Immeuble de Londres: Raffaele Mincione défend son investissement

La 20e audience du procès de l’affaire dite ›de l’immeuble de Londres’, le 6 juin 2022, a été l’occasion d’entendre pour la première fois Raffaele Mincione, le banquier en charge de l’investissement dans le bâtiment de Sloane Avenue, dans la capitale britannique. Il s’est défendu d’avoir mal agi dans cette opération et a accusé le Saint-Siège de s’être comporté de manière «irrationnelle». L’agence I.MEDIA revient en cinq points sur les principaux enseignements de l’audience.

1. Qui est Raffaele Mincione?

Raffaele Mincione est un banquier italo-britannique chargé en 2012 d’évaluer la faisabilité d’un investissement que la Secrétairerie d’État voulait effectuer en Angola. Cet investissement a été abandonné, mais le fonds qu’il avait créé dans ce cadre a été utilisé pour acquérir l’immeuble de Londres.

La justice lui reproche d’avoir perdu beaucoup d’argent dans des investissements risqués au détriment de la Secrétairerie d’État et d’avoir tiré des avantages indus de ces opérations. De plus, elle estime qu’il a joué un rôle dans l’opération de reprise de contrôle de l’immeuble par le courtier Gianluigi Torzi. Il est accusé de détournement de fonds, de fraude, d’abus de pouvoir et de blanchiment d’argent.

Au début de l’audience, Raffaele Mincione a expliqué habiter à Londres depuis ses 18 ans, et a énuméré les grands noms du monde financier pour lesquels il a travaillé, notamment Citibank et Goldman Sachs. Il a aussi été conseiller, pendant sa carrière, pour les villes de Tokyo, Tallinn et Moscou, ainsi que pour plusieurs entreprises telles que Coca-Cola.

«Je n’ai jamais reçu d’amende personnelle au cours de mes 35 ans de carrière», a-t-il déclaré, soulignant que «c’est la première fois» qu’il se trouve dans cette situation et qu’il n’a «jamais reçu de réprimandes d’aucune sorte de la part d’un quelconque organisme de réglementation».

En 2009, il a créé son propre groupe indépendant, WRG Group, composé de plusieurs entités qui sont «toutes soumises à la supervision des régulateurs européens, ainsi que des auditeurs internes et externes à différents niveaux», a-t-il assuré. Son groupe est présent à Londres, Milan et Luxembourg et emploie 150 personnes.

2. Comment il est entré en contact avec le Saint-Siège

Enrico Crasso, banquier romain gérant le patrimoine de la Secrétairerie d’État s’est vu conseiller les services de Raffaele Mincione par son employeur le Crédit Suisse, en 2012, pour mener l’évaluation d’un projet d’investissement que la Secrétairerie d’État envisageait dans l’entreprise Falcon Oil, une structure pétrolière en Angola.

Mincione a souligné qu’il avait une vraie expérience dans ce secteur, ayant travaillé avec certaines des plus grandes compagnies pétrolières du monde, comme Gazprom et Petrobras.

Le banquier et son équipe ont alors fait un travail de «due diligence» – préparation d’un investissement – pendant un an et demi, avant de donner un avis négatif sur l’investissement, «tant en raison de l’endettement de Falcon Oil que de l’absence de garanties et de coûts d’assurance», a-t-il expliqué. Il affirme avoir été payé 500’000 euros pour cette opération.

Alors que la proposition en Angola était à l’étude, le fonds Athena a été créé par Mincione pour les 200 millions de dollars destinés à l’investissement.

3. Son rôle dans l’acquisition de l’immeuble de Londres

L’investissement dans l’immeuble de Londres s’est présenté alors que celui en Angola était encore envisagé par la Secrétairerie d’État, mais que celle-ci avait décidé de le réduire à 100 millions de dollars au lieu de 200 millions. Raffaele Mincione a proposé d’investir les 100 millions restants – puis l’intégralité de la somme quand le projet angolais a été abandonné – du fonds Athena dans la société contrôlant l’immeuble, la 60SA.

Il a cependant souligné qu’à la fin du projet angolais, il avait «proposé de rendre l’argent» investi dans le fonds Athena. Mais le Crédit suisse et la banque BSI, «avec le consentement de la Secrétairerie d’État», lui avaient confirmé qu’il pouvait continuer à gérer leur argent. Dans cette relation, son interlocuteur, a-t-il insisté, a toujours été le Crédit Suisse, pas la Secrétairerie d’État.

« Nous sommes des gestionnaires indépendants : nous n’avons besoin d’aucune autorisation pour gérer les fonds qui nous sont confiés », a affirmé le banquier. « Nous devons seulement les gérer en fonction d’un prospectus que l’investisseur accepte. Nous avons toujours respecté le prospectus à la lettre », a-t-il ajouté.

L’homme d’affaires a déclaré avoir fait examiner le prospectus qui encadrait la gestion des fonds de la Secrétairerie d’État par son fonds Athena par un cabinet de conseil en 2020 lorsque le scandale a éclaté. «Il n’y avait pas un seul centime qui manquait, il n’y avait pas une seule action qui n’ait pas été confirmée», a-t-il affirmé lors de l’audience.

Selon Raffaele Mincione, l’immeuble a été évalué à 230 millions de livres sterling par la banque Société Générale et des auditeurs de PWC, et l’argent du Saint-Siège a été placé dans ce projet. L’investissement prévoyait une période de blocage de 7 ans que le Saint-Siège n’a pas respectée, préférant vendre à tout prix à partir de 2018, a-t-il insisté, affirmant qu’ils ont dès lors manqué une plus-value d’environ 20 millions d’euros.

4. Ses relations avec Gianluigi Torzi

En 2018, le Saint-Siège aurait en effet «soudainement» exigé que le bâtiment soit vendu rapidement. Raffaele Mincione explique s’y être opposé parce que la période de blocage de sept ans n’était pas terminée et que cela entraînerait des pertes, déplorant une attitude «irrationnelle».

Le financier a avoué connaître le «médiateur» choisi par le Saint-Siège pour mener cette opération, Gianluigi Torzi, avec lequel il avait déjà «fait quelques affaires». Il a cependant assuré qu’il n’avait rien fait pour qu’il soit nommé par le Vatican: «Je ne l’ai su qu’à la dernière seconde».

Torzi lui aurait affirmé qu’il serait désormais «le nouveau gestionnaire du projet immobilier» et l’aurait menacé de représailles de la part du Vatican s’il ne lui donnait pas le contrôle de la société. «Le même ton a été utilisé par Tirabassi et Perlasca», a-t-il affirmé.

Il a finalement accepté de vendre ses participations dans l’immeuble de Londres dans des conditions qu’il décrit comme favorables au Saint-Siège. «Contractuellement, nous n’étions pas obligés de le faire», a-t-il affirmé. Il a insisté sur le fait que les «transactions ultérieures» entre Gianluigi Torzi et la Secrétairerie d’État n’avaient «aucun rapport» avec lui.

Pour Raffaele Mincione, les pertes entraînées par la vente de l’immeuble de Londres par la suite seraient en premier lieu liées à une mauvaise stratégie d’exploitation et de valorisation de l’immeuble. Mais il a aussi affirmé qu’en ayant «fait la publicité d’une prétendue ›escroquerie’ dans le monde entier», le Saint-Siège avait potentiellement effrayé les investisseurs.

Il s’est d’ailleurs étonné que le contrat de la vente – annoncée le 28 janvier dernier – ait été gardé secret.

5. Les prochaines audiences

L’interrogatoire de Raffaele Mincione doit se poursuivre ce 7 juin. Puis, le 22 juin, reprendra l’interrogatoire d’Enrico Crasso.  (cath.ch/imedia/ic/cd/rz)

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