A l’heure de la Cène, la pasteure Line Dépraz appelle les personnes réunies dans cathédrale de Lausanne à former un cercle autour de l’autel. Une centaine de fidèles réformés et catholiques côte à côte. Parmi eux, Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) et évêque des jeunes. La pasteure et les officiants rompent le pain pour chacun et proposent de petits godets de vin sur un plateau.
Line Dépraz a indiqué auparavant que les personnes ne souhaitant pas recevoir la Cène pouvaient juste rester les mains jointes. Certains catholiques acceptent le pain et le vin, d’autres déclinent. Un modus vivendi parfaitement bien vécu dans ces JMJ à saveur œcuménique. Chacun était appelé vivre l’événement selon ses propres convictions et pratiques.
Durant le culte, la pasteure de la cathédrale met en avant la nécessité d’une reconnaissance mutuelle de la foi. La Vaudoise salue la présence des catholiques en les qualifiant de «frères et sœurs» en Christ. Le sermon insiste sur la confiance en Dieu et l’espérance de Son action sur le rapprochement entre croyants. «Merci, Dieu de l’inattendu, de nous garder toujours étonnés de Toi, des autres et de nous-mêmes».
Line Dépraz a adapté une prière d’intercession spéciale pour l’occasion. Le texte dit notamment: «Seigneur, permets que les Églises osent s’unir au-delà de leurs différences pour témoigner de la présence du Christ dans le monde». A la fin de la célébration, la pasteure remercie encore une fois les jeunes catholiques d’être venus aussi nombreux et d’avoir participé avec tant d’engagement.
A la sortie de la cathédrale, certains d’entre eux ont été surpris des similitudes du culte avec la messe catholique. «Les choses sont moins formelles que chez nous, remarque Gauthier. J’ai l’impression que les protestants insistent plus sur l’aspect communautaire et les catholiques plus sur la dimension sacrée».
Lina et Jeanne sont venues surtout par curiosité. «Je n’avais encore jamais assisté à un culte, c’est intéressant de voir comment les réformés vivent leur foi», remarque Jeanne. Au-delà de l’intérêt pédagogique, elles confient avoir vécu un moment fort. «C’était émouvant de former ce cercle entre protestants et catholiques», assure Lina. Pour autant, les deux jeunes filles affirment ne pas avoir participé à la Cène. «C’est perturbant pour nous, parce que ce n’est pas vraiment une eucharistie. Le pain n’est pas reconnu comme le corps du Christ, la démarche n’est pas la même qu’à la messe, donc c’est un peu compliqué d’aller aussi loin dans la participation», explique Jeanne.
Mgr de Raemy a lui aussi décliné la Cène, pour des raisons similaires. «Nous sommes encore dans une recherche d’unité. Nous n’avons pas la même compréhension du partage du pain. Alors, je pense que l’on ne peut pas faire ‘comme si’.»
Mais quid de l’accueil des réformés à la communion lors des deux messes célébrées dans la cathédrale lors de ces JMJ? «Aucune consigne n’a été donnée, indique l’évêque. Cela est laissé à la conscience de chacun».
Mgr de Raemy remercie également l’Eglise réformée vaudoise pour son invitation au culte. Pour l’évêque, la présence catholique était importante dans le cadre du cheminement œcuménique. «Il est absolument bénéfique que les jeunes catholiques aillent à la rencontre d’autres personnes saisies par le Christ». (cath.ch/rz)
Line Dépraz: «Les jeunes sont ouverts à l’œcuménisme»
Suite au culte du 8 mai, Line Dépraz a répondu à quelques questions de cath.ch.
Comment vivez-vous l’accueil des jeunes catholiques dans la cathédrale de Lausanne?
Line Dépraz: Très positivement. C’est un moment de communion intense, où l’on peut se découvrir mutuellement au-delà des différences confessionnelles. Cet échange est placé sous le signe de l’Esprit.
Etre ensemble pour célébrer peut sembler peu de chose, mais c’est en fait beaucoup. C’est une expérience spirituelle très forte.
Lorsque les organisateurs des JMJ ont demandé de pouvoir faire la manifestation dans la cathédrale, le Conseil synodal [de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud-EERV] a rapidement donné son accord. Il faut dire que nous avons une tradition ancienne et bien ancrée d’accueil dans ce bâtiment. La communauté catholique y célèbre d’ailleurs une messe annuelle depuis des décennies.
Des démarches telle que la «découverte du culte» peuvent-elles apporter quelque chose au mouvement œcuménique?
Je le pense. Ce n’est pas pour rien que le thème de la prédication était sur la force subversive de la jeunesse. Même si ce genre d’événement ponctuel ne va pas révolutionner le mouvement, cela permet de mieux se connaître, de mieux appréhender la pratique de foi, la vision de l’autre. Et les jeunes peuvent apporter ce sursaut d’œcuménisme. Il y a peut-être moins de crispations identitaires chez eux que dans les générations plus âgées.
Justement, comment ressentez-vous l’élan œcuménique dans le canton de Vaud en ce moment?
Je trouve que nous sommes un peu dans une phase de creux. Je remarque que dans les paroisses, il existe une sorte de repli sur soi. Le phénomène a, selon moi, été exacerbé par la pandémie, qui nous a longuement séparés les uns des autres.
On remarque aussi, depuis un certain temps, un essoufflement de l’œcuménisme en général. L’enthousiasme suscité par Vatican II marque peut-être le pas. La curiosité de connaître l’autre ne semble plus au rendez-vous dans les communautés.
Pour autant, les relations entre Eglises sont bonnes au niveau des institutions. La réalisation commune des missions, imposée depuis 2003 par l’Etat de Vaud, nous réunit constamment. Cela nous oblige à unir nos forces, avec des résultats très encourageants et un enrichissement mutuel à la clé.
Donc, j’ai bon espoir malgré tout pour l’avenir, surtout quand je vois l’ouverture qui caractérise les jeunes chrétiens. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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