Olivier Schöpfer, Eglise catholique dans le canton de Vaud
Dimanche 1er mai 2022, paroisse du Sacré-Cœur d’Ouchy, à Lausanne. La messe présidée par le curé de la paroisse, l’abbé Vincent Roos, est volontairement écourtée pour laisser de la place à un apéro-contact, dans la salle de paroisse adjacente. Environ huitante personnes sont là pour écouter le témoignage de Patricia, qui a cru suivre le Christ en rejoignant la famille monastique de Bethléem.
C’est la première fois depuis 12 ans qu’elle s’exprime en public, la première fois depuis qu’elle a quitté le monastère. «Après deux ans passés chez les sœurs de Mère Teresa, où on préparait les repas pour 800 personnes pauvres chaque jour, j’ai rejoint le monastère de Bethléem [Patricia est passée en tout par 5 monastères, en France, en Italie et en Belgique, ndlr.]. Je pensais que j’aurais le temps de prier, d’étudier. Mon noviciat, qui devait canoniquement durer deux ans, s’est prolongé durant neuf ans. On m’a mise en solitude, j’ai vu toutes les dérives sectaires, les manipulations. On n’arrêtait pas de me poser la question: ‘Mais qu’est-ce que tu fais là?’. J’ai fugué trois fois, plusieurs sœurs se sont suicidées. J’étais trop loin de vivre l’amour du Christ; quand je l’ai dit, je n’ai récolté que du mépris.»
Mais le calvaire de Patricia ne s’arrête pas là. «Quand le temps de faire ma profession fut venu, on m’a dit qu’à cause de ce que je n’étais pas capable de faire, on me proposait une ‘donation’ (se donner sans profession). J’ai refusé de signer l’acte, ma supérieure l’a fait à ma place et l’a mis dans mon sac. C’est là que j’ai compris que je devais m’en aller. La supérieure et la générale tenaient des discours totalement opposés.»
Dans le monastère, elle n’avait pas d’amie, tenue par le devoir de silence et solitude. La seule voie de communication était d’écrire à la responsable – «une forme de manipulation, dit-elle. Si deux personnes parlaient, nos supérieures considéraient cela comme un complot. La prieure ou la prieure générale, pour l’ensemble des communautés, estimait que les sœurs donnaient trop prises au démon. ‘Quand tu es à terre, on te demande de te confesser, et là, on se dit qu’on est misérable…’»
A la question de savoir si une communauté pouvait décider librement de sa règle, Patricia répond: «La règle a été approuvée par le droit pontifical à Rome. Mais il y a une différence entre ce qui est écrit et ce qui est vécu. D’une façon générale, je dirais que les responsables des communautés religieuses ne devraient pas accepter des personnes qui n’ont aucune connaissance du monde. Je m’en suis rendue compte à 35 ans, quand j’ai quitté la communauté: je ne connaissais rien du monde extérieur, j’avais renoncé au monde, à l’amour humain.»
Aujourd’hui, Patricia est mariée et mère de deux enfants. Comme l’a souligné l’abbé Vincent Roos, son livre est important et il ouvre les yeux sur certaines réalités qu’il faut connaître. (cath.ch/os)
Le livre
Cet ouvrage n’a pas été écrit dans un esprit de vengeance, mais avec le courage de la vérité, pour aider un ordre religieux à se redresser, ordre auquel Patricia a donné de nombreuses années de sa vie. C’est grâce à la vérité que l’Église pourra sortir de ses difficultés. Patricia était entrée jeune et innocente au monastère pour vivre l’amour de Dieu et du prochain. Or, elle n’a rencontré que manipulatrices, courtisanes et trahisons qui ont transformé sa vie en un véritable enfer.
Aujourd’hui, elle en est sortie. L’enfer et la haine n’ont pas gagné. Elle voudrait, par son témoignage, redonner du courage à celles et ceux qui ont vécu des expériences semblables. Elle a su garder confiance dans la vie et faire mûrir sa foi. Son amour de Dieu et des autres en sort grandi.
«15 ans dans l’enfer de la famille monastique de Bethléem», Patricia Blanco Suarez, Editions L’Harmattan, 244 pages, disponible chez Payot.
OS
Rédaction
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