Le Conseil National du Laïcat (CNL) et l’Église catholique du Sénégal fustigent avec la dernière énergie les propos tenus par de l’imam Serigne Lamine Sall tenus lors de l’émission «Dinner ak Diamono» à la télévision privée «Walf TV».
Alors qu’il était l’invité d’une mission intitulée «religion et génération» sur «Walf TV», consacrée à la franc-maçonnerie, l’imam Lamine Sall a déclaré, à la fin: «quand on peut accepter au Sénégal, que chaque semaine, chaque dimanche, des non musulmans, des catholiques, dire que Dieu a un fils, tenir leur prière, on peut aussi accepter la franc-maçonnerie, car les deux sont la même chose. Or, il n’y a que deux religions: l’islam et la mécréance. Ce qui n’est pas islam ne peut être que mécréance».
Ces propos, déjà tenus le 17 février sur une autre télévision privée, la chaîne «2STV», ont suscité une indignation générale dans le pays, tant chez les chrétiens que chez les musulmans. Après des dénonciations et condamnations sur les réseaux, des responsables de l’Eglise catholique ont adressé une lettre de protestation au Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), organe de veille et de contrôle des médias audiovisuels du pays. Copie de cette lettre a été envoyée au ministre de l’Intérieur, en charge des cultes.
Signée par les prêtres Alphonse Biram Ndour, vicaire épiscopal chargé du dialogue inter-religieux, et Augustin Sébastien Mamadou Diouf, coordonnateur national de l’apostolat des laïcs, ainsi que par Philippe Abraham Birane Tine, président du Conseil National du Laïcat (CNL), la lettre de protestation a été envoyée aux noms du CNL et de l’Eglise catholique.
Dans le document, les trois signataires ont indiqué qu’en assimilant la religion chrétienne à la franc-maçonnerie, l’imam Lamine Sall ne s’adressait pas seulement aux catholiques du Sénégal, mais à l’ensemble de leurs coreligionnaires du monde. Il s’est «purement et simplement» attaqué aux fondements de leur croyance. «Ce sont des propos d’une rare gravité et d’un amalgame sans fondement», ont-ils poursuivi, ajoutant qu’ils (les propos) interpellent tous: musulmans comme chrétiens, et qu’il a fallu «beaucoup d’entregent» aux dirigeants de l’Eglise catholique pour calmer leurs fidèles qui s’organisaient pour «une riposte à la mesure de l’insulte».
A la suite de cette protestation, le CNRA a mis en demeure la chaîne «Walf TV» de présenter dans la prochaine émission hebdomadaire, dans les mêmes conditions, ses excuses aux catholiques et aux Sénégalais, dans toutes leurs diversités. Pour l’organe de régulation audiovisuelle, la station a «failli à sa mission, en laissant l’imam Lamine Sall tenir des propos très dangereux pour la cohésion sociale, et le maintien de la vie en société sans le recadrer ou l’interrompre».
Pour sa part, la direction de «Walf TV» a condamné, dans un communiqué, «les propos irresponsables» de l’imam Sall, tout en s’élevant contre «un tel discours». Elle a aussi présenté ses excuses aux catholiques. Mais pour le CNRA, «ces excuses n’enlèvent en rien la faute commise» sur son plateau.
Lors d’une conférence, mardi 1er mars, le CNL a estimé que «les propos haineux» du religieux Lamine Sall interpellaient aussi les autorités, en premier, le chef de l’Etat. Il a ainsi exhorté le président Macky SALL, «gardien de la Constitution et garant de l’équilibre et de la stabilité» du pays, à tout faire pour éviter que ne se produisent de pareilles dérives. «Votre attachement aux valeurs de la République nous fait espérer que vous mettrez tout en œuvre pour que, désormais, les coupables de telles forfaitures soient repérés et sanctionnés (…) », ont souligné les responsables du CNL. Ils ont salué «la solidarité» avec les catholiques manifestée à cette occasion par les musulmans et des imams.
D’autre part, les imams et oulémas du Sénégal se sont démarqués de leur collègue Lamine Sall, fustigeant ses propos. Cité par la presse sénégalaise, le porte-parole de l’Association nationale des imams et oulémas du Sénégal (ANIOS), l’imam Moctar Ndiaye, a invité les religieux «à savoir raison garder pendant leurs interventions dans les médias, surtout audiovisuels».
Isolé, l’imam Lamine Sall est revenu sur ses propos et a présenté ses excuses aux catholiques et aux autres chrétiens du Sénégal. Selon le quotidien sénégalais «Les Echos» du mercredi 2 mars, il a été convoqué et entendu le 1er mars par le Procureur de la République, qui l’a rappelé à l’ordre. Il a regretté ses propos et réitéré ses excuses. Le chef du parquet a pris «acte de se repentir», avant de le laisser rentrer libre chez lui. (cath.ch/ibc/be)
Ibrahima Cisse
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