«François a fait preuve de bienveillance pastorale envers la FSSP»

Par le motu proprio Traditionis custodes, en juillet 2021, le pape François avait donné l’impression de vouloir réduire strictement la célébration de la messe d’avant Vatican II. Il y a quelques jours, il a accordé à la Fraternité Saint-Pierre une large possibilité de célébrer selon l’ancien missel.

Pour le dominicain Henry Donneaud, professeur de théologie fondamentale à l’Institut Catholique de Toulouse, le pape François a voulu faire preuve de bienveillance pastorale.

Propos recueillis par Frère Jacques-Benoît Rauscher pour cath.ch

Peut-on dire que l’attitude de François envers la Fraternité Saint-Pierre constitue un revirement dans sa manière de considérer les courants traditionalistes?
Henry Donneaud: De manière générale, il est vrai qu’on est habitué aux surprises avec le pape François! Mais, plus profondément, je crois qu’il faut lire cette décision comme significative de sa manière de se positionner. Si vous me permettez un parallèle qui surprendra peut-être, je dirais que François agit dans le domaine de la liturgie un peu comme dans celui de la morale familiale. Il y a d’une part la question des principes (sur lesquels il se montre strict) et d’autre part la mise en œuvre de ces principes (dans laquelle une certaine souplesse est envisageable). 

Dans le domaine liturgique, quels sont les principes pour le pape François?
Ils ont été clairement développés dans Traditionis Custodes, publiée le 16 juillet 2021. Le pape a indiqué dans ce document qu’il n’y a qu’une seule forme du rite romain. Cette forme est la célébration selon le missel de Paul VI. Si des exceptions peuvent exister, elles doivent être très restreintes et soumises à l’autorité des évêques diocésains. 

Les décisions concernant la Fraternité Saint-Pierre sont donc à lire comme la mise en œuvre de ces principes?
Tout à fait. Le pape reconnaît que des catholiques puissent être attachés à la célébration de la messe tridentine. Il accède à leur demande, car, je crois, il a été sensible au geste humble de la Fraternité Saint-Pierre. Ses représentants ont indiqué au pape que, depuis la création de la Fraternité, le Saint-Siège lui avait permis l’usage des livres liturgiques antérieurs à Vatican II.
Surtout, la Fraternité Saint-Pierre affirme ne pas critiquer et donc contester la messe de Paul VI. C’est là une différence capitale qui tranche avec les propos tenus par certains traditionalistes, affirmant que la messe de Paul VI est une messe «au rabais» ou «qui n’honore pas la dimension du sacrifice». La Fraternité Saint-Pierre s’étant distanciée de ces déclarations inacceptables, le pape n’a pas voulu exiger trop des personnes attachées à la liturgie tridentine en les obligeant à changer du jour au lendemain leurs pratiques. Il a donc fait preuve d’une bienveillance pastorale à l’égard de la Fraternité.

Ne peut-on pas avoir le sentiment que chaque pape, d’abord Paul VI, puis Benoît XVI et maintenant François, va dans un sens différent pendant son pontificat à propos de la liturgie?
Le rôle du pape est de veiller à l’unité de l’Église. Très tôt dans l’histoire, le propre de la liturgie romaine a été son caractère unifié et unificateur: on célèbre comme célèbre l’évêque de Rome. Depuis saint Pie V, il n’y a jamais eu deux formes du rite romain. Il s’agit là d’une nouveauté qui est apparue après le Concile Vatican II car certains ont refusé la réforme liturgique.
Dans cette perspective, si Benoît XVI avait reconnu une forme «ordinaire» et une forme «extraordinaire» du rite romain c’était dans un souci d’unité, mais avec une condition importante: la nécessité pour tous de reconnaître la validité et la sainteté de la messe de Paul VI.
De fait, cette condition n’a, dans certains cas, pas été respectée. Le risque était donc de voir apparaître deux Églises parallèles. C’est pour préserver l’unité de l’Église que le pape François est intervenu. On ne peut, en effet, être catholique et refuser la mise en œuvre de Vatican II qu’est la réforme de la liturgie voulue par ce Concile. La sensibilité personnelle en matière liturgique ne peut primer sur l’obéissance à l’autorité du magistère. 

Comment voyez-vous le développement de cette question à l’avenir?
Le temps est une autre dimension sur laquelle le pape François insiste beaucoup dans l’ensemble de ses écrits. Il faut des décennies pour recevoir un Concile. On l’a vu, par exemple avec les Conciles de d’Éphèse (en 430) et de Chalcédoine (en 451). Il convient donc de continuer à travailler pour que la liturgie de Vatican II soit reçue partout.
Après ce Concile, les camps se sont un peu figés. Mais des évolutions pourraient être possibles. Par exemple, dans les célébrations où le missel tridentin est encore utilisé, on pourrait introduire des éléments permettant la participation active des fidèles promue par Vatican II.
La liturgie est étymologiquement un «acte du peuple»; lire les lectures en français, demander aux fidèles de réciter le «Notre Père» pourraient être des pistes à approfondir dans ces célébrations. Ou encore, on a vu récemment telle communauté traditionaliste recourir à la concélébration…
Ensuite, il faut reconnaître que des abus ont eu lieu, ici ou là, dans la mise en œuvre de la réforme liturgique de Vatican II. Cela peut expliquer pourquoi certains, des jeunes en particulier, peuvent, aujourd’hui encore, se tourner vers la liturgie tridentine. Cependant, les pratiques actuelles montrent qu’il est possible, avec le missel de Paul VI, de vivre des célébrations priantes qui mettent en valeur cette dimension importante (mais pas exclusive) de la liturgie qu’est le sacré. La nouvelle traduction du missel romain constitue une étape supplémentaire sur ce chemin, ce qui est très encourageant! (cath.ch/sources/mp)

Rédaction

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