Né le 7 avril 1942 à Popolano di Marradi, un village toscan, le cardinal Gualtiero Bassetti a eu une jeunesse marquée par la figure de Giorgio La Pira, le maire démocrate-chrétien de Florence, qu’il avait rencontré durant ses années de séminaire.
Formé durant la période d’effervescence du Concile Vatican II, il est ordonné prêtre en 1966 pour le diocèse florentin. Son sacerdoce sera essentiellement orienté vers la pastorale des vocations et la formation, notamment comme recteur du petit puis du grand séminaire.
En 1992, l’archevêque de Florence de l’époque, le cardinal Silvano Piovanelli, considéré comme l’incarnation de l’aile «progressiste» de l’épiscopat italien, en fait son vicaire général. Deux ans plus tard, Jean Paul II le nomme évêque de Massa Marittima-Piombino, sur la côte toscane, puis il le transfère en 1998 comme évêque d’Arezzo-Cortona-Sansepolcro, toujours en Toscane. Enfin, en 2009, Benoît XVI le nomme archevêque de Pérouse, en Ombrie. Il devient la même année le vice-président de la Conférence des évêques d’Italie, représentant l’Italie centrale.
Sa création comme cardinal par le pape François en février 2014 est interprétée comme une volonté du pontife de promouvoir des évêques au profil moins conservateur que les titulaires de diocèses plus prestigieux, comme Venise ou Turin. Premier archevêque de Pérouse à être élevé à la pourpre depuis Joachim Pecchi (le futur pape Léon XIII) en 1853, le cardinal Bassetti devient ensuite en 2017, à 75 ans, le nouveau président de la conférence épiscopale italienne. Il succède alors à l’archevêque de Gênes, le cardinal Angelo Bagnasco, qui était en poste depuis 10 ans.
Particularité italienne: le président de la conférence épiscopale n’est pas élu par ses pairs, mais nommé par le pape, qui est évêque de Rome et primat d’Italie. Le cardinal Gualtiero Bassetti aura donc eu la lourde tâche de faire infuser le magistère du pape François au sein de la société italienne et de l’Église, notamment dans le cadre de contacts réguliers avec le pouvoir politique.
S’élevant en 2019 contre le ministre de l’Intérieur de l’époque, Matteo Salvini, le cardinal Bassetti rappelle qu’il est «immoral, pour un catholique, de voir dans le migrant un ennemi à combattre ou à haïr». Dans une interview publiée par La Stampa, il dénonce la montée en puissance d’un sentiment de «peur» et de «xénophobie».
Les deux changements de coalition, en 2019 sous la conduite de Giuseppe Conte allié désormais à la gauche, puis en 2021 avec un rassemblement des principaux partis autour de Mario Draghi, mèneront à une amélioration des contacts entre l’épiscopat italien et le gouvernement.
Le cardinal Bassetti aura aussi été la cheville ouvrière des deux rencontres des évêques de la Méditerranée, à Bari en février 2020 puis à Florence en février 2022. L’impact de cette deuxième rencontre, qui avait été élargie au monde politique avec la présence de nombreux maires du bassin méditerranéen, a néanmoins été amoindri par l’absence du pape François, resté à Rome pour raison de santé.
La grande épreuve des cinq ans de mandat à la tête de la CEI demeure la crise sanitaire lié à la pandémie de coronavirus. Le cardinal Bassetti est lui-même contaminé à deux reprises par le Covid-19, à un an d’intervalle. Sa première infection lui vaut une longue hospitalisation d’un mois à l’automne 2020, dont 10 jours en soins intensifs, durant lesquels son pronostic vital semble engagé. Il parvient finalement à se rétablir et à reprendre ses activités à partir de Noël.
Dans un entretien à L’Avvenire publié le 19 décembre 2020, le président de la CEI décrit sans fausse pudeur son expérience personnelle du virus: «C’est un corps étranger qui prend possession de ta personne et te vide de l’intérieur (…), cela te réduit soudainement à une larve», confie-t-il, en reconnaissant avoir pensé que sa dernière heure était venue.
Au-delà de son cas personnel, le cardinal Bassetti estime alors que cette crise a accéléré les déchirures du tissu social déjà fragilisé. «Nous ne réussirons pas à sortir de cette double crise, économique et sanitaire, avec une mentalité individualiste», alerte-t-il en invitant à prendre conscience de la valeur «prophétique» de l’encyclique du pape François Fratelli tutti pour retrouver le « sens profond de la fraternité, de la communion et du vivre ensemble».
La prochaine assemblée de printemps de la CEI, en mai prochain, devrait mener à la désignation du successeur du cardinal Bassetti. Parmi les noms les plus régulièrement cités figure celui de l’archevêque de Bologne, le cardinal Matteo Zuppi, issu de la Communauté de Sant’Egidio et très introduit auprès du monde politique en Italie. Sont également évoqués les noms du cardinal Augusto Paolo Lojudice, archevêque de Sienne, et de Mgr Erio Castellucci, archevêque de Modène et théologien renommé.
Le nouveau président de la CEI devra notamment affronter le thème de la lutte contre les abus sur mineurs, sur lequel l’épiscopat italien est demeuré relativement en retrait sous le mandat du cardinal Bassetti. Selon des estimations de l’association «L’Abuso», il y aurait en Italie entre 1’000 et 4’000 prêtres suspectés d’abus sur mineurs, pour un total d’un million de victimes. Ces chiffres demeurent difficiles à étayer en l’absence d’étude statistique précise.
Pour le moment, l’épiscopat italien se montre réticent à promouvoir une étude indépendante sur le modèle de la CIASE en France, qui suscite de fortes réserves à Rome. Mais la pression médiatique pourrait mener à la création d’une commission d’enquête parlementaire, qui, en l’absence d’une anticipation claire de la part des responsables de la conférence épiscopale, risquerait de mettre l’Église italienne en position d’accusée, comme c’est le cas actuellement en Espagne.
Sur le plan de l’organisation interne de l’Église, la poursuite du Synode national, qui doit s’étaler jusqu’en 2025, sera l’une des tâches les plus complexes qui incomberont au nouveau président de la CEI. Le cardinal Bassetti n’est pas parvenu à mobiliser l’ensemble de ses confrères dans cette démarche qui entre en résonance avec le processus mondial censé s’achever en octobre 2023 au Vatican. L’organisation du Jubilé de 2025, qui implique en premier lieu le Vatican et le diocèse de Rome, sera aussi un chantier central du quinquennat à venir.
Après l’anniversaire du cardinal Bassetti, le Sacré-Collège comptera désormais 118 cardinaux électeurs et 93 cardinaux non-électeurs, soit un total de 211 cardinaux. Avec 19 cardinaux électeurs, l’Italie demeure le pays le plus fortement représenté dans la perpective d’un futur conclave. (cath.ch/imedia/cv/bh)
I.MEDIA
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/le-cardinal-italien-gualtiero-bassetti-atteint-la-limite-dage-de-80-ans/