Raphael Rauch, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
Au point du questionnaire demandant «Qui est exclu?» dans l’Eglise, 64% des personnes ont répondu: «les femmes». Qu’en dites-vous?
Markus Büchel: Dans le diocèse de Saint-Gall, nous avons poussé l’intégration des femmes aussi loin que possible. Mais elles ne peuvent pas encore être ordonnées. La question des ministères doit être considérée dans un cadre plus large. C’est vrai: je ne peux pas ordonner des femmes prêtres. Mais je ne peux pas non plus ordonner des hommes pour le moment, car les hommes ne veulent plus devenir prêtres, à cause de l’obligation du célibat. Nous organisons donc les équipes pastorales différemment, afin de décharger les prêtres. Mais ce n’est pas toujours aussi simple. Dans l’Église, il n’y a pas de jeu d’équipe, le style de direction coopératif n’est pas mis en avant.
Les femmes doivent-elles donc pouvoir devenir prêtres?
Je connais beaucoup de femmes que je peux imaginer devenir prêtres.
Avez-vous déjà eu des problèmes avec Rome à cause de cette position?
Non. Je l’ai déjà dit une fois dans une interview après ma nomination en tant qu’évêque. J’ai affirmé clairement que c’était une question dont nous pouvions débattre, que cela ne devait pas être un tabou. J’en ai également discuté avec le pape Benoît XVI. Il voulait me rencontrer après mon ordination épiscopale. Nous nous sommes rencontrés à Castel Candolfo – et il m’a parlé de l’interview. J’ai été surpris qu’il soit au courant (rires). Il ne s’agissait toutefois pas d’une réprobation, mais d’un échange fraternel.
«Personnellement, je n’ai pas peur d’un schisme»
C’était en 2006. Où en sommes-nous aujourd’hui, en 2022?
Entre-temps, davantage de voix, plus ouvertes, se sont manifestées. Nous sommes sur la bonne voie, mais le temps n’est pas encore venu. En tant qu’évêque, je dois en prendre acte, c’est pourquoi, à l’heure actuelle, une femme prêtre dans l’Eglise catholique est une utopie.
Dans le diocèse de Bâle, les laïcs peuvent, sous certaines conditions, célébrer des baptêmes, mais aussi des mariages. Dans le diocèse de Saint-Gall, les laïcs ne peuvent pas célébrer de mariages. Quand est-ce que cela sera possible?
Nous travaillons en ce sens au niveau de la Conférence des évêques suisses (CES). Nous avons également abordé ce sujet lors de la visite ad limina. Le droit canon, dans ce domaine, est obsolète. C’est pourquoi on peut penser, assez pragmatiquement, qu’un changement ne saurait tarder.
Lors de la soirée d’information du 11 février à Wil, des craintes se sont exprimées que les résultats du sondage diocésain puissent «se diluer» sur le chemin de Rome.
Je n’ai pas cette crainte. Je suis membre du présidium de la CES et nous sommes en train d’organiser une procédure pour que les résultats soient reflétés le plus fidèlement possible au niveau national. La Commission pastorale nous soutient dans cette démarche. Le rapport national doit être élaboré de manière participative et publique. Car il ne s’agit pas seulement d’envoyer un document à Rome. Il s’agit aussi de savoir comment les choses vont évoluer en Suisse. Le processus synodal est également une bonne impulsion pour nous au niveau national, afin de créer les choses davantage ensemble. Travailler ensemble ne signifie cependant pas que tout le monde doit faire la même chose.
Certains craignent un schisme dans l’Eglise. Partagez-vous cette inquiétude?
Personnellement, je n’ai pas peur. Le pape François s’est par exemple exprimé assez sèchement dans ses rapports avec la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX-séparée de Rome depuis 1988, ndlr.). Parce qu’il a constaté qu’ils n’étaient pas du tout intéressés par l’unité, mais qu’ils voulaient au contraire approfondir la division. Et une division signifie qu’une unité dans la diversité n’est pas soutenable. Je pense que nous ne devons pas tout uniformiser jusqu’à la dernière lettre dans l’Église universelle. Si nous sommes conscients des questions fondamentales de la foi, une plus grande sérénité se déploie automatiquement.
«En 1972, toute la sérénité œcuménique que nous connaissons aujourd’hui n’existait pas»
Qu’a signifié pour vous cette présentation des résultats de la démarche «Wir sind Ohr» (Nous sommes à l’écoute)?
Des souvenirs du Synode 72 sont remontés à la surface. Nous siégions alors également à Wil. J’étais étudiant en théologie, je suivais les sessions et une semaine plus tard, je tapais le procès-verbal à la machine. C’était une ambiance de renouveau. Nous ne connaissions pas du tout les discussions ouvertes dans l’Église. Pour moi, le Synode 72 a été le meilleur stage de théologie pastorale.
Le pape Jean Paul II a enterré de nombreux espoirs du Synode 72. Que dites-vous aux personnes déçues?
De nombreuses attentes se sont en fait bel et bien réalisées. A l’époque, toute la sérénité œcuménique que nous connaissons aujourd’hui n’existait pas. Beaucoup de choses se sont développées et épanouies.
Mgr Franz Jung, évêque de Würzburg (Allemagne), a récemment publié une déclaration selon laquelle les employés de l’Eglise ne pouvaient plus être licenciés pour des raisons d’orientation sexuelle. Pourrait-on imaginer quelque chose de semblable dans le diocèse de Saint-Gall?
Jusqu’à présent, je n’ai pas ressenti le besoin de l’affirmer publiquement. Mais cela fait des années que nous avançons raisonnablement dans ce domaine, dans le diocèse de Saint-Gall, et que nous trouvons une place dans l’Église pour toutes les personnes dans une situation de vie responsable. (cath.ch/kath/rr/rz)
Des résultats similaires dans les trois diocèses alémaniques
1’090 personnes ont participé au sondage «Wir sind Ohr» (Nous sommes à l’écoute) dans le cadre du processus synodal dans le diocèse de Saint-Gall.
Il s’agit du troisième diocèse du pays, après Bâle et Coire, à avoir présenté les résultats de la consultation des fidèles. Les chiffres ont été rendus publics le 11 février 2022, dans un lieu historique: la salle de St-Pierre à Wil, au nord-ouest du canton de Saint-Gall, à l’endroit-même où le Synode 72 s’était réuni 50 ans auparavant. Les résultats de l’enquête ont été analysés par l’institut «GFS Bern».
Qui est exclu?
De nombreux résultats de Saint-Gall sont apparus similaires à ceux de l’enquête «Wir sind Ohr» dans les diocèses de Bâle et de Coire. A Saint-Gall, 64% des sondés ont souligné que les femmes n’avaient pas les mêmes droits que les hommes dans l’Eglise catholique. 56% considèrent que les personnes LGBTQI+ sont exclus et 55% que les personnes divorcées sont dans le même cas. 51% ont déploré que les jeunes n’étaient pas assez entendus.
Le sondage a parallèlement rendu hommage à l’engagement social de l’Eglise. 63% des personnes interrogées ont relevé l’importance de ce travail réalisé par les paroisses. 57% des sondés ont souscrit à l’affirmation: «De nombreuses offres pour les minorités sont cofinancées et soutenues par l’Eglise».
Des différences ont cependant été constatées entre les diocèses de Suisse alémanique. «Il est frappant de constater que les groupes de dialogue du diocèse de Saint-Gall, comparés à ceux des diocèses de Bâle et de Coire, se sentent nettement plus écoutés et compris par les dirigeants du diocèse», écrit l’institut «GFS Bern».
Une autre culture de la communication
Dans le diocèse de Saint-Gall, 29% des personnes se sentent comprises par les autorités du diocèse, contre 13% à Bâle et 8% à Coire. «Mais dans les trois diocèses, les groupes de dialogue se sentent pratiquement tous aussi bien entendus par le pape», selon «GFS Bern».
Toutefois, à la question: «Où n’est-on pas entendu?», la réponse la plus fréquente renvoie, pour Saint-Gall, aux autorités ecclésiastiques, avec 53%. Coire est au même niveau avec 54% pour cent – et les résultats de Bâle étaient à 65%.
«Conflit élite-base»
«GFS Bern» constate un «conflit entre l’élite et la base» dans l’Eglise. Le processus de dialogue montre «qu’il existe un fossé entre l’Église catholique en tant qu’organisation et la base des fidèles». Les décisions sont perçues comme peu transparentes et fortement dépendantes des personnes.
Comme à Coire et à Bâle, des voix s’élèvent à Saint-Gall pour souhaiter «un retour plus marqué aux valeurs et normes traditionnelles». Selon «GFS Bern», environ un tiers des participants dans les groupes de dialogue du diocèse se plaignent que «les valeurs traditionnelles n’ont souvent qu’une place marginale». Beaucoup d’entre eux se sentent eux-mêmes marginalisés en tant que croyants et catholiques déclarés.
Collaboration inter-diocésaine
Lors de la présentation des résultats, Franz Kreissl, directeur de la pastorale à Saint-Gall, a qualifié de «véritable miracle» le fait que les diocèses de Suisse alémanique collaborent désormais si bien.
Par rapport aux quelque 200’000 catholiques recensés dans le diocèse de Saint-Gall, la part de répondants s’est élevée à 0,54%. La participation a été plus élevée à Bâle (0,66%) et nettement plus faible à Coire (0,27%).
A la question «Quels thèmes doivent être signalés à Rome?», différentes réponses ont suivi: des abus à la réforme de la liturgie en passant par le sacerdoce féminin et le célibat obligatoire. Les réponses à la question «Qui doit être impliqué?» étaient tout aussi variées. Ont été cités les «femmes», les «jeunes», les «sceptiques», les «jeunes familles», les «églises libres» ou le «mouvement écologique».
Un rapport diocésain est en cours d’élaboration et sera transmis à la Conférence des évêques suisses (CES). Celle-ci produira à son tour un rapport national.
RR/RZ
Les résultats de l’enquête à Saint-Gall (allemand)
Rédaction
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/mgr-buchel-je-peux-mimaginer-de-nombreuses-femmes-devenir-pretres/