Devant 183 ambassadeurs, le pape a mis en garde contre «l’élaboration d’une pensée unique contrainte à nier l’histoire, ou pire encore, à la réécrire sur la base de catégories contemporaines». Une tendance qui, en plus de «faire taire les positions qui défendent une idée respectueuse et équilibrée des différentes sensibilités», détourne selon lui les organisations multilatérales de leur but véritable.
Le pontife a plaidé pour une diplomatie multilatérale «véritablement inclusive», qui n’efface pas, mais valorise la diversité. Une nécessité, affirme-t-il, pour relancer un modèle qui connaît «une crise de confiance» aujourd’hui.
Il a aussi rappelé l’existence de valeurs fondamentales qui se situent «au-dessus de tout consensus»: le droit à la vie, de la conception jusqu’à sa fin naturelle, et le droit à la liberté religieuse.
Pour répondre aux défis de la société actuelle, le pape François a donc demandé une réforme des institutions multilatérales. Il a notamment cité le fonctionnement de l’Organisation mondiale du Commerce et de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Il a déploré que leurs «instruments juridiques» soient des «obstacles à la production et à un accès organisé et cohérent aux soins au niveau mondial», dans le cadre de la campagne de vaccination contre la pandémie de Covid-19.
Sur cette question, le pontife a appelé à poursuivre l’effort pour immuniser autant que possible la population mondiale. Il a cependant une nouvelle fois regretté que l’accès universel aux soins de santé reste «un mirage» dans de nombreuses régions du monde.
Il a mis en garde les politiques contre «le manque de fermeté» face à la pandémie, mais aussi contre le manque de transparence qui «engendre la confusion, crée la méfiance et sape la cohésion». Les vaccins, a-t-il assuré, ne sont pas des «outils magiques de guérison» mais représentent la «solution la plus raisonnable pour la prévention de la maladie».
En évoquant les voyages qu’il a effectués en 2021, le pape François est tout particulièrement revenu sur son passage, début décembre, dans un camp de réfugiés sur l’île de Lesbos, en Grèce. Il a d’emblée confié être «conscient des difficultés» rencontrées par certains États face à des flux humains considérables et a reconnu: «On ne peut demander à personne l’impossible».
Il a toutefois mis en garde: «Il y a une nette différence entre accueillir, même de façon limitée, et repousser totalement». Il s’agit donc pour lui de rejeter la pensée selon laquelle «les migrants seraient le problème des autres», une attitude qui conduit à la déshumanisation.
Sans viser un pays en particulier, le pontife a dénoncé l’attitude consistant à se servir des migrants comme d’une «arme de chantage politique», une sorte de «marchandise de négociation».
Reconnaissant que les flux migratoires ne concernent pas seulement l’Europe, le pontife a toutefois plaidé pour que l’Union européenne «trouve sa cohésion interne dans la gestion des migrations, comme elle a su la trouver face aux conséquences de la pandémie». La capacité du Vieux continent à trouver des solutions communes pourrait selon lui constituer «un modèle précieux» pour le monde.
Dans son discours, le pape a dressé une liste des «conflits interminables» dans le monde. À commencer par la Syrie, «où l’on n’entrevoit toujours pas d’horizon clair pour la renaissance du pays». Après plus de dix ans de guerre, le pape a renouvelé son appel à des réformes politiques et constitutionnelles. Il a demandé que les sanctions internationales n’affectent pas directement la vie quotidienne d’un peuple syrien qui a déjà tout perdu.
Déplorant la tragédie humaine qui se poursuit au Yémen, «loin des projecteurs médiatiques», le pape a aussi qualifié avec sévérité le processus de paix entre Israël et la Palestine. Celui-ci, affirme-t-il, n’a fait «aucun pas en avant» au cours de l’année écoulée.
Soulignant ses préoccupations pour la Libye, les «violents épisodes de terrorisme international dans la région du Sahel» et les conflits internes au Soudan, au Soudan du Sud et en Ethiopie, il a rappelé que la paix passerait dans ces régions par une discussion sincère, mettant au premier plan les besoins de la population.
L’évêque de Rome est aussi revenu sur les situations de crise qui couvent à l’est de l’Europe. Il a plaidé pour un dialogue serein, afin de trouver des solutions en Ukraine et dans le Caucase méridional, ainsi que pour éviter que ne s’ouvrent de nouvelles crises dans les Balkans, en premier lieu en Bosnie-Herzégovine.
Le pape a confié aux ambassadeurs quelques mots sur la crise que traverse depuis près d’un an le Myanmar, un pays «où les rues qui étaient autrefois des lieux de rencontre sont désormais le théâtre d’affrontements qui n’épargnent même pas les lieux de prière».
Rappelant le sommet œcuménique organisé par le pontife le 1er juillet dernier au Vatican, le pape a aussi une nouvelle fois alerté les diplomates sur la situation dramatique du Liban.
Comme il le fait très régulièrement depuis le début de son pontificat, le pape François a fustigé la prolifération des armes dans le monde. «Celui qui possède des armes finit tôt ou tard par les utiliser», a-t-il averti. Il a rappelé la position du Saint-Siège concernant les armes nucléaires, «outils inadéquats et inappropriés» dont la possession est «hautement immorale».
Insistant alors sur le fait qu’elles menaçaient «l’existence même» de l’humanité, il a jugé d’une «importance vitale» les négociations en cours concernant l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien.
Le pontife a enfin enjoint à plus de collaboration en matière écologique, déplorant les effets du changement climatique et de l’exploitation «aveugle» des ressources naturelles sur des pays tels que les Philippines ou les petits pays insulaires du Pacifique.
Considérant qu’après la COP26 de Glasgow, la route était «encore longue» pour atteindre les objectifs des Accords de Paris, il a enjoint la communauté internationale à se tourner vers la COP27 qui se tiendra à Charm-el-Cheikh (Égypte) en novembre prochain. (cath.ch/imedia/cd/rz)
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