Tout d’abord, elles sont des organisations de personnes et de moyens dont la pérennité dépend de la capacité à générer de la valeur ajoutée. Si cette condition n’est pas remplie, l’organisation se disloque, puisque ceux qui en font partie perdent les moyens de leur subsistance. L’entreprise est donc une organisation potentiellement éphémère.
Ensuite, pour générer de la valeur ajoutée, toute entreprise doit agir, c’est-à-dire assurer un minimum de coopération entre ses diverses composantes. Ainsi, l’entreprise est un lieu de coopération. Finalement, selon la définition de Gaston Cuendet, l’entreprise est un «système social d’action» de type particulier. Puisque sa raison d’être est la transformation de la réalité environnante au sens matériel mais aussi immatériel du terme.
Au-delà des points de convergence, le débat est nourri sur la nature ou sur la vocation de l’entreprise où au moins trois points de vue sont en lice. Chacun d’entre eux donne lieu à des recommandations éthiques différentes.
Pour les uns, la finalité ultime de l’entreprise est de servir les intérêts pécuniers de ses propriétaires – ses actionnaires dans le cas d’une société anonyme. Dans cette perspective, les autres composantes de l’entreprise deviennent des instruments au service des intérêts du propriétaire. Cette vision est difficilement compatible avec un des principes centraux de l’enseignement social chrétien qui affirme la primauté du travail sur le capital.
«L’accent mis sur la priorité de l’intérêt bien compris du client opère un changement d’optique: l’entreprise est toute entière tendue vers le client.»
Pour d’autres, la finalité de l’entreprise est de satisfaire ses parties prenantes. L’entreprise serait ainsi une communauté dont la finalité première serait sa propre survie, qui passe par un équilibre instable entre les intérêts et les apports des divers protagonistes. La liste de ces derniers comprend, en plus des collaborateurs et des actionnaires, les clients et la communauté politique environnante.
Cette manière de voir la finalité, conduit à faire de l’entreprise un système fermé qui subordonne toute son activité à sa propre survie. L’entreprise devient un genre de coopérative des parties prenantes, avec un bien commun propre à faire fructifier. Cette vision est celle que l’on retrouve en filigrane dans plusieurs encycliques, notamment Centesimus Annus (1991) de saint Jean Paul II.
Finalement, l’entreprise peut être vue comme ayant une finalité qui surpasse toutes les autres, celle de contribuer au bien commun plus général par la fourniture des biens et services de qualité. Ainsi, l’excellence professionnelle au service des intérêts bien compris du client serait la vocation première de l’entreprise. C’est à l’entreprise qu’appartiendrait donc le devoir moral de choisir – parmi la palette des possibles – les bons produits et services à mettre à disposition du client.
L’accent mis sur la priorité de l’intérêt bien compris du client opère un changement d’optique: l’entreprise est toute entière tendue vers le client. Elle a ainsi le devoir moral d’utiliser au mieux ses propres compétences pour aller au-devant des intérêts bien compris du client. En conséquence, la communauté et l’actionnaire passeraient au second plan. Il ne suffit donc pas de vendre à grand renfort de marketing ou de battre la concurrence, faut-il encore que la production contribue, en tant que telle, au bien commun. Cette manière de voir a l’avantage de ne point sanctuariser ni la communauté (en soi éphémère de l’entreprise) ni les intérêts du propriétaire, mais de faire l’entreprise un moyen dans la construction du bien commun.
Paul H. Dembinski
1er juin 2022
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