«Notre-Dame brûle» restitue heure par heure le déroulé du tragique incendie qui a failli emporter la célèbre cathédrale parisienne, le 15 avril 2019. De la première alerte, donnée lors de la messe de 18h par le gardien du système de sécurité récemment engagé, jusqu’à l’extinction complète du feu, au matin du 16 avril.
Si aujourd’hui, l’édifice vieux de 850 ans est toujours debout, c’est grâce au travail des pompiers qui se sont battus durant quinze heures contre les flammes et à qui le film rend hommage. «Parmi ce que nous sacralisons encore, estime le réalisateur, on trouve les pompiers».
Car l’incendie de Notre-Dame de Paris, personne ne pouvait l’imaginer. Pourtant, «tout est vrai sans que rien paraisse vraisemblable». Cette citation d’Antoine Rivaroli (1753-1801), qui ouvre le film, montre à quel point la réalité a ici dépassé la fiction.
Au plus fort de l’incendie, on y voit par exemple Laurent Prade, le régisseur chargé de l’inventaire des objets d’art de la cathédrale, incapable de se souvenir du code d’accès au coffre contenant la Couronne d’épines, le fleuron du trésor de Notre-Dame: «La réalité est souvent invraisemblable, sourit le réalisateur, mais cette histoire est pourtant tirée des interviews que j’ai eues avec Laurent Prade et du propre récit qu’il a écrit et que j’ai scrupuleusement suivi.»
Tout le reste est à l’avenant. En réunissant «plus de 10’000 pages de documents», la reconstitution documentaire et chronologique de l’incendie donne une rigueur implacable aux dysfonctionnements en série qui ont failli compromettre le sauvetage de Notre-Dame. Et qui risquent de faire débat à la sortie du film : «Je ne prends pas parti, souligne-t-il, je raconte simplement ce que je sais et ce qui a été».
Reste qu’entre un système d’alerte défaillant et des pompiers coincés dans le trafic parisien qui tardent à arriver sur place, tous les ressorts dramatiques étaient réunis: «Notre-Dame, une star internationale… un démon, le feu… et des sauveteurs empêchés de porter secours, comme dans un mauvais rêve», poursuit le cinéaste.
Résultat, un film catastrophe à la facture hollywoodienne, qui déroule l’histoire de ce sauvetage inédit sous la forme d’un thriller captivant: «Je suis resté en haleine du début à la fin, réagit Mgr Charles Morerod, qui a assisté à l’avant-première du film à Lausanne. C’est quand même un film d’une heure cinquante et on est surpris que ce soit déjà fini».
Si le réalisateur, à qui l’on doit notamment Le nom de la Rose (1986) ou Sept ans au Tibet (1997), est coutumier des films à grand spectacle, il a dû cette fois procéder à un travail minutieux de reconstitution pour les décors grandeur nature, qui sont impressionnants.
Puisqu’il était exclu de tourner à Notre-Dame (il y a tout de même tourné dix minutes d’images), le cinéaste a visité en France une trentaine de cathédrales gothiques et a tout fait reproduire en studio à l’échelle 1:1. Parce qu’il déteste, dit-il, confier les effets spéciaux uniquement au numérique: «Pour partager l’émotion, j’ai mis mes acteurs à 1m50 de feux à 850 degrés!».
À la cathédrale de Sens, qui a le même dallage que l’édifice parisien, il a tourné les plans en plongée (ceux vus de haut tournés vers le bas) et à celle de Bourges, les contre-plongées. «Je ne pouvais faire ce travail qu’en France, précise-t-il, car il y a une trentaine de lieux en véritable gothique qui ont utilisé quasiment la même pierre». (cath.ch/cp)
«Notre-Dame brûle», de J-J. Annaud, 1h50, en salle le 16 mars.
Reportage radio sur le film et la renaissance de Notre-Dame: Hautes Fréquences, RTS La Première, dimanche 13 mars, 19h
«Les temples sont des lieux importants dans les vies»
A 78 ans, le réalisateur oscarisé de «La Victoire en chantant» (1976) et de «La Guerre du feu» (1981) livre son regard sur le joyau gothique qu’est Notre-Dame et sur la foi.
Qu’est-ce que Notre-Dame représente pour vous?
Le premier bâtiment qui m’a fait aimer l’architecture gothique, parce que je suis un petit banlieusard d’origine. Le jeudi, ma maman m’emmenait à Paris. On descendait à Paris Mont-Saint Michel et le circuit habituel, c’était de passer à Notre-Dame. De temps en temps, ma maman allait faire brûler un cierge. Et lorsqu’on m’a acheté mon premier appareil photo, j’ai photographié ma maman, qui m’avait offert l’appareil, et la deuxième photo, c’était une chimère, dans la galerie des chimères de Notre-Dame.
Quel regard portez-vous sur la foi et les religieux rencontrés à l’occasion du tournage de Notre-Dame brûle?
J’aime les lieux de culte. Mes parents étaient athées, comme je le suis moi-même, mais ils étaient très respectueux, très tolérants. Pour vous dire, je suis touché et j’aime la foi des autres. Je respecte les moments de prière et je suis toujours ému, quand je rentre dans un temple, de quelque religion qu’il soit. Parce ce sont des lieux importants dans les vies. C’est souvent dans ces lieux-là qu’on a le temps de méditer, d’exprimer son espérance, ses peurs, et de les partager. J’étais peut-être un petit garçon bizarre. J’étais fils unique et je n’aimais pas du tout la musique des yéyés. J’achetais de la musique religieuse. Mes premiers disques, c’est l’œuvre intégrale pour orgue de Frescobaldi, les précurseurs de Bach, les concertos pour orgue de Haendel et j’ai photographié toute ma vie en priorité les sites religieux.
Le nom de la Rose ou 7 ans au Tibet sont des films qui évoquent des univers où la religion tient en effet un rôle important…
Oui, et toute ma vie, je ne pourrais jamais oublier mon émotion en entrant, à 3’800 mètres d’altitude, dans un temple bouddhiste où les moines étaient en train de chanter. Et rien ne m’a mieux plu qu’un séjour, avant Le nom de la Rose, avec les moines bénédictins de l’abbaye de Praglia, où ils remettaient en état des vieux grimoires… La paix, le sens de l’unité du groupe… ne parler que quand c’est nécessaire… il y a quelque chose de profond et très beau qui me touche énormément. CP
Carole Pirker
Portail catholique suisse
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