De passage en Suisse, pour la Conférence européenne de l’enfance missionnaire (CEME) réunie au Centre œcuménique de Bossey, Père Blaj a livré à cath.ch son témoignage sur la situation des réfugiés dans son pays. Il n’intervient pas au titre de directeur de MISSIO, mais au travers de sa fondation ›Saint-Mary Mission’, active dans l’aide aux démunis et aux sans-abri de Bucarest. Sans abandonner sa mission première, elle a élargi son champ d’action aux réfugiés ukrainiens. Mieux encore, le Père n’a pas hésité à solliciter l’aide des jeunes réfugiés pour l’accompagner dans les tournées auprès des SDF.
La population roumaine s’est montrée très généreuse et accueillante, relève le Père Blaj. «J’ai été très impressionné. J’ai reçu de mon village de la nourriture et des vêtements. Les gens ont ouvert leur maison». Lui-même a aussi ouvert son logement pour y recevoir trois réfugiées.
Dès le premier jour de la guerre, les réfugiés sont arrivés par milliers en Roumanie. «Les premiers sont venus avec leur propre voiture emmenant leurs bagages et souvent leurs animaux de compagnie. Mais une deuxième vague de gens, fuyant les combats et les bombardements, et arrivant sans nourriture ni argent, a suivi rapidement. Il s’agit quasiment exclusivement de femmes d’enfants et de personnes âgées.» Les hommes sont restés au pays pour faire la guerre. Pour le Père Blaj, tant que la guerre continue, le flux ne tarira pas.
Eugen Blaj
Né en 1960, le Père Eugen Blaj a été ordonné prêtre en 1986. D’abord vicaire en paroisse en Roumanie, il a ensuite travaillé de 1990 à 1996 au Mexique. Après avoir complété sa formation pendant deux ans à Rome, il a été prêtre fidei domum à Maikona, au Kenya, de 1999 à 2016. Il est depuis fin 2017 directeur national des Œuvres pontificales missionnaires en Roumanie.
L’Église catholique, qui rassemble environ 5% de la population roumaine, s’est rapidement mobilisée, notamment par l’intermédiaire de Caritas et du Service jésuite pour les réfugiés (JRS). «La première tâche est de fournir, un toit, un lit, de quoi se nourrir, se laver, se soigner et se reposer.» Le Père Blaj relève aussi l’importance de la communication avec les proches restés au pays. Au moment où les réfugiés sont enregistrés par les services gouvernementaux, on leur remet aussi une carte de téléphone avec un numéro roumain pour qu’ils puissent rester en contact avec leur famille.
Même si une part des réfugiés sont en transit vers un autre pays d’Europe et que d’autres vont rentrer chez eux dès que possible, d’autres vont certainement s’établir plus durablement en Roumanie, explique le Père Blaj. Il s’agira alors d’envoyer les enfants à l’école, d’apprendre la langue, de trouver un travail… autant de défis encore difficiles à mesurer aujourd’hui. «Les réfugiés doivent totalement réorganiser leur vie. Ce n’est pas facile.»
Le prêtre essaie aussi d’être attentif aux besoins spirituels des réfugiés. «Beaucoup se disent croyants, mais ils n’ont souvent qu’une formation religieuse très sommaire, se contentant du signe de croix et d’une ou deux prières de base.» Le prêtre prend des temps de prière avec eux.
L’Église orthodoxe, très largement majoritaire en Roumanie, s’est également mobilisée pour l’accueil des réfugiés. «Mais sans véritable collaboration, note le Père Blaj. Face à l’urgence, nous n’avons pas eu le temps de nous organiser pour travailler ensemble. Pour l’heure chacun œuvre de son côté. Diverses ONG de la société civile sont également actives.»
Autre inquiétude pour le Père Blaj, l’augmentation des prix liée à la guerre, en particulier ceux du gaz et des carburants. Les salaires ne suffisent plus. La Roumanie compte aussi sur le soutien de ses nombreux citoyens qui vivent et travaillent à l’étranger.
Pour le Père Blaj, la guerre en Ukraine est clairement politique. Selon lui, les Roumains font la part des choses entre l’Occident et la Russie. Même si le pays est membre de l’Europe et de l’OTAN, nombre de Roumains sont sensibles aux arguments russes. Tout le monde est contre la violence et la guerre, mais la manipulation est des deux côtés. Et les sanctions occidentales vont d’abord frapper le peuple et non pas les oligarques russes. (cath.ch/mp)
Conférence européenne de l’enfance missionnaire (CEME)
Le but de cette rencontre est d’abord le partage d’expérience et l’échange d’idées. Chaque pays est autonome et mène ses activités selon son propre contexte national et ecclésial. «Mais tous nous partageons la même foi et la même mission: Les enfants prient, évangélisent et aident d’autres enfants.» Le thème de la rencontre 2022 était ›la sainteté’. Plusieurs pays ont présenté leurs activités et leur matériel catéchétique et pédagogique. «Au delà des différences, nous fortifions notre foi et notre appartenance à l’Eglise universelle», conclut Soeur Roberta. MP
Maurice Page
Portail catholique suisse
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