Le 6 avril dernier, les Nations Unies célébraient la Journée internationale du sport «au service du développement et de la paix». Du côté du Vatican, l’on envisage le sport «au service de l’humanité«. Mais quelle «humanité» et quel «développement» le sport est-il censé servir?
Gageons qu’une majorité de gens concordera sur le fait que le sport devrait servir l’humanité. Mais dans quelle mesure les grands événements sportifs servent-ils cette «humanité» ? En effet, lorsque l’on considère des compétitions internationales comme – pour l’année 2022 – les Jeux Olympiques et Paralympiques de Pékin, l’Euro de football féminin en Angleterre ou encore le Mondial de football au Qatar, parle-t-on: de l’humanité des athlètes professionnels qui incarnent les derniers retranchements d’une humanité surentraînée? De l’humanité des sportifs et sportives qui profitent de leur statut pour répandre des gestes de charité et de solidarité? De l’humanité de la société qui produit le sport? Ou encore, de l’humanité des personnes qui contribuent à la préparation d’événements sportifs et y laissent parfois leur vie…humaine?
«Quand on travaille sur le sport, on pense à la notion de bien commun et à la formation de citoyens solidaires et fraternels.»
Les contours de «l’humanité» ne sont pas faciles à saisir, bien que nous en ayons tous et toutes une idée assez claire. Envisage-t-on une humanité individuelle (la personne) ou une humanité communautaire (la société)? Cela change-t-il notre perception de ladite «humanité» ?
Prolongeant son anthropologie, la perspective chrétienne peut s’appuyer sur son enseignement social pour s’orienter entre sauvegarde des droits individuels et bien commun. Valérie Fourneyron, ancienne ministre des Sports et contributrice au Document Épiscopat «Église et Sport» de la Conférence des évêques de France affirme dans une interview donnée à La Croix : «Quand on travaille sur le sport, on pense à la notion de bien commun et à la formation de citoyens solidaires et fraternels. Sur ce point, l’enseignement de l’Église est tout à fait pertinent. À l’image d’un club sportif, elle porte des valeurs d’accueil, de respect, d’efforts, de découverte de la règle et de fraternité. […]»
«L’enjeu est de considérer le sport en tant qu’il contribue à la croissance de l’humain intégral»
En effet, afin de «[…] promouvoir tout homme et tout l’homme» (PP 14), le mouvement «Le sport au service de l’humanité» fondé au Vatican en 2016 s’emploie à diffuser six principes : compassion, respect, amour, «enlightenment«, équilibre et joie. Le tout doit servir d’orientation pour «vivre comme tu joues» (Live like you play). La notion d’humanité est étroitement liée à celle de développement. Et même: de développement intégral. L’enjeu est de considérer le sport en tant qu’il contribue à la croissance de l’humain intégral et donc au développement d’une humanité solidaire. En 1967, l’encyclique Populorum progressio adressait un : «appel solennel à une action concertée pour le développement intégral de l’homme et le développement solidaire de l’humanité» (PP 5).
Dans le contexte sportif, la tension entre développement de l’humanité individuelle (performance) et développement de l’humanité globale (esprit sportif) apparaît dans l’actualisation de la devise olympique : citius, altius, fortius – communiter. L’ajout du mot «ensemble» (communiter) témoigne de cette volonté d’articulation entre individuel et communautaire. Comment tenir ensemble droits individuels de chaque humain impliqué dans un événement sportif et bien commun apporté à une société par des performances et un spectacle grandioses?
«Le sport, avec ses valeurs, peut jouer un rôle important dans le monde, ouvrant des routes d’harmonie entre les peuples, à condition qu’il ne perde jamais sa capacité de gratuité.»
pape François
Selon «Le sport au service de l’humanité», trois axes comprenant les six principes sont à suivre ici : le sport comme moyen – les valeurs comme message – le service comme appel à l’action. Cette transformation spirituelle, sociale et politique de «l’humanité» au sein du milieu sportif ne sera possible qu’en adoptant une attitude d’inspiration, d’inclusion et d’engagement (trois piliers du mouvement «Le sport au service de l’humanité») qui considère la «rencontre» sportive dans les compétitions internationales – dans un esprit de gratuité et une éthique du service.
Concluons avec le mot du pape François à l’occasion de la Journée mondiale du sport pour la paix et le développement : «Je m’adresse aux hommes et aux femmes du sport, car à travers leurs activités ils et elles peuvent être témoins de fraternité et de paix. Le sport, avec ses valeurs, peut jouer un rôle important dans le monde, ouvrant des routes d’harmonie entre les peuples, à condition qu’il ne perde jamais sa capacité de gratuité: le sport pour le sport, et qu’il ne devienne pas commercial. Cet amateurisme propre au vrai sport.»
Alessandra Maigre et Paul H. Dembinski
Portail catholique suisse
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