Comment les Eglises se financent-elles en Europe?

Impôt ecclésiastique, collectes ou contributions directes du du budget de l’État: en Europe, les Eglises se financent de manière très variable. Face aux scandales et à la crise, le financement des Eglises fait l’objet de débats dans de nombreux pays. Petit tour d’horizon des divers systèmes.

Le financement des Eglises fait l’objet de discussions dans de nombreux pays européens. Il est soumis à une pression croissante de légitimation de la part du public. Alors que dans la plupart des régions du monde, le fonctionnement des Eglises est assuré par les dons, et d’autres contributions des fidèles, en Europe, les évolutions historiques, politiques et sociales ont entraîné de grandes différences entre les pays.

Il ne s’agit pas seulement de savoir comment les Églises financent leurs tâches et structures propres (culte, aumônerie, Caritas, etc.). Il est également essentiel de savoir comment l’État et l’Eglise interagissent dans la préservation des biens culturels de l’Eglise et dans le financement des institutions sociales, éducatives et sanitaires de l’Eglise, explique l’agence catholique allemande KNA.

Suisse

La Suisse se caractérise sous deux aspects. La première particularité est que les relations Eglises-Etat sont régies au niveau des cantons et non pas de la Confédération. La seconde est le système dit ‘dual’ qui veut que les paroisses sont ‘doublées’ par des corporations ecclésiastiques de droit public, formées de laïcs et gérées selon des principes démocratiques. Ces corporations ont le contrôle des finances.

Signature de la Convention de collaboration entre la Conférence des évêques suisses (CES) et la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ), en 2015 (Photo: Walter Muller, CES)

La plupart des cantons connaissent le système de l’impôt ecclésiastique, qui touche les personnes physiques, mais aussi les entreprises. En Suisse romande, les cantons de Genève et Neuchâtel connaissent une séparation Eglises – État ‘à la française’. Vaud et le Valais ont des systèmes propres.

Les corporations ecclésiastiques cantonales de droit public sont fédérées au sein de la Conférence centrale catholique romaine (RKZ) qui finance les tâches aux niveaux régional et national.

Les évêques et la Conférence épiscopale doivent s’entendre sur les questions financières avec les organes administratifs de droit public ecclésiastique. En déclarant leur sortie d’Eglise les fidèles peuvent s’exempter du paiement de l’impôt ecclésiastique.

Allemagne

En Allemagne, l’impôt ecclésiastique est obligatoire pour toutes les personnes qui se rattachent à une Église. Il est encaissé par l’Etat qui en rétrocède le produit aux Eglises. Il correspond à environ à 3% de la masse fiscale. Les Eglises catholique et protestante d’Allemagne ont engrangé 12,4 milliards d’euros de recettes fiscales en 2018.

Ces montants constituent le principal revenu des Eglises. Ils servent essentiellement à financer le personnel actif dans la pastorale, et les nombreuses institutions sanitaires, sociales ou scolaires des Eglises qui font partie des plus gros employeurs du pays. Le fait de déclarer sa sortie de l’Eglise permet de ne plus payer l’impôt ecclésiastique obligatoire. Pour certaines catégories de contribuables, les considérations financières ont certainement leur poids. 

Autriche

Depuis 1939, l’Autriche dispose d’un système de contribution ecclésiastique introduit par les dirigeants nazis, contre lequel les évêques avaient protesté en bloc. La contribution ecclésiastique est calculée sur la base du revenu annuel imposable des membres de l’Église. Ce qui s’apparente au système allemand de l’impôt ecclésiastique.

La cathédrale St-Etienne de Vienne | © MiGowa/Flickr/CC BY 2.0

Contrairement à l’Allemagne, la contribution n’est pas perçue par l’État, mais par les diocèses. Elle sert à financer les tâches principales de l’Eglise telles que la pastorale, l’entretien des bâtiments, les affaires sociales, l’éducation, la culture et la coopération au développement.

Les contributions aux Eglises et communautés religieuses reconnues sont en partie déductibles de l’impôt sur le revenu en tant que dépenses spéciales. En outre, l’Église reçoit chaque année de l’État des «paiements de réparation», une indemnisation pour les biens confisqués à l’époque nazie et qui ne lui ont pas été restitués par la suite. Dans les budgets des diocèses, elles représentent environ 8%.

Italie

En Italie, l’État perçoit un impôt ecclésiastique ‘indirect’. Celui-ci n’est pas prélevé en plus sur le revenu, mais soustrait du produit total de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Depuis 1984, chaque contribuable peut décider en toute liberté, dans sa déclaration d’impôt, d’attribuer les huit pour mille fixés soit à l’État, soit à l’une des douze communautés religieuses actuelles qui ont conclu un accord avec l’État.

Le contribuable ne peut pas se soustraire à cet impôt dit de mandat en quittant l’Église. Il est payé par tous les contribuables. Toutefois, seuls 40% d’entre eux indiquent à qui ils attribuent leur part. En fonction de cette répartition, le reste est attribué aux bénéficiaires par l’État. L’Église catholique reçoit ainsi encore un peu plus de 70% des recettes totales.

Espagne

En Espagne, il existe un système similaire d’affectation obligatoire d’une part de l’impôt aux Eglises ou à la culture. Chaque année, les contribuables décident volontairement, en remplissant leur déclaration d’impôt, si une part de 0,7% de leur contribution fiscale doit être affectée soit à l’Église, soit à d’autres objectifs sociaux ou culturels. Les partis de gauche visent une réduction de la contribution ainsi que, à terme, un autofinancement des Eglises.

France

En France, depuis la stricte séparation de l’Eglise et de l’État en 1905, l’Eglise ne reçoit plus aucune subvention de l’État. Elle dépend uniquement des dons des fidèles. Les prêtres et les évêques reçoivent environ 950 euros par mois, dont une partie sert à payer le logement et même la nourriture. Les églises construites avant 1905 appartiennent généralement aux communes qui sont chargées de leur entretien.

Notre-Dame de Paris le 3 juillet 2020. Suite à l’incendie d’avril 2019, les travaux de restauration se poursuivent | © Bernard Hallet

Selon la loi de 1905, les revenus des diocèses sont liés au financement des tâches principales de l’Eglise: Le culte, la pastorale, la charité et autres. Les diocèses ont des situations financières très inégales selon les biens propres dont ils disposent, le nombre et la générosité des fidèles. Dans les départements d’Alsace et de Moselle, le concordat napoléonien de 1801 reste en vigueur. Les diocèses n’y sont donc responsables ni de l’entretien des lieux de culte construits après 1905, ni des salaires des curés qui sont pris en charge par l’Etat.

Belgique

En Belgique, depuis Napoléon, l’État finance directement ou indirectement les tâches de l’Église par le biais de différents montages juridiques. Par exemple, les salaires des curés et les charges de construction. Le financement des institutions et des projets de l’Église nécessite des négociations permanentes avec les autorités publiques. Des désaccords aux différents niveaux de l’État peuvent donc bloquer durablement des projets de l’Église.

D’autre part, les fidèles se sentent structurellement peu concernés par les demandes de générosité personnelle. Le système actuel est socialement sous pression, mais les réformes sont repoussées aux calendes grecques.

Angleterre

Au Royaume-Uni, l’Église anglicane est l’Église d’État d’Angleterre. Vingt-six de ses évêques sont membres de la Chambre des Lords. Pourtant, aucune Église au Royaume-Uni ne reçoit de soutien financier de l’État. Les impôts ecclésiastiques n’existent pas sur l’île.

En Angleterre, certaines communautés n’excèdent pas les 10 personnes (Photo d’illustration, flickr/anguskirkCC BY-NC-ND 2.0)

Seul l’entretien des bâtiments classés monuments historiques peut être subventionné depuis 1979. Les dons aux associations caritatives enregistrées bénéficient également d’avantages fiscaux. En gros, les Eglises britanniques sont principalement financées par les dons de leurs membres.

Hongrie

La Hongrie a introduit en 1997/2004 une affectation librement choisie, mais obligatoire, de 1 à 2% de la part fiscale à des fins ecclésiastiques, sociales, culturelles ou humanitaires. Le financement de l’Eglise par l’État, relativement généreux, est également considéré comme une compensation pour les persécutions subies à l’époque communiste.

Pologne

En Pologne, plus de 40 millions d’euros par an sont prélevés sur le budget de l’État pour alimenter un «fonds ecclésiastique». Ce fonds a été créé en 1950 pour compenser l’expropriation des communautés religieuses de l’époque. Il sert à payer les cotisations de retraite et autres assurances sociales d’une grande partie du clergé de toutes les confessions ainsi que les frais d’entretien des églises. Mais il n’y a pas d’impôt ecclésiastique. Pour le reste, les confessions se financent principalement par des collectes et des dons.

L’Eglise en Pologne est atteinte par les scandales d’abus sexuels | Photo d’illustration basilique Sainte-Marie de Cracovie © Angelika Graczyk/Pixabay

Les partis d’opposition demandent depuis longtemps la suppression du fonds ecclésiastique. Mais le gouvernement national-conservateur s’en tient aux subventions de l’État. En 2013, le gouvernement libéral de droite s’était mis d’accord avec l’Eglise catholique pour remplacer le fonds par une contribution ecclésiastique volontaire des contribuables de 0,5%. de la charge fiscale, selon le modèle italien. Mais ce projet n’a pas été mis été mis à exécution suite à des critiques massives.

Slovaquie

En 2020, l’actuelle coalition gouvernementale slovaque a tenu une promesse électorale en réorganisant le financement des Eglises – et a ainsi abrogé une loi toujours en vigueur datant de l’époque communiste. Les subventions aux 18 Eglises et communautés religieuses reconnues par l’État sont désormais versées en fonction du nombre de membres et non plus de celui des ecclésiastiques. L’Etat continue à allouer les salaires des prêtres ainsi que les frais de fonctionnement des sièges des Eglises.

Les Eglises et les communautés religieuses ont désormais les mains libres dans la répartition de la dotation. Elles peuvent désormais décider elles-mêmes qui ou quoi elles financent avec cet argent. Elles doivent cependant rendre des comptes publics chaque année et prouver l’opportunité de leurs décisions. Si, lors du recensement décennal, le nombre de membres diminue ou augmente de plus de dix pour cent, la dotation de l’État est réduite ou augmentée une seule fois. (cath.ch/kna/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/comment-les-eglises-se-financent-elles-en-europe/