L’archevêque est originaire de Chindhukur, dans le district de Kurnool, au sud-est du pays, où il est né le 15 novembre 1961 au sein d’une famille de la caste inférieure des «intouchables», à laquelle appartiennent les deux tiers (65%) des 18 millions de catholiques indiens. Bien que les discriminations du régime des castes soient abolies par la Constitution depuis plus de 70 ans, les dalits sont parfois encore opprimés, voire persécutés, et relégués aux travaux subalternes comme le ramassage des ordures.
Le 29 mai à midi – il est alors 16h en Inde – Mgr Poola est bien loin de s’imaginer que le chef de l’Église catholique vient de citer son nom place Saint-Pierre parmi les nouveaux cardinaux. Des amis de Sardaigne qui regardaient la télévision l’appellent alors, mais le cardinal désigné pense à une fake news. «Et puis j’ai reçu un autre appel de Sicile, raconte-t-il à Crux. Et puis des prêtres de Rome m’ont appelé. Et au bout d’un moment, le nonce [Mgr Leopoldo Girelli, ndlr] m’a appelé.»
Le futur cardinal ne se sent «pas digne» de cette charge mais il voit dans ce choix la sollicitude du pontife pour «les périphéries, les plus pauvres des pauvres, […] pour la région où je me trouve, car elle est parmi les plus pauvres de l’Inde, mais aussi celle qui compte la plus grande concentration de catholiques». Catholiques qui représentent une faible minorité de 1,5% de la population indienne.
Selon le Père Joseph Arlagadda, secrétaire adjoint du Conseil des évêques catholiques télugus interrogé par The News Minute, Mgr Poola doit ce titre à «son dévouement et son engagement envers l’Église». Le prélat, affirme-t-il, «a des pensées très profondes sur l’Église. Il travaille dur et il est un serviteur engagé».
Lui-même se décrit comme «un prêtre simple, un missionnaire simple». Nombre de commentaires évoquent un «gentleman cultivé, très gentil avec tout le monde. […] ouvert et généreux», et démontrant «un amour particulier pour les pauvres».
Après ses études au séminaire de Bangalore, Anthony Poola a été ordonné prêtre le 20 février 1992 pour le diocèse de Cuddapah. Sa vocation? Il la doit à la générosité de missionnaires qui financèrent les études de celui qui était alors trop pauvre pour payer sa formation. «Ils m’ont pris en charge, m’ont aidé à aller à l’école et ont fait de moi quelqu’un de valable. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu rejoindre le séminaire», confie-t-il dans un entretien à Vatican News.
Entre 1992 et 2001, le jeune prêtre a été vicaire puis curé pour diverses paroisses. De 2001 à 2003, il a ensuite suivi un Master en pastorale de la santé à la Loyola University deChicago aux États-Unis. De retour en Inde, il a été quatre ans directeur de l’association de bienfaisance Christian Foundation for Children and Aging.
Le 8 février 2008, il est nommé évêque de Kurnool, où il restera 12 ans. En parallèle, Mgr Poola a été douze ans président de l’Andhra Pradesh Social Service Society, ainsi que secrétaire général de la Conférence des évêques de langue Telugu de 2014 à 2020. Le 19 novembre 2020, le pape François l’a nommé archevêque d’Hyderabad, dans l’État voisin, le Télangana.
Mgr Poola est aussi très impliqué dans le domaine de l’éducation, dans les villages les plus pauvres. Il a été président de la Commission pour la jeunesse de la Conférence des évêques de l’Andhra Pradesh et directeur adjoint des écoles catholiques du diocèse. Et il a entamé dans son diocèse une réforme pour donner davantage de place aux femmes et aux enfants.
«J’ai ressenti de la compassion et de l’amour, et surtout une grande responsabilité envers les enfants, celle de leur donner une éducation, car ils n’ont pas d’argent ou de biens à vendre. Mais si vous leur offrez une éducation, ce sera un grand cadeau», assure-t-il à Vatican News. Le vœu du futur cardinal, qui s’est souvent chargé lui-même d’amener des enfants pauvres à l’école, est «d’aider autant d’enfants pauvres que possible».
En choisissant un «Intouchable», le pape François fait une nouvelle fois un geste vers les périphéries les plus marginalisées. D’après la presse indienne, divers groupes dalits ont vu cette nomination comme un honneur pour les franges défavorisées de la société. «Le pape attend de moi que je résolve les problèmes des marginaux et peut-être aussi des dalits», estime Mgr Poola à Vatican News.
Pour le Père Devasagaya Raj, ancien secrétaire national de la Commission pour les castes de la conférence épiscopale indienne, «l’histoire de l’Église catholique indienne prend un nouveau tournant». «Un jour, a-t-il confié à Crux, un théologien bien connu, le Père Felix Wilfred, a écrit dans un article que les dalits n’avaient pas besoin d’un cardinal mais que l’Église avait besoin d’un cardinal dalit. Ce besoin est maintenant comblé.»
Une promotion au rang des Princes de l’Église d’autant plus célébrée que ces derniers mois, des militants dalits ont demandé au Vatican d’augmenter la représentation des dalits dans la hiérarchie de l’Église. Dans l’État du Tamil Nadu, ils regrettaient que seul un diocèse sur 18 compte un prélat dalit. Sur les 215 évêques indiens, seuls 11 sont de cette origine et les 31 archevêques du pays ne comptent que deux «intouchables». Les mouvements dalits réclament aussi à Rome un rite liturgique représentatif de leur culture.
Avec le deuxième Indien qui sera aussi créée cardinal le 27 août, Mgr Filipe Neri Antonio Sebastiao di Rosario Ferrao, archevêque de l’ancienne colonie portugaise de Goa à l’est du pays, ils rejoindront les trois cardinaux indiens de moins de 80 ans – Baselios Cleemis Thottunkal, George Alencherry et Oswald Gracias –, portant à cinq le nombre d’Indiens électeurs dans le Collège cardinalice. (cath.ch/imedia/ak/bh)
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