Pour l’occasion, l’importante communauté catholique sri-lankaise qui réside à Rome et en Italie a retrouvé les évêques de son pays d’origine, venus avec des blessés et rescapés des attaques, afin de commémorer leurs proches. Une statue du Christ criblée d’éclats d’explosifs et encore maculée du sang des victimes avait été placée devant l’autel de la Confession, où a été célébrée la messe.
Le pontife s’est présenté devant l’assemblée à la fin de la cérémonie pour une brève adresse. Il a dénoncé «l’absurdité» de ce type de violences, signe de «l’œuvre du Malin». Il a évoqué les «difficultés actuelles» que rencontre le Sri Lanka, en appelant à la responsabilité de ses dirigeants en matière sociale et éducative.
Saluant le témoignage rendu par l’Église catholique au Sri Lanka, le pape François n’a cependant pas directement évoqué la polémique qui entoure les attaques terroristes et leurs commanditaires.
Interrogé par l’agence I.MEDIA peu après la célébration qu’il a présidée, le cardinal Albert Malcom Ranjith, archevêque de Colombo, a expliqué que sa communauté cherchait encore à faire la lumière sur les motivations des trois attaques simultanées qui ont frappé deux églises catholiques et une paroisse protestante le jour de la Résurrection, le 21 avril 2019. 269 personnes ont trouvé la mort dans ces attentats et des centaines d’autres ont été blessées.
Si le gouvernement sri-lankais a mis en cause vingt-cinq membres d’un groupe islamiste radical, «il y a des indices qui tendent à montrer» que les commanditaires ne seraient pas musulmans, assure le haut-prélat. Il dénonce un «complot politique» derrière ces attaques, orchestré «pour créer des tensions» entre les communautés religieuses de l’île. Si le Sri Lanka est majoritairement bouddhiste (82%), il y réside des minorités notamment hindouiste (9%), musulmane (5%) et catholique (3%).
Cette théorie, a expliqué le cardinal, a été soulevée par un magistrat en charge de l’enquête, qui a été transféré par la suite puis mis à la retraite. Il avait relevé certains éléments selon lesquels les terroristes auraient été payés par des personnes appartenant au gouvernement, qui leur auraient fourni les armements et explosifs.
«Nous voulons la paix et la concorde avec tous, et nous voulons savoir qui est derrière ce complot qui essaye de créer des conflits entre nous», a martelé le cardinal Ranjith. Il a expliqué qu’il était venu au Vatican accompagné de compatriotes musulmans et bouddhistes qui, comme lui, demandent la vérité.
Après la rencontre, le cardinal s’est entretenu avec des journalistes lors d’une réunion informelle organisée par la fondation Aide à l’Eglise en détresse (AED/ACN). A cette occasion, le pape a lancé un appel pressant au gouvernement sri-lankais. «S’il vous plaît, pour le bien de la justice et pour le bien de votre peuple, nous demandons à savoir une fois pour toutes qui est responsable», a déclaré François.
Aux côtés du cardinal Ranjith, à l’ombre de la basilique Saint-Pierre, se trouvaient une trentaine de personnes ayant perdu des proches, brandissant tristement leurs portraits. Parmi eux deux pères de famille, sortis chercher leur voiture quand les explosifs ont été déclenchés, et qui racontent comment ils ont couru dans l’église pour retrouver les corps en charpie de leurs femmes et de leurs enfants. Une petite fille, aujourd’hui aveugle et qui cache derrière ses lunettes ses yeux crevés par les fragments des bombes, était également présente.
Une jeune Sri-Lankaise, qui réside aujourd’hui à Palerme, avait les yeux mouillés de larmes en présentant sa mère, endormie dans un fauteuil roulant. «Elle a tout perdu ce jour-là, son cerveau ne fonctionne plus». Le mari de la dame se tenait à sa droite, l’air grave. Tout en montrant une cicatrice encore apparente sur son crâne, il a refusé de raconter cette journée.
Le 2 mars dernier, le cardinal sri-lankais s’est rendu à Genève pour demander une enquête internationale au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Lors de sa visite, il aussi soulevé devant l’entité onusienne la situation de crise que traverse son pays. «Il y a une lutte contre le gouvernement de toute la population sri-lankaise», a expliqué celui qui a participé au début du mois à une manifestation contre les dirigeants. «Le gouvernement a tellement mal géré l’économie que beaucoup de familles peinent à manger», a-t-il expliqué après la messe de commémoration.
Le cardinal a appelé à l’aide la communauté internationale, lui demandant de ne pas regarder uniquement la crise ukrainienne et de ne pas soutenir «ces gouvernements dictatoriaux qui ne respectent pas nos droits humains ». (cath.ch/imedia/aed/cd/rz)
I.MEDIA
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