Depuis septembre 2021, Alexandre Frezzato occupe, à mi-temps, le bureau d’adjoint de Mme Céline Ruffieux – représentante de l’évêque, Mgr Charles Morerod, pour la partie francophone du canton de Fribourg –, à la Maison diocésaine, située au Boulevard de Pérolles et anciennement appelée «vicariat». À cent mètres de là se trouve le couvent dominicain St-Hyacinthe, où vit le jeune religieux en communauté avec les frères prêcheurs de la Province de Suisse.
Dans son autre mi-temps, Frère Alexandre Frezzato prépare une licence canonique, une «sixième année» qui vient compléter son master en théologie à l’Université de Fribourg. Sans oublier les tâches conventuelles – comme celle de chantre. Rencontre.
À la veille de prononcer vos vœux définitifs, dans quel état d’esprit êtes-vous?
Alexandre Frezzato: Je suis totalement serein. Car, dans le concret de ma vie au quotidien, je sais à quoi je m’engage. J’ai eu six ans pour vivre, expérimenter et éprouver ce qu’est une vocation dominicaine. Ce sont six ans de fiançailles, en quelque sorte.
«J’ai attendu que le fruit soit mûr et que je sois en eaux calmes pour prendre ma décision»
Alexandre Frezzato
Dans l’Ordre, n’est-ce pas à partir de quatre ans que l’on prononce ses vœux définitifs?
Exactement. Après un an de noviciat, on peut prononcer ses vœux temporaires, et trois ans après, les vœux définitifs. J’ai pour ma part attendu que le fruit soit mûr et que je sois en eaux calmes pour prendre ma décision. La pandémie a également fait retarder le processus.
Ces bouleversements vous ont-ils fait douter?
La pandémie m’a permis de me poser plus sérieusement la question. Et de conclure que je ne donne pas ma vie à l’Ordre dominicain parce que ma vocation sera utile, mais plutôt, parce que c’est ce que Dieu veut pour moi.
Le «jusqu’au-boutisme» d’Alexandre Frezzato
C’est aussi par la pratique de nombreux sports qu’Alexandre Frezzato a développé un caractère compétitif. Non pour se mesurer aux autres, mais pour donner le meilleur de lui-même. «J’ai une grande exigence envers moi-même au niveau des choses que j’entreprends. Si j’apprends à chanter, j’apprends vraiment à chanter. Si je fais de la théologie, je vais aller en fond des choses, quitte à faire un bouquin», énumère Alexandre Frezzato. Avec son confrère Stefan Ansinger, il a fondé la chaîne «OPChant«, comptabilisant plus de 22’000 abonnés sur YouTube. Il a également publié deux livres en 2021: un premier, Saint Dominique, neuf jours pour le découvrir, aux Éditions Saint-Augustin, dans le cadre des 800 ans de la mort du fondateur de l’Ordre des Prêcheurs, et un second, plus théologique, La Résurrection de la chair selon St-Thomas d’Aquin, aux Éditions du Cerf. GR
Qu’est-ce qui vous fait tenir dans la foi, sur ce chemin de vie consacrée?
C’est lié à mon caractère et à ma personnalité. Dans tout ce que j’ai fait, peu importe le domaine, j’ai toujours cherché une sorte d’absolu, à aller au bout des choses, sans témérité, mais de manière un peu jusqu’au-boutiste. Si Dieu est la plus grande réalité vers laquelle on peut tendre, quels moyens puis-je me donner pour être le plus disponible à son service? Pour moi, la réponse a clairement été la vie consacrée: donner tous les aspects de mon existence pour l’amour de Dieu, au service du prochain.
Quel sens donnez-vous à votre profession solennelle: un mariage, un contrat…?
C’est une promesse et une réponse à la promesse que Dieu fait à l’Homme. Dans toutes les pages de la Bible, Dieu promet sa fidélité à son peuple et à ceux qui Le suivent. J’essaye, à mon niveau, de répondre à cette promesse le plus fidèlement possible.
La promesse d’obéissance est primordiale dans l’Ordre dominicain…
Nous faisons les trois vœux religieux: l’obéissance, la pauvreté et la chasteté. Mais au moment de prononcer la formule de profession, on ne verbalise que celui d’obéissance. Une promesse que l’on fait à Dieu, à la Vierge, et au Maître de l’Ordre, représenté par le Provincial.
Depuis quelques mois, vous devez aussi «obéissance» à la représente de l’évêque à Fribourg. Comment s’est passé l’entretien d’embauche?
Mme Céline Ruffieux m’a contacté lorsque j’étais à Lille pour savoir si j’étais intéressé par le poste d’adjoint. Mon nom avait dû lui être glissé par quelqu’un. Mais en tout cas pas par l’évêque Charles Morerod – lui aussi dominicain –, parce qu’il s’est empressé de m’écrire pour m’informer qu’il n’y était pour rien dans le choix de sa représentante, mais qu’il était heureux que je sois là et de collaborer avec moi.
En quoi consiste la fonction d’adjoint d’un représentant de l’évêque (anciennement adjoint du vicaire épiscopal)?
L’adjoint est là pour soutenir les actions et les décisions prises par la représentante. Comme elle n’est pas théologienne de formation, elle a souhaité pouvoir compter sur un adjoint qui possède quelques compétences dans ce domaine. C’est, à mon sens, une belle manière d’intégrer un regard théologique dans les décisions pastorales.
«Nous essayons de trouver la manière la plus ajustée et appropriée de répondre aux situations concrètes».
Alexandre Frezzato
Comment cela se passe concrètement?
Céline va sur le terrain pour rencontrer des prêtres et des équipes pastorales. Généralement, à son retour, nous en débriefons. Il s’agit ensuite de réfléchir ensemble aux différentes solutions à apporter, afin qu’elle retourne sur le terrain avec du solide. Il me semble que notre binôme fonctionne bien ainsi, toujours enrichi par cet échange. Nous essayons de trouver la manière la plus ajustée, appropriée et «catholique» si je puis dire, de répondre aux situations concrètes.
Comment conjuguez-vous la vie religieuse avec cet engagement pastoral?
Du point de vue de la vie dominicaine, je ne suis pas prêtre, je suis encore frère étudiant et en formation. À ce stade, on confie habituellement un apostolat pour «faire ses armes», comme donner le caté à des jeunes. Paradoxalement, ce que je fais à la Maison diocésaine implique de sérieuses responsabilités: tout simplement car j’ai accès à de nombreuses informations, y compris des dossiers sensibles. Il y a donc de vraies attentes qui supposent une vive conscience professionnelle. Ce qui est par contre pratique, c’est que les horaires sont réguliers, ce qui me permet de composer facilement avec la licence canonique à l’Université et les différents apostolats liés au couvent. (cath.ch/gr)
Frère Alexandre Frezzato: itinéraire
Né le 14 octobre 1992, d’un père d’origine italienne et d’une mère valaisanne, Alexandre Frezzato a grandi à Martigny. Il est passé par le Collège de St-Maurice, avant d’obtenir une maturité en philosophie au Collège des Creusets à Sion. Après une année de service civil comme éducateur au Foyer Don Bosco à Sion, il commence l’Université à Fribourg, en philosophie et histoire, en 2013. Puis en philosophie et théologie, dès l’année suivante, au moment où il opère «un retour à la foi».
En 2015, Alexandre se rapproche des frères dominicains et il entre au noviciat à Strasbourg en 2016, pour la Province de Suisse. Il prononce ses vœux temporaires, en septembre 2017, et obtient, en 2020, son master en théologie. En 2021, il effectue un stage apostolique au couvent St-Thomas d’Aquin à Lille, avant de revenir à Fribourg pour débuter sa licence canonique et démarrer dans sa fonction d’adjoint. GR
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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