Mgr Laurent Ulrich, un homme d’expérience pour l'archidiocèse de Paris

Mgr Laurent Ulrich, 70 ans, jusque-là archevêque de Lille depuis 2008, a été nommé par le pape François pour conduire le diocèse de Paris, a annoncé le Bureau de presse du Saint-Siège le 26 avril 2022. Rome a choisi un évêque expérimenté et extérieur à l’écosystème parisien. Mgr Laurent Ulrich succède à Mgr Georges Pontier qui assurait l’intérim, suite à la dé,mission de Mgr Michel Aupetit.

C’est à un évêque reconnu pour sa longue expérience – 22 ans d’épiscopat – et pour ses compétences d’administrateur que le pape François a choisi de faire appel, déjouant certains pronostics sur la nomination d’un franciscain ou d’un jésuite à ce siège épiscopal, sans doute le plus exposé de France. Mgr Laurent Ulrich, qui aura 71 ans le 7 septembre prochain, pilotera le diocèse de Paris durant, probablement, un simple quinquennat de transition.

Titulaire d’une maîtrise de philosophie et de théologie, ordonné prêtre en 1979 pour l’archidiocèse de Dijon, Mgr Laurent Ulrich fut notamment doyen de Beaune, puis vicaire général et délégué à l’apostolat des laïcs, de 1990 à 2000. Choisi par Jean Paul II pour devenir évêque à 49 ans, il fut consacré par le cardinal Louis-Marie Billé et fut de 2000 à 2008 archevêque de Chambéry, évêque de Maurienne et évêque de Tarentaise, les trois diocèses savoyards qui ont gardé leur identité distincte mais sont gouvernés par le même archevêque. 

Apprécié en Savoie pour son dynamisme pastoral, il a été appelé à succéder à Mgr Gérard Defois dans le vaste diocèse de Lille, érigé au rang d’archidiocèse au moment de son installation en mars 2008. Son prédécesseur fit alors remarquer le contraste entre les terres alpines et le «plat pays» que Mgr Ulrich aura donc arpenté durant 14 ans. La célébration du centenaire du diocèse de Lille en 2013, l’accompagnement de la très influente Université catholique ou encore le soin apporté à l’évangélisation des quartiers populaires et à la catéchèse demeurent des marqueurs forts de son épiscopat. Mais les terres du Nord n’échappent pas à la chute des vocations sacerdotales, ce qui l’a contraint à prendre en 2019 la décision de fermer «provisoirement» le séminaire de Lille.

Une expertise synodale

Le Synode interdiocésain commun aux trois diocèses nordistes (Lille, Arras, Cambrai) fut l’un des temps forts de ses années de mission dans cette région encore imprégnée par le catholicisme social. Au terme de ce parcours synodal, en septembre 2015, Mgr Ulrich et ses confrères des diocèses nordistes avaient alors posé des questions qui semblaient préfigurer le parcours synodal promu par le pape François et actuellement vécu au niveau mondial: «Qu’est-ce qui favorisera au mieux la communion dans nos communautés chrétiennes, et entre elles?» ou encore: «Qu’est-ce qui entraînera nos communautés vers un partage des responsabilités en leur sein, une participation du plus grand nombre pour le bien de la mission?».

Ce synode, qui avait aussi pris le nom de «Concile provincial», a permis d’encourager la participation des laïcs à la vie de l’Église, dans les paroisses et les associations. Il est probable que le pape ait été sensible à cette expérience synodale, et qu’il compte sur Mgr Ulrich pour infuser cet état d’esprit dans le diocèse de Paris, alors que la phase diocésaine du parcours synodal se poursuit et culminera à l’automne 2023 avec une assemblée conclusive au Vatican.

Alors vice-président de la conférence des évêques de France, Mgr Ulrich avait participé à la seconde session du Synode sur la Famille à Rome en 2015. Il avait alors insisté sur « le devoir pastoral de l’Église» de proposer «à toutes les familles un chemin d’espérance, un chemin où elles peuvent rencontrer le Christ, et révéler des aptitudes à vivre selon son Esprit même dans leurs fragilités: elles portent autour d’elles une part de sa lumière», soulignait l’archevêque de Lille au terme de cette assemblée.

Les catholiques invités à s’investir en politique

Durant son service dans le Nord, Mgr Ulrich a toujours été attentif au dialogue avec le monde politique, et il fut notamment chargé de présider les obsèques de l’ancien maire de Lille et ancien Premier ministre socialiste Pierre Mauroy, en 2013. Son tact relationnel sera un atout important dans ses nouvelles fonctions à Paris, qui impliquent des contacts réguliers avec les autorités municipales ainsi qu’avec le gouvernement et le président de la République.

Dans le contexte de la campagne présidentielle et du duel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, dans son homélie de la messe chrismale du 12 avril, l’archevêque de Lille s’était montré prudent en reconnaissant qu’il est « une évidence aujourd’hui que le choix de chacun est libre, et aussi que la perception du bien commun n’est jamais unanime». Tout en constatant que «des parts énormes de notre société ne sont plus connectées aux autres», l’archevêque relevait toutefois un regain d’intérêt des catholiques pour l’investissement politique: «J’entrevois avec bonheur que parmi les jeunes générations, certains portent une attention grandissante à la Doctrine sociale de l’Église et s’apprêtent peut-être à entrer dans l’action politique», espérait-il. 

Il invitait donc à «se risquer » à la la vie politique et à «encourager ceux et celles qui veulent s’y préparer et s’y former», en soulignant que «l’onction du Christ repose sur nous, elle concerne toute notre vie en la tournant vers Lui qui nous montre le chemin vers le Père».

Ferme face aux abus sexuels

Il a également été reconnu pour sa rigueur face aux affaires d’abus sur mineurs, n’hésitant pas à écarter avec fermeté des prêtres particulièrement connus dans le diocèse de Lille, et assumant une disponibilité pleine et entière pour l’écoute des victimes. Ces qualités seront probablement appréciées, un peu plus de six mois après la remise du rapport de la CIASE, qui continue à susciter une certaine incompréhension dans une partie du monde catholique.

Au sein de la Conférence des évêques de France, Mgr Laurent Ulrich est président du Conseil pour l’enseignement catholique. Durant son service dans le Nord, il s’est montré particulièrement attentif à l’enseignement supérieur en tant que chancelier de l’Université catholique de Lille, une puissante institution dont il a accompagné le développement, dans une optique de partenariat avec des institutions publiques. Au total, plus de 36’000 étudiants sont actuellement inscrits dans les différentes écoles et filières qui font partie de cette université.

Un non-Parisien pour la première fois depuis 1968

La dernière nomination d’un évêque de province à la tête du diocèse de Paris remontait au 26 mars 1968: Paul VI avait alors appelé l’archevêque de Reims, Mgr François Marty, qui avait apporté son accent aveyronnais dans la capitale, pour treize années d’un épiscopat mouvementé, marqué par le départ de nombreux prêtres. Ses trois successeurs – le cardinal Jean-Marie Lustiger (1981-2005), le cardinal André Vingt-Trois (2005-2017) et Mgr Michel Aupetit (2017-2021) – étaient pour leur part issus du clergé parisien, qui a aussi fourni de nombreux évêques à d’autres diocèses de France.

Sortir de «l’entre-soi» parisien

L’apport d’une personnalité extérieure au diocèse était souhaité par de nombreux prêtres et fidèles, afin de sortir d’un certain « entre-soi » néfaste à l’efficacité du gouvernement d’un diocèse prestigieux mais complexe. Les divisions internes au clergé local se sont cristallisées avec les départs inopinés de deux vicaires généraux, le Père Benoist de Sinety, devenu curé à Lille dans le diocèse de Mgr Ulrich, et le Père Alexis Leproux, parti à Marseille.

La démission de Mgr Michel Aupetit, acceptée très rapidement par le pape François le 2 décembre dernier, avait suscité un électrochoc. Son départ a été expliqué par des critiques sur son mode de gouvernement et la suspicion d’une relation sentimentale, rapportée dans un article de l’hebdomadaire Le Point.

Le pape François, qui avait suscité un certain étonnement dans le vol de retour de Grèce le 6 décembre 2021 en déclarant que Mgr Aupetit avait été « sacrifié sur l’autel de l’hypocrisie », a finalement reçu l’archevêque émérite de Paris au Vatican le 3 février 2022. Il l’a maintenu en responsabilité au sein de la Curie romaine, comme membre de la Congrégation pour les évêques. Retiré du gouvernement diocésain mais toujours évêque, il accompagne maintenant le «Village de François», une communauté chrétienne installée dans une abbaye du Midi toulousain, qui s’inspire de l’écologie intégrale et de l’attention aux plus pauvres prônées par le pape dans ses encycliques Laudato si’ et Fratelli tutti.

Défis du nouvel archevêque

Avec la nomination de Mgr Ulrich s’achève l’intérim de Mgr Georges Pontier, qui avait été nommé administrateur apostolique du diocèse de Paris le 2 décembre 2021. Outre les liturgies de Noël et de Pâques, son court mandat aura notamment été marqué par la célébration d’une messe pour la paix le 25 mars en la basilique du Sacré-Coeur à Montmartre, dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la consécration de la Russie et de l’Ukraine au Cœur immaculé de Marie.

Sa mission d’écoute et de conciliation semble laisser un diocèse plus apaisé, dans un contexte qui demeure difficile pour le clergé parisien. Il demeure en fonction jusqu’à la messe d’installation de Mgr Ulrich, qui sera célébrée le lundi 23 mai 2022 à 18h30 en l’église Saint-Sulpice.

Le premier «chantier» du nouvel archevêque, au sens propre comme au sens figuré, sera naturellement la reconstruction de Notre-Dame de Paris et son retour au culte, promis pour 2024, cinq ans après l’incendie du 15 avril 2019. Son aptitude au dialogue avec le monde politique et ses capacités de gestion et d’administration seront probablement utiles pour garantir le plein retour de la cathédrale au centre de la vie de l’Église à Paris.

Dans son premier message aux diocésains de Paris, diffusé avec l’annonce de sa nomination, Mgr Ulrich s’est adressé à eux comme à des «amis», en expliquant que son ministère « vient du Christ lui-même qui se présente toujours comme l’ami de tous, en tout temps et en tout lieu». «Je viens à vous avec ›la joie de croire’ qui est ma devise depuis longtemps», a-t-il assuré. (cath.ch/imedia/cv/bh)

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