«J’aimais très tendrement ce que le bon Dieu m’avait laissé de famille… Une famille qui faisait tout mon bonheur… Une famille adorée», écrivait Charles de Foucauld qui, orphelin, avait d’autant plus conscience des liens familiaux. Les générations se sont succédé jusqu’à Anne de Blic, qui est aujourd’hui l’arrière-petite-fille de Marie – l’unique sœur de Charles de Foucauld – et la petite-fille de Charles de Blic, neveu et filleul de celui que tout le monde appelait «oncle Charles».
C’est Anne qui a hérité des lettres que le saint a échangées avec sa parentèle. «Il y a environ 300 lettres, il écrivait énormément», explique celle qui en a hérité avec un brin d’appréhension, pour ensuite découvrir un patrimoine «très précieux». «Avec le temps, comme maillon d’une chaîne familiale, j’ai développé un attachement profond à nos racines qui sont exceptionnelles à travers cet homme», confie-t-elle. Étudiées par le Petit Frère de l’Évangile Xavier Gufflet, toutes ces missives écrites entre 1893 et 1916 ont fait l’objet d’une publication.
Anne de Blic est également dépositaire d’un certain nombre d’objets qui lui appartenaient et qui ont pu marquer sa vie, notamment un crucifix, sa timbale de collégien, et son sextant avec lequel il est parti à la découverte du Maroc. Après être entré déguisé en juif dans le pays alors interdit aux Français, Charles de Foucauld en a dessiné la topographie. Son livre Reconnaissance au Maroc, qu’il publia à son retour, connut un grand succès.
»J’ai l’impression d’être née en parlant de Charles de Foucauld», plaisante Anne de Blic, qui ressent la «présence très forte» de son aïeul imprégnant la famille. «On peut ressentir un mélange d’admiration, confie-t-elle, avec la conscience d’avoir une chance incroyable de descendre d’un tel homme. Mais on aussi la tentation de se demander si l’on va être à la hauteur… ce qui est une impasse. Chacun est qui il est.»
Anne de Blic se sent particulièrement touchée par son «humilité» et son «abandon». «Pour moi sa prière d’abandon est extraordinaire, cela va très loin sur un plan spirituel et psychologique», explique la psychothérapeute. «Lorsqu’on est pris par une vague dans l’océan Atlantique, la réaction «normale» est de se battre contre le courant. Or c’est épuisant et l’on se noie. Au contraire si l’on se laisse aller, le courant va nous ramener plus loin sur le rivage. C’est le symbole de la confiance et de l’abandon dans la Foi, que vivait Charles de Foucauld : dans l’épreuve, ne pas entrer dans la panique mais faire confiance».
«Charles de Foucauld, c’était quelqu’un dont on parlait, il y avait des liens familiaux forts», se souvient pour sa part Damien de Blic, maître de conférences en science politique à Paris VIII, lui-même apparenté à la famille de Raymond de Blic, époux de Marie et beau-frère du bienheureux. «Marie a passé beaucoup de temps dans la maison de mes arrière-grands-parents à Grasse, rapporte-t-il. On avait chez nous des plaques photographiques qui représentaient le Père de Foucauld. J’ai reçu assez tôt un Évangile qu’il avait dédicacé à mon grand-père et que j’ai toujours chez moi. Nous avons aussi son memento mori et des échanges épistolaires.»
L’universitaire s’est intéressé assez tôt à la figure de Charles de Foucauld. Il se dit surtout inspiré par la perpétuation de son œuvre à travers les congrégations fondées sur sa spiritualité. «Au cours de ma vie, j’ai eu l’occasion de réaliser l’extraordinaire travail que font ces communautés, poursuit Damien de Blic. J’ai connu notamment trois frères dans le sud de l’Inde au Tamil Nadu, des personnes très humbles qui faisaient un vrai travail d’inculturation du christianisme. Ils réalisaient un service social discret mais très important – ils avaient réussi à éliminer la polio dans leur région. J’ai aussi rencontré trois sœurs vivant dans les quartiers nord de Marseille, exemplaires de cette spiritualité.»
«Pour moi le Père de Foucauld, conclut-il, c’est aussi tout ce visage du christianisme tourné vers les plus pauvres, avec souvent une dimension de dialogue interreligieux.»
Quelque 350 membres de la famille, descendants à divers niveaux, seront présents à la canonisation que célèbrera le pape François place Saint-Pierre, dans un carré réservé. Organisé avec les Petites sœurs de Jésus de Trefontane, le programme prévoit une veillée de prière Saint-Louis-des-Français le 14 mai au soir, une messe d’action de grâces à Saint-Jean-de-Latran le 16 mai au matin, ainsi qu’un one-man-show sur la vie du néo-saint.
Pour Anne de Blic, coordonnatrice du rassemblement familial, la canonisation du «Frère universel» revêt un caractère très actuel. L’ermite de Tamanrasset, qui vivait chez les Touaregs, «était très proche des musulmans, mais il ne voulait pas les convertir, il voulait donner l’exemple d’une vie chrétienne tournée vers Dieu», souligne-t-elle. Cela a «du sens pour aujourd’hui». (cath.ch/imedia/hl/mp)
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