Bernard Litzler pour cath.ch
Claude Ducarroz, prévôt émérite de la cathédrale de Fribourg, a vécu de près le Synode 72. Ce processus original manifestait, dit-il, «la ferme volonté de faire atterrir en Suisse l’esprit et la lettre des impulsions et décision du concile Vatican II (1962-1965)».
Ce fut «une synodalité en actes made in Switzerland, précise le chanoine, c’est-à-dire l’expérimentation de méthodes de gouvernance ecclésiale inspirées de notre pratique démocratique bien «suisse»: une consultation du peuple, la publication des résultats, des assemblées représentatives, une maturation des décisions par débats, la recherche de consensus large, la liberté d’expression».
Claude Ducarroz voit alors émerger une «nouvelle catholicité»: «Nous avons eu conscience, de manière approfondie, d’être une Eglise régionale, dans l’unité essentielle et la diversité des cultures. Et nous avons allié la liberté et la responsabilité, y compris celles des évêques». Résultat: «La montée en engagements des laïcs dans une Église peuple de Dieu, avec des personnes plus responsables ad intra et plus prophétiques ad extra».
Avec le recul, le prévôt émérite de la cathédrale de Fribourg constate que la démarche a conduit à «la sortie de certains ghettos cathos et l’entrée courageuse dans un nouveau dialogue Église-société». Durant la phase préparatoire du Synode il est en ministère à Fribourg et à Lausanne. Puis il poursuit des études en théologie à Rome et à Munich durant la phase de célébration du Synode, entre 1972 et 1975, avant de revenir diriger le séminaire diocésain et s’engager dans l’aumônerie de la jeunesse.
Des fécondités se manifestent «dans les profondeurs catholiques», se souvient le chanoine Ducarroz: «Un renouveau liturgique «populaire» et la fréquentation de la Bible, personnellement et en groupes». Autre nouveauté: «la création de plusieurs conseils à tous les niveaux pour favoriser la participation des fidèles, avec leurs charismes et leurs générosités».
La libération de la parole favorise les mouvements d’Action catholique et d’apostolat des laïcs ainsi que «l’éclosion de nouveaux ministères, certains ouverts aux femmes, dans une ambiance de liberté». Ainsi les servantes de messe prennent place dans les liturgies, les femmes portent la communion aux malades et en Appenzell, l’évêque de Saint-Gall Mgr Otmar Maeder institue même une femme comme assistante pastorale, une nouveauté dans les années 1970.
Le Synode 72 ose aborder des sujets délicats: l’ordination d’hommes mariés, la réinsertion des prêtres mariés avec une dispense, l’ouverture de l’ordination aux femmes et la participation du peuple dans le choix des évêques.
Au sein de l’Église se déploient alors, selon Claude Ducarroz, «des relations plus fraternelles, de meilleure proximité, entre les responsables hiérarchiques et le commun des fidèles». On expérimente joyeusement de nouvelles expressions de la foi et une créativité liturgique, comme les célébrations pénitentielles collectives. Et la pastorale de la famille progresse: «Un nouveau regard sur l’homosexualité et l’accès à la communion des divorcés remariés» constituent des fruits de la démarche synodale.
Par ailleurs, les relations œcuméniques s’intensifient. «Un nouveau dynamisme s’installe, se souvient le prélat fribourgeois, avec la conscience qu’il fallait témoigner le plus possible «ensemble» pour relever les défis d’un renouveau ecclésial dans une société en crise de transition vers son futur sécularisé». L’ouverture œcuménique permettant l’hospitalité eucharistique, même réciproque, est mise en œuvre dans certaines paroisses catholiques et protestantes.
Pour Claude Ducarroz, la démarche synodale a également des effets sur l’engagement social. Les discussions ont abordé ouvertement des points chauds de l’époque: «l’abolition du statut des saisonniers, la promotion du service civil, la solidarité avec les migrants, la place des étrangers dans nos institutions, ainsi que le soutien à l’idée de participation en économie». (cath.ch/bl)
Rédaction
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