Ukraine: Les prêtres veulent pouvoir enterrer les morts

Des vies brisées, des corps abandonnés dans les rues, des charniers, des mères russes et ukrainiennes qui n’ont pas eu la possibilité d’embrasser et de dire au revoir pour la dernière fois à leurs fils tombés sur le champ de bataille. La guerre, c’est aussi cela ont expliqué le Père Mykhajlo Melnyk, présent à Irpin et le Père Andriy Zelenskyy, aumônier militaire.  

Il y a une autre urgence en Ukraine et ce sont les morts. Des corps sans vie laissés dans les rues des villes fermées et encerclées, des tas de décombres. Des corps qui n’ont pas pu retourner auprès de leurs proches et être enterrés dignement. «Ici en Ukraine des villes sont devenues des cimetières à ciel ouvert, a expliqué à l’agence catholique italienne SIR le Père Mykhajlo Melnyk, prêtre du diocèse de Kamienets-Podilskyi de l’Église ukrainienne gréco-catholique. Les missiles russes massacrent notre population, ils brûlent nos villes. Rien que dans la ville de Mariupol, il y a plus de 2’000 morts, mais aussi les villes proches de Kiev, comme Irpin et Bucha, sont encerclées par les soldats russes qui ne nous permettent pas de ramasser les cadavres et de les enterrer».

Jeudi 10 mars, le Père Melnyk était avec un groupe de prêtres à Irpin. «Nous sommes allés demander aux soldats russes de nous permettre de prendre les cadavres des civils afin de pouvoir les enterrer». Après plusieurs négociations, 63 corps ont été récupérés. Ils avaient été laissés dans la rue pendant deux ou trois jours. Ils ont été mis dans un sac de plastic noir et jetés dans une fosse commune. Le groupe de prêtres s’est approché et chacun a pu réciter une prière et bénir les corps.

Des couloirs humanitaires pour les morts

Le Père Melnyk lance un appel. «Le droit international prévoit des couloirs humanitaires dans les situations d’urgence pour le passage en toute sécurité des personnes et de l’aide. Nous demandons également des couloirs pour enterrer les corps des civils et des soldats morts. Le risque existe, entre autres, que ce nombre élevé de corps non retrouvés et la hausse des températures déclenchent des épidémies. Cet appel s’adresse à toutes les parties, aux Russes et aux Ukrainiens. »Même les mères russes – dit le prêtre – ont le droit de venir chercher et de donner le dernier adieu à leurs enfants. J’espère que l’Église orthodoxe de Moscou et en particulier le patriarche Cyrille feront pression pour que les corps des soldats retournent auprès de leurs mères.» C’est un engagement de charité et de respect chrétien. Il faut donner un nom aux corps, leur permettre d’être rendus à leurs familles, d’être enterrés.

«En étant ici, j’ai compris ce que signifie la paix. Avant ce n’était qu’un mot. Maintenant, c’est une valeur. J’ai compris que des vies dépendent du mot paix. Je voudrais que les gouvernements européens et mondiaux ne soient pas fiers de l’argent qu’ils ont investi dans les armes parce que ces armes tuent des gens, brûlent des villes, dévalorisent la dignité humaine. Nous devons arrêter cette horreur, travailler pour un cessez-le-feu. Parce que des civils, des enfants meurent ici. Des personnes innocentes, et il n’y a aucune raison stratégique qui puisse justifier un tel massacre».

Derrière chaque soldat tué, il y a une histoire

Aumônier militaire, le Père Andriy Zelenskyy publie chaque jour sur Facebook les visages de jeunes soldats ukrainiens qui ont perdu la vie sur le terrain. «Il est difficile de parler d’eux», admet-il, la voix brisée. «Ce ne sont pas seulement des jeunes gens que je connaissais. Ils faisaient partie de ma vie. Chaque jour, quelqu’un est porté disparu. Mais derrière ce visage, ce nom, cette perte, il y a une histoire, il y a un amour, il y a des enfants, il y a une mère et un père. Ce sont des vies pleines de passions, d’engagements, d’emplois, d’amitiés. Chaque fois qu’il y a des nouvelles de soldats morts sur le terrain, un morceau de mon monde intérieur s’effondre. C’est difficile à supporter et je ne sais pas comment je peux le faire.»

Pour le jésuite, «le sort de l’humanité est aujourd’hui entre nos mains. Mais la responsabilité commence par l’honnêteté. Si nous ne sommes pas honnêtes, si nous n’appelons pas les choses par leur nom, si nous ne parvenons pas à reconnaître le mal et à lui dire haut et fort stop!, demain ce mal sera de plus en plus fort.» (cath.ch/sir/mp)

Maurice Page

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