«Monsieur le Recteur, je vous promets que si je viens en France, je passerai par la Grande Mosquée de Paris». Telle est la promesse du pape rapportée par Chems-eddine Hafiz, 67 ans. Celui qui est à la tête de la Mosquée de Paris depuis 2020 a profité de son «long et fraternel» échange avec le pontife pour lui remettre un plaidoyer de huit pages sur la coexistence et la fraternité humaine.
Dans cette lettre, il rappelle les nombreuses actions de la Mosquée pour prévenir de la radicalisation et déconstruire les discours islamistes. Il y souligne par ailleurs que l’Église catholique en France se trouve aux côtés des musulmans pour relever le défi de la lutte contre le fondamentalisme.
«En l’invitant, je lui ai expliqué que sa venue serait un message extrêmement fort en direction des musulmans en France et de l’ensemble de la société française», explique l’avocat de métier. Il a rapporté au pape son sentiment sur la campagne présidentielle en France dans laquelle «les musulmans sont les boucs émissaires de toute une classe politique qui a hystérisé le débat et qui propose des projets fracturants la société». «Le pape a été extrêmement attentif à mes préoccupations», assure le recteur.
«S’il venait en France et à la Mosquée de Paris, sa voix porterait. Elle nous aiderait à essayer de réconcilier la société française. Je crois qu’il est conscient de la situation et des difficultés dans lesquelles les musulmans se trouvent en France et en Europe», confie encore Chems-eddine Hafiz.
Depuis son élection en 2013, le pape François n’a pas fait de voyage apostolique en France contrairement à ses deux prédécesseurs Benoît XVI et Jean Paul II. Son déplacement à Strasbourg en 2014 ne répondait pas à une invitation de l’Église de France ni de l’État français mais du Parlement européen et du Conseil de l’Europe. Il a toutefois été invité de nombreuses fois par les évêques ainsi que par le chef de l’État.
Durant l’audience, le pape a confié au recteur qu’il préférait généralement aller dans des pays qui en avaient besoin. «Il m’a cité quelques exemples comme l’Albanie ou bien la Bosnie-Herzégovine», raconte le recteur, qui a alors expliqué au pape qu’une visite en France ne serait pas superflue.
«J’ai l’impression que des digues sont malheureusement tombées et que le discours actuel de certains candidats va avoir des conséquences, même s’ils ne sont pas élus. Aujourd’hui, je pense qu’il y a un état d’esprit alarmant», a déploré Chems-eddine Hafiz.
Évoquant avec le pape la laïcité, les deux hommes ont convenu qu’elle était une bonne chose. «J’ai même dit qu’elle était une chance pour l’islam, que cette religion était parfaitement compatible avec les lois de la République», abonde le recteur. Le pape a rappelé que laïcité ne pouvait toutefois pas être un instrument de lutte contre les religions. «Il me disait que nous pouvions mener un combat commun concernant les dérives de la laïcité», ajoute-t-il.
De même, le pape François aurait par ailleurs formé le souhait que catholiques et musulmans puissent porter la même voix d’espérance face aux crises. Ainsi, évoquant la guerre en Ukraine, «il m’a demandé de voir comment nous pouvions nous aussi élever des prières», raconte Chems-eddine Hafiz. «Je lui ai dit que ce vendredi, à la Grande mosquée de Paris, les musulmans de France seront invités à prier pour que cesse la guerre qui touche tant de personnes vulnérables». (cath.ch/imedia/hl/mp)
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