«Pour évoluer, même professionnellement, en tant que communicants, nous devons réapprendre à écouter beaucoup». Telle est l’une des phrases fortes délivrée par le pape François dans son traditionnel message pour la Journée mondiale des communications sociale, diffusé le 24 janvier 2022. Un appel qui n’est pas tombé dans les «oreilles d’un sourd» pour les communicants catholiques. Parmi eux, le prêtre dominicain Jacques-Benoît Rauscher, fondateur de la plateforme de formation théologique en ligne ThéoDom.
Etes-vous d’accord avec l’insistance que le pape François met sur l’écoute dans la communication?
J.B. Rauscher: Oui, l’écoute est quelque chose de fondamental. Et pas seulement dans la communication, mais aussi dans la spiritualité en général. Le principe est spécialement mis en avant chez les dominicains. Les prêcheurs ne font qu’un seul vœu, celui d’obéissance, qui rejoint l’écoute. Car il s’agit d’écouter la réalité de l’autre. C’est aussi une vocation à rechercher la vérité. La devise de saint Dominique est ›Veritas’. On ne peut établir la vérité qu’en écoutant ceux qui ne sont pas d’accord avec nous.
Est-ce facile à réaliser dans notre monde actuel?
C’est devenu aujourd’hui très difficile. Autant à cause de la multiplication des sollicitations que des attentes d’immédiateté, d’hyper-connectivité et d’hyper-disponibilité. Avec les réseaux sociaux, notamment, il y a un flot d’informations, souvent contradictoires, souvent péremptoires, où l’on ne veut que faire valoir son point de vue. Sans doute y a-t-il une perte des espaces de réflexions, de pensée sereine, finalement une perte de la capacité d’écoute.
«Il faut éviter d’être submergé par l’information»
Saint Antonin de Florence disait: «Le silence est le père des prêcheurs». Il voulait dire qu’il faut savoir écouter avant de parler en connaissance de cause. Nous avons tous besoin de retrouver le silence. Ce qui ne veut pas dire une absence de bruit, mais l’aptitude à faire silence dans son cœur, dans son intériorité. Ce «silence intérieur» exige de ne pas se laisser en permanence perturber par la dernière notification, par le dernier message sur le réseau social. Il faut de temps en temps couper le trop-plein de communication.
Les communications modernes sont donc à bannir?
Aucunement. Il ne faut pas tout condamner en bloc. Les moyens de communications actuels sont de formidables outils de partage du savoir, d’information et de confrontation des opinions. Cela peut certainement aider le chrétien à progresser vers la vérité. Mais il faut faire la part des choses, séparer le bon grain de l’ivraie médiatique, et en évitant, comme je l’ai dit d’être submergé et subjugué par l’information. Une utilisation raisonnée est nécessaire, en s’accordant un temps de recul et même en se déconnectant, parfois, complètement.
La plateforme ThéoDom comptabilise 7’000 abonnés. C’est un bon résultat. Les principes que vous évoquez y sont-ils appliqués?
Tout d’abord, je voudrais préciser que je ne suis plus responsable de ThéoDom. Mais il est vrai que lorsque nous avons eu ce projet, nous avons privilégié en premier lieu l’écoute. Celle des professionnels, de la publicité et des médias, tout d’abord, qui nous ont aiguillés sur les standards et les modes de communication en cours. Nous avons aussi regardé préalablement ce qui se faisait en la matière dans le monde catholique.
«Les médias chrétiens doivent faire la part entre l’attractivité et la visibilité, la réflexion et la vérité»
Je crois en effet que ce qui fait une partie du succès de ThéoDom, c’est l’équilibre entre la facilité d’accès et de compréhension et la profondeur de réflexion. Nous ne voulions pas être dans la culture du buzz, dans la réaction immédiate. Contrairement au débat politique, où l’on tente parfois uniquement de se mettre en avant, sans développer les questions en profondeur.
Les médias catholiques peuvent-ils, doivent-ils, éviter cette «culture du buzz»?
Je répète qu’il faut un équilibre et une bonne mesure. L’histoire de l’Eglise peut illustrer cela. Cette crucifixion d’un sage juif, il y a 2000 ans en Palestine n’aurait certainement pas fait le buzz à l’époque. Aujourd’hui, c’est la plus grande histoire de tous les temps. Cela signifie qu’il ne faut pas seulement se concentrer sur ce qui nous paraît actuellement grand et important. Les «petits» événements peuvent avoir plus de signification qu’ils n’y paraissent. Les médias catholiques ne devraient ainsi pas oublier ce qui n’est pas au centre de l’attention.
En même temps, saint Pierre et Paul sont tout de même allés à Rome, au cœur de l’Empire romain, pour annoncer la Bonne nouvelle, pas dans un endroit perdu. Ils voulaient se faire entendre du plus grand nombre. Les médias chrétiens doivent certainement être entre ces deux pôles. Faire la part entre l’attractivité et la visibilité, la réflexion et la vérité. Dans cette recherche, le travail d’écoute est essentiel. Jésus a dit: «Je suis le chemin, la vérité et la vie». L’écoute est donc une attitude fondamentalement chrétienne. (cath.ch/rz)
Chaque année, depuis le concile Vatican II, les catholiques sont invités à participer à la Journée mondiale des communications sociales, ou Dimanche des médias, qui se déroule en principe le dimanche suivant la fête de l’Ascension. Pour cette occasion, le pape diffuse un message, traditionnellement le 24 janvier, jour de la saint François de Sales, le patron des journalistes. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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