L'arrestation du cardinal Zen, un test pour l'accord Chine-Vatican

Le cardinal Joseph Zen Ze-Kiun, archevêque émérite de Hong Kong, a été arrêté le 11 mai 2022, avec quatre militants pro-démocratie, pour «collusion avec des forces étrangères». Un développement qui a valeur de test pour les récents efforts controversés du Saint-Siège pour travailler plus étroitement avec Pékin, estiment les observateurs.

Les cinq personnes arrêtées à Hong Kong sont la célèbre avocate et politicienne Margaret Ng, la militante et chanteuse pop Denise Ho, l’ancien législateur Cyd Ho (déjà en prison pour un autre motif) et l’ancien universitaire et militant Hui Po-keung, ainsi que le cardinal Joseph Zen Ze-Kiun, archevêque émérite de Hong Kong.

Des sources dans l’ancienne colonie britannique ont déclaré au journal américain National Catholic Register que Hui Po-keung avait «déclenché» les arrestations alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol de Hong Kong vers l’Allemagne, le 10 mai.

Un cardinal opposé à l’accord Chine-Vatican

Le Saint-Siège a publié en réaction une brève déclaration, le 11 mai, disant avoir «appris avec inquiétude la nouvelle de l’arrestation du cardinal Zen», et que le Vatican suivait la situation avec grande attention. Le prélat chinois âgé de 90 ans a été libéré sous caution le 11 mai. Il doit néanmoins encore faire face aux accusations.

Le cardinal, qui critique ouvertement le régime autocratique du président chinois Xi Jinping, est depuis longtemps dans le collimateur des autorités communistes. Son arrestation intervient ainsi trois ans et demi seulement après la signature par le Saint-Siège d’un accord provisoire secret et controversé avec Pékin visant à légitimer la nomination des évêques. Cet accord, que le cardinal a décrié comme une «trahison» de l’Église clandestine fidèle à Rome, a été renouvelé fin 2020.

Le Vatican dans l’embarras

Ainsi, pour Edward Pentin, du journal américain National Catholic Register, les derniers développements permettront de «tester l’efficacité de ces accords et de déterminer s’ils ont réellement offert au Saint-Siège un pouvoir de négociation». Le Vatican a toujours fait valoir qu’il fallait être patient avant que ces accords ne portent leurs fruits et il sera intéressant de voir comment il réagira à mesure que l’affaire du cardinal progressera, note le vaticaniste.

L’arrestation constitue également un test important pour le successeur actuel du cardinal Zen, Mgr Stephen Chow Sau-yan, qui a pris la tête du diocèse en décembre 2021.

Le cardinal a été arrêté avec quatre autres personnes pour avoir géré un fonds, aujourd’hui dissous, qui permettait de défendre les personnes arrêtées pour avoir manifesté en faveur de la démocratie. Le «612 Humanitarian Relief Fund», créé en 2019, a collecté plus de 32 millions de dollars pour les personnes concernées, mais la police de Hong Kong l’a fermé l’année dernière en vertu de la loi sur la sécurité nationale du territoire entrée en vigueur en 2020.

Le cardinal Zen et le gouvernement américain ont reproché à cette loi d’éroder les libertés civiles et politiques que Pékin avait promises à Hong Kong dans le cadre de l’accord «un pays, deux systèmes» lorsque le territoire est passé de la domination britannique au giron chinois en 1997. 

Le poing de Pékin se resserre

Les cinq personnes arrêtées «sont les plus respectées du mouvement démocratique et il s’agit d’une véritable coalition», a ainsi déclaré Mark Simon, un ami et ancien associé de Jimmy Lai. Ce citoyen hongkongais magnat des affaires et catholique, a été emprisonné l’année dernière pour avoir enfreint la loi sur la sécurité nationale en participant à des manifestations en faveur de la démocratie.

Les arrestations sont le signe, pour Mark Simon, d’un net accroissement de l’emprise du pouvoir central sur la métropole. Un développement emblématisé par la nomination à la tête de l’exécutif de Hong Kong de John Lee, un fervent partisan de Pékin et le maître d’orchestre de la violente répression contre les manifestations pro-démocratie de 2019.

Benedict Rogers, fondateur de l’ONG Hong Kong Watch, a condamné les arrestations, confirmant à l’agence américaine Catholic News Service (CNA) qu’elles «signalent sans aucun doute que Pékin a l’intention d’intensifier sa répression des droits et libertés fondamentaux à Hong Kong». Des amis du cardinal ont affirmé qu’il s’attendait depuis longtemps à être arrêté et qu’il n’avait pas peur du sort qui lui serait réservé. (cath.ch/ncr/cna/arch/rz)

Raphaël Zbinden

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