Evangile de dimanche: Pour toi, qui suis-je?

Le texte commence par un silence profond, habité, tellement saturé de présence qu’il dit tous les chants et toutes les prières du monde: un silence tissé par l’intimité d’une relation dont personne n’arrivera jamais à soupçonner une once de son intensité. «A l’écart, Jésus priait.» La lecture mériterait après ce point une longue pause contemplative.

Les disciples font intrusion et renvoient au bruit qui n’est jamais bien loin! Jésus interroge: «pour la foule, qui suis-je?» Murmures, rumeurs, brouhaha de voix qui se mélangent, se chevauchent, disent tout et n’importe quoi, confondent passé et présent. Une sorte de Facebook antique. Des sons de perroquet convoquent en écho les figures de jadis, rapportent, blasés, des on-a-déjà-vu: «Elie 2, le retour!» «Jésus-has-been? Rien de neuf!» L’aveuglement étouffe l’inédit, l’inouï, la fraîcheur du Verbe. Chacun y va de son refrain impersonnel et creux.

Jésus insiste: «pour vous qui suis-je?»

Le bruit de la foule disparaît. Le silence redevient intérieur dans le cœur du disciple qui a vu Jésus s’arrêter, parler, prier. La question laisse place à une parole: «Tu es le Messie de Dieu.» La réponse de Pierre est au présent.

Inutile aujourd’hui d’inventer d’autres mots, ni de chercher chacun sa propre définition. L’apôtre répond au nom de tous et nous invite à entrer dans le silence pour prendre la mesure de ce que ces mots signifient: Messie de Dieu! Il ne suffit pas de les clamer pour qu’ils sonnent justes. Il convient de les mâchouiller, de les habiter, de les conduire au bout de leur vérité.

«Pierre nous appelle à entrer toujours davantage dans le mystère du silence de la prière de Jésus.»

Cette profession de foi contient en elle-même les aspirations de tous ceux et celles qui cherchent Dieu et l’espèrent. Elle résume les cris de l’humanité qui attend un Sauveur, raconte les rêves de paix, de justice, les désirs d’amour et de vie. Elle s’énonce au présent mais dessine toujours l’avenir. Elle s’enracine dans les quelques lignes de ce psaume 63 que l’Eglise a eu la sagesse de nous offrir aujourd’hui:

«Dieu tu es mon Dieu je te cherche dès l’aube, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair comme une terre assoiffée…». Le Messie déjà venu se laisse encore attendre.

A travers ce titre, Pierre nous appelle à entrer toujours davantage dans le mystère du silence de la prière de Jésus. Un silence qui nous place inévitablement en face de nous-mêmes, là où un jour la question de Jésus prend le sens d’un véritable face-à-face: qu’y a-t-il entre toi et moi?

Personne ne pourra fuir cette question, elle est profonde, mais non tragique, entièrement tournée vers la vraie vie.

«Qui veut sauver sa vie, la perdra» poursuit l’évangile: autrement dit qui veut se sauver de sa vie, rester pendu à la rumeur des peuples, celui-là se perd, ignore l’intimité, l’intensité, la beauté de l’être, seul vrai lieu d’existence avec Dieu.

Didier Berret | vendredi 17 juin 2022


Lc 9, 18-24

En ce jour-là, Jésus était en prière à l’écart.
Comme ses disciples étaient là,
il les interrogea :
« Au dire des foules, qui suis-je ? »
    Ils répondirent :
« Jean le Baptiste ;
mais pour d’autres, Élie ;
et pour d’autres, un prophète d’autrefois qui serait ressuscité. »
    Jésus leur demanda :
« Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Alors Pierre prit la parole et dit :
« Le Christ, le Messie de Dieu. »
    Mais Jésus, avec autorité,
leur défendit vivement de le dire à personne,
    et déclara :
« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup,
qu’il soit rejeté
par les anciens, les grands prêtres et les scribes,
qu’il soit tué,
et que, le troisième jour, il ressuscite. »

    Il leur disait à tous :
« Celui qui veut marcher à ma suite,
qu’il renonce à lui-même,
qu’il prenne sa croix chaque jour
et qu’il me suive.
    Car celui qui veut sauver sa vie
la perdra ;
mais celui qui perdra sa vie à cause de moi
la sauvera. »

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