L’actualité tragique de l’offensive russe en Ukraine a marqué la préparation de ces textes, avec la participation conjointe d’une famille russe et d’une famille ukrainienne pour la 13e station, évoquant la mort de Jésus et ce cri déchirant: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?». La méditation de ces deux familles affectées par la guerre s’articule autour du silence de Dieu et du sentiment d’abandon, en regardant « la mort tout autour, la vie qui semble perdre sa valeur».
«Les larmes ont cessé. La colère a fait place à la résignation», déplorent ces deux familles, qui s’interrogent sur l’éloignement apparent de Dieu. «Nous savons que Tu nous aimes, Seigneur, mais nous ne ressentons pas cet amour, et cela nous rend fous», interpellent ces familles russe et ukrainienne.
«Parle dans le silence de la mort et de la division et apprends-nous à faire la paix, à être frères et sœurs, à reconstruire ce que les bombes auraient voulu détruire», supplient ces deux familles dans cette méditation sur la mort de Jésus.
Pour la 14e station, concernant le dépôt de Jésus au tombeau, c’est une famille de migrants qui a été mise à contribution. Ces catholiques persécutés, venus d’un pays en guerre dont le nom n’a pas été communiqué probablement pour des raisons de sécurité, témoignent du sacrifice et des humiliations vécues dans leur exil. «Nous sommes ici, survivants, perçus comme un fardeau», confient-ils.
«Nous qui étions importants à la maison, nous sommes ici des chiffres, des catégories», s’attristent-ils en confiant vouloir faire vivre à leurs enfants «une vie normale, sans bombes, sans sang, sans persécution ». Ils confient leur foi profonde: «Si nous ne nous résignons pas, c’est parce que nous savons que la grande pierre sur la porte du tombeau sera un jour enlevée».
Les autres méditations traduisent différents états de vie vécus par des familles italiennes. Une femme veuve depuis sept ans, mère de deux enfants, livre ainsi un regard touchant sur son expérience: «Nous sommes une chaise à trois pieds au lieu de quatre: belle et précieuse, même si un peu instable».
Elle remarque que «sous la croix, chaque famille, même la plus déséquilibrée, la plus douloureuse, la plus étrange, la plus infirme, trouve son sens le plus profond». Sans rien cacher de son désarroi, elle explique que la présence de Jésus sur la croix montre que «L’amour devient réel, car dans nos abîmes et dans nos épreuves, nous ne sommes pas abandonnés».
La méditation de la 8e station, celle dans laquelle Simon de Cyrène aide Jésus à porter la croix, a été confié à des grands-parents qui ont dû prendre en charge le quotidien de leurs petits-enfants, en raison du chômage de leur gendre et de l’échec conjugal de leur fille.
«La croix de l’insécurité familiale et professionnelle nous inquiète», reconnaissent-ils, en expliquant qu’ils se sentent « chargés d’une croix inattendue, placée sur nos épaules malgré nous». Mais ils trouvent aussi une joie dans cette responsabilité imprévue, malgré la fatigue de l’âge. «Nous ne cessons jamais d’être maman et papa», s’émeuvent-ils.
Pour la 7e station, dans laquelle Jésus est chargé de la croix, un homme dont l’épouse est paralysée par une maladie dégénérative confie avec amour qu’avec «ses yeux perçants dans leur douleur glabre, elle est pleinement mère et épouse».
Cette expérience de la maladie lui offre aussi l’occasion de découvrir la générosité des autres familles: «celles qui essaient de vous faire rire, celles qui vous aident à la cuisine, celles qui emmènent leurs enfants au catéchisme, celles qui vous écoutent, celles qui vous comprennent d’un regard, celles qui, malgré des situations tout aussi, sinon plus, compliquées, s’inquiètent constamment pour vous».
Les parents d’un enfant handicapé ont pris en charge la 5e méditation, évoquant le jugement de Jésus par Ponce Pilate. Leur relecture de vie revient sur la violence du jugement médical et le sentiment d’avoir été confronté à un tribunal portant atteinte à leur liberté intime. «Notre fils avait déjà été jugé avant de venir au monde. Nous avions rencontré des médecins qui s’étaient occupés de sa vie avant sa naissance, et des médecins qui nous avaient fait comprendre qu’il valait mieux ne pas lui donner naissance».
«Lorsque nous avons choisi la vie, nous avons également été soumis au jugement: «Il sera un fardeau pour vous et pour la société», nous a-t-on dit. «Crucifiez-le.» Pourtant, il n’avait rien fait de mal», se révoltent ces parents.
«Combien de fois le jugement du monde est hâtif et superficiel et nous afflige même d’un regard. Nous portons en nous la honte d’une diversité plus souvent apitoyée qu’habitée», regrette cette famille.
Le Chemin de Croix du Vendredi Saint, qui se tiendra cette année au Colisée pour la première fois depuis 2019, sera présidé par le pape François le 15 avril à partir de 21h15. (cath.ch/imedia/cd/bh)
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