Interrogé par le correspondant de La Croix, le directeur de La Civiltà Cattolica, et proche du pape François, le Père Spadaro défend la présence de deux femmes, russe et ukrainienne, au chemin de croix du vendredi 15 avril 2022.
Le pape n’agit pas comme un homme politique. C’est le pasteur l’Église universelle, relève le Père Spadaro. Pour le jésuite, la position du pape sur cette guerre est absolument claire: il la définit comme un sacrilège, une barbarie et une agression armée. Mais par ce geste, le pape François veut rappeler que l’Église ne doit pas utiliser le langage de la politique mais le langage de Jésus.
Or, utiliser le langage de Jésus consiste aussi à dire: «Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 44). Que vont faire ces deux femmes? Porter la croix, en silence. Sans rien dire. «Il ne s’agit pas de demander pardon, ou de forcer qui que ce soit à s’engager dans une réconciliation. On ne dit à personne qu’il est obligatoire, ici et maintenant, de pardonner à tout prix. C’est un signe prophétique», estime le Père Spadaro.
«Irina et Albina représentent beaucoup de femmes ukrainiennes et russes qui sont amies et déchirées par cette guerre. Elles sont aussi le signe de ces couples, de ces familles qui comptent des Russes et des Ukrainiens. Les populations ne demandent pas la guerre, elles réclament la paix. Elles ne font pas de stratégie politique», insiste le jésuite.
Face aux réactions négatives des Ukrainiens, le Père Spadaro relève qu’en voulant ce geste, «le pape protège la spécificité de l’Évangile, qui est l’amour des ennemis. L’Évangile n’est pas un livre de sagesse religieuse. Il comporte en lui une part de scandale. Il est donc normal, en un sens, qu’aux yeux du monde, ce geste soit scandaleux, puisque ces deux femmes devraient être ennemies. Elles scandalisent parce qu’elles s’apprêtent à porter ensemble la croix du Christ. En portant la croix ensemble, elles manifestent leur douleur, et espèrent la paix de Dieu. Au fond, c’est un geste très pauvre, d’humilité et d’espérance», conclut le jésuite. (cath.ch/cx/mp)
Maurice Page
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