Rafael Luciani pour le Herder Korrespondenz/traduction et adaptation: Davide Pesenti
Les expériences de gestion participative au sein de l’Eglise catholique en Amérique latine ouvrent la voie au prochain Synode des évêques convoqué par le pape François en 2023, afin de trouver des nouveaux modèles institutionnels pour l’Église du troisième millénaire.
Un dernier exemple en date de synodalité sur le continent latino-américain est la création de la «Conférence ecclésiale amazonienne« (CEAMA). Lancée en juin 2020, son double objectif est de formuler et d’accompagner la mise en œuvre d’une «action pastorale commune avec des priorités différenciées» qui corresponde pleinement aux réalités des églises locales. Concrétisant l’exhortation post-synodale du pape François Querida Amazonia (2020), la fondation de la CEAMA s’est inspirée de nouvelles formes participatives de gestion de l’Eglise présente depuis les années 1950.
La nouvelle Conférence est une réponse concrète à l’invitation exprimée par le Synode sur l’Amazonie de «créer un réseau ecclésial de communication panamazonien qui englobe les différents moyens utilisés par les églises particulières et autres institutions ecclésiales».
La forme synodale innovante se manifeste tout d’abord dans le choix de sa dénomination: il ne s’agit pas d’une «conférence épiscopale», mais d’une «conférence ecclésiale». Elle associe, à différents niveaux de participation et dans des processus de discernement et décisionnels communs, des acteurs ecclésiaux et non-ecclésiaux.
«La structure participative du CELAM a favorisé un nouveau modèle d’organisation»
On y trouve les sept conférences épiscopales des pays amazoniens, des organisations ecclésiales comme Caritas, la «Confédération latino-américaine des religieux et religieuses» (CLAR) et le «Réseau ecclésial amazonien» (REPAM), mais aussi des représentants des peuples indigènes ainsi que des experts nommés par la présidence du CEAMA et par le pape François. Tous les partenaires ecclésiaux participent aux discussions sur les décisions futures prises par les évêques sur la base du discernement et de délibérations communes.
Cette évolution fait suite au processus de restructuration synodale entamé en 2018 par l’ensemble de la Conférence épiscopale latino-américaine (CELAM). Un processus auquel ont participé non seulement les évêques du continent, mais également des laïcs, des religieux et des prêtres, comme d’autres institutions ecclésiales.
Au terme de ce vaste processus, un nouveau modèle de gestion de l’Eglise a été adopté. Il a réformé le cadre organisationnel dans les trois composantes principales que sont les structures (différents domaines et fonctions pastorales), la prise des décisions (notamment les organes dans lesquels les décisions sont prises) et la culture. Tant la réforme institutionnelle que le changement de vision ecclésial ont été basés sur trois principes-clé: participation, coresponsabilité et subsidiarité.
La caractéristique la plus novatrice de ce processus continental a été la manière «décentralisée» dont les décisions ont été prises. La procédure mise en place impliquait différentes instances de discernement et de délibération communes. Tout le travail s’est fait de bas en haut; les décisions finales étant prises par des autorités épiscopales locales qui avaient participé à toutes les étapes du processus.
«Le clergé local a pris de plus en plus conscience de sa propre importance dans la vie de l’Église»
Le chemin était de longue haleine, car une structure collégiale véritablement synodale exige tout d’abord une nouvelle culture organisationnelle, basée sur le travail en commun, le partage des responsabilités, le dialogue permanent et la participation active des laïcs – en particulier des femmes. Ceci, afin de dépasser l’autoritarisme et le cléricalisme qui ont pu caractériser les anciens modes de fonctionnement.
En Amérique-latine, la culture d’une gestion participative de la vie de l’Eglise a des racines lointaines. En effet, lorsque le Concile Vatican II a débuté en 1962, l’Église latino-américaine possédait déjà une structure collégiale. La création du CELAM en 1955 avait donné lieu à des relations entre responsables ecclésiaux qui favorisaient un flux constant d’informations entre les églises locales d’Amérique latine et des Caraïbes. Sur la base de cette nouvelle structure, Paul VI ouvrit le 24 août 1968 la Conférence de Medellín. Avec l’apparition de cette méthode de collaboration entre les Églises locales, le clergé local a pris de plus en plus conscience de sa propre importance dans la vie de l’Église.
La structure participative du Conseil épiscopal latino-américain a favorisé un nouveau modèle d’organisation et encouragé une plus grande coopération pastorale. Le CELAM découlait d’une nouvelle ecclésiologie locale qui reconnaissait le statut théologique de la réalité socioculturelle vécue dans une région spécifique, en transformant par conséquent la façon d’être et de vivre de l’Église. De cette manière, chaque église particulière était mieux intégrée dans une plus grande communion avec les autres institutions du continent et, de sorte, avec l’ensemble du peuple de Dieu. Une perspective que le chemin synodal en cours désire concrétiser à l’échelle de l’Église universelle. (cath.ch/dp/rl)
Le théologien Rafael Luciani (photo – © Boston college) est professeur à l’Universidad Católica Andrés Bello de Caracas (Venezuela) et au Boston College School of Theology and Ministry (États-Unis). Il est conseiller théologique de la Conférence épiscopale latino-américaine (CELAM), de la Confédération latino-américaine des religieux et religieuses, ainsi que de la Commission théologique du Secrétariat général du Synode des évêques. DP
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