soleurois avait dû engager des moines bénédictins pour encadrer les pèlerins.
Dans les années 1950, les quelques religieux présents ont été soutenus par des laïcs engagés. «Ils se sont engagés intensivement pour la restitution des abbayes. Ils ont accompli de grandes choses en tant que catholiques et en tant que citoyens», souligne l’Abbé.
Des considérations financières ont également joué pour la récupération du complexe: «L’entretien d’un tel bâtiment coûte tout simplement trop cher à long terme», dit-il. Au fil du temps, une relation empreinte de respect s’est établie entre l’Eglise et l’Etat.
Le cœur du pèlerinage est la statue miraculeuse de la «Mère de la Consolation». Depuis des siècles, les gens viennent voir la Vierge dans la Chapelle du Rocher. La légende est attestée pour la première fois en 1442: un petit berger garde le bétail sur le plateau rocheux. En jouant, il s’approche trop près de la falaise et tombe de l’abrupte paroi rocheuse. Mais le garçon survit: il raconte avoir été rattrapé par une femme. En remerciement, la famille du garçon construit une chapelle au-dessus de la grotte, posant ainsi la première pierre du lieu de pèlerinage.
Peter von Sury dit que, quand il prêche dans le chœur, il peut aisément voir la statue de la Madone. Bien sûr, pas celle de la Chapelle du Rocher, mais une copie présente dans la basilique. «De ma place, je vois toujours des gens qui viennent voir la Vierge. Cela m’apprend beaucoup». Il y observe des personnes qui demandent, implorent ou espèrent. Des personnes handicapées viennent en déambulateur, avec des béquilles ou en fauteuil roulant.
Ils sont de toutes les couches sociales. «Je sais maintenant pourquoi nous, les religieux, pouvons à nouveau être ici à Mariastein. Pourquoi nous chantons des psaumes et écoutons la parole de Dieu jour après jour», affirme Peter von Sury. Les nombreux pèlerins sont «à la fois une confirmation, un encouragement et une obligation».
Avant que la société festive ne se retrouve dans le jardin du monastère pour l’apéritif, l’Abbé pose une nouvelle fois la question: comment était-il possible que l’État rende le monastère? Il cite une réponse qui figure sur les nombreuses plaques votives qui flanquent le chemin menant à la grotte: «Marie a intercédé». (cath.ch/vr/kath/rz)
Rédaction
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