Préparer un plat pour toute la famille, offrir un bouquet de fleurs, participer à des actions de nettoyage dans la nature, ou simplement passer du temps avec quelqu’un…Ce sont quelques unes des bonnes actions que le distributeur suisse Coop propose à la population de réaliser le 21 mai. «À l’instar des deux premières éditions, cette troisième ‘Journée de la bonne action’ met l’accent sur les bonnes actions dans les domaines du social et de l’environnement», note l’entreprise sur son site internet.
Des actions individuelles ou collectives sont possibles et le grand distributeur y met du sien. «Les collaboratrices et collaborateurs de Coop accomplissent, eux aussi, de bonnes actions pour surprendre leurs clientes et clients dans tous les supermarchés», note la page dédiée. Cette année, l’action soutient également l’aide d’urgence en Ukraine.
Une démarche nationale réalisée en partenariat avec des ONG telles que Pro Infirmis, la Croix-Rouge suisse ou encore le WWF.
Une avalanche de générosité qui peut certes interroger de la part d’une des plus grandes enseignes de Suisse, que l’on peut penser spontanément plus intéressée à améliorer ses chiffres de vente. Coop s’attaque-t-elle ainsi au monopole des communautés religieuses et des organisations humanitaires dans la recherche de la paix sur terre?
«Par cette initiative solidaire, Coop et ses partenaires veulent inciter la population à agir pour une bonne cause», explique la page dédiée à la Journée. «Sous le signe de l’engagement solidaire, la Journée vise à susciter un élan de mobilisation dans le pays, explique à cath.ch Melanie Grüter, porte-parole de Coop. L’engagement sociétal est l’un des piliers de notre entreprise. Nous soutenons des projets de développement durable qui profitent à nos clientes et clients».
«Les stratèges de Coop veulent avoir un coup d’avance sur les évolutions qui se figurent»
Jean-Jacques Friboulet
L’initiative ne semble en effet pas isolée et faire partie d’une stratégie globale du grand distributeur, note l’économiste fribourgeois Jean-Jacques Friboulet. Il souligne que le magazine hebdomadaire de Coop (Coopération) fait depuis près de deux ans la part belle (parmi les toujours nombreuses publicités) à des articles mettant en avant les aspect sociaux et environnementaux.
«Il est indubitable que Coop veut s’inscrire dans cette tendance actuelle de conscientisation de la société face aux crises qui ont bouleversé le monde ces dernières années et à celles qui guettent. Les stratèges de l’entreprise veulent avoir un coup d’avance sur les évolutions qui se figurent, à tous les niveaux».
L’ancien professeur d’économie à l’Université de Fribourg, et accessoirement blogueur sur cath.ch pointe la pandémie de Covid-19, qui a amené un élan de solidarité dans la société. Il pense également aux diverses crises qui se lèvent à l’horizon, notamment en lien avec la guerre en Ukraine. «Avec les pénuries qui s’annoncent, l’inflation, il se peut que nous soyons prochainement forcés à plus de sobriété. Je pense que la solidarité humaine a tendance à se développer particulièrement dans ce genre de contexte difficile. C’est peut-être cette prochaine évolution que Coop anticipe».
«ll faudrait une ‘Journée de la bonne action’ 365 fois par an»
Paul Dembinski
Paul Dembinski, directeur de l’Observatoire de la finance, à Genève, remarque aussi le côté innovant de l’initiative. «L’image véhiculée par une entreprise est très importante dans l’économie actuelle. Beaucoup de grandes marques cherchent à se donner un visage de responsabilité, à la fois sociale et environnementale. Mais cette démarche-là est assez originale».
La «Journée de la bonne action» serait-elle Seulement un stratagème pour «se vendre»? «On pourrait en effet accuser Coop de ‘social’ ou de ‘green washing’, mais je ne veux pas faire de procès d’intention, assure Jean-Jacques Friboulet. Toute action qui rejoint la solidarité et les valeurs évangéliques est fondamentalement à soutenir. Cette ‘économie à visage humain’ va certainement dans le sens de ce que prône le pape François, en particulier dans son encyclique Laudato si’ (2015)».
Même son de cloche chez l’éthicien Paul Dembinski, autre blogueur de cath.ch: «Coop ne mettra certainement pas en péril ses bénéfices par ce genre d’actions, mais je trouve positif que des acteurs économiques fassent quelque chose pour le bien commun. En la matière, l’exemplarité est importante. L’action de Coop pourrait inciter d’autres sociétés à lui emboîter le pas, avec des effets potentiellement favorables pour tous».
Pour Jean-Jacques Friboulet, la démarche du distributeur est en outre «symptomatique». «Elle s’inscrit en quelque sorte dans l’air du temps, dans le ‘Zeitgeist’. La menace écologique et le constat d’échec de l’ultralibéralisme conduisent de plus en plus de personnes à refuser l’individualisme forcené des dernières décennies.»
Pour l’économiste, même si les ultralibéraux «n’ont pas baissé la garde», «ils ne sont plus dans le vent». De plus en plus de personnes sont conscientes de la nécessité d’un changement. «Pour autant, beaucoup ont du mal à faire le lien entre la théorie et la pratique, note-t-il. Nous aimons faire de beaux discours, mais lorsque cela nous coûte, c’est plus compliqué». Et Jean-Jacques Friboulet de noter l’échec devant le peuple de la loi sur le CO2. «Ainsi, l’initiative de Coop est peut-être une bonne évolution dans la société, mais cela ne servira à rien si finalement la société n’arrive pas à ménager les plus pauvres».
«Il faudrait une ‘Journée de la bonne action’ 365 fois par an», ironise ainsi Paul Dembinski. «La démarche est en elle-même positive en tant qu’incitation. Mais ce genre d’actions ne doit pas juste servir à dire ‘on a fait quelque chose’. Pour continuer à être crédible, Coop devrait agir pas seulement dans ‘l’exceptionnel’ avec cette Journée, mais aussi dans le structurel. C’est-à-dire s’investir pour la mise en place d’une véritable justice sociale». (cath.ch/com/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/journee-de-la-bonne-action-quand-coop-preche-levangile/