En la solennité de l’Épiphanie du Seigneur, le 6 janvier 1622, le pape Grégoire XV fondait la Sacrée Congrégation «de Propaganda Fide» (pour la propagation de la foi) lui assignant un double objectif: favoriser la réunification des chrétiens et répandre la foi parmi les païens.
La nouvelle Congrégation composée de treize cardinaux, de deux prélats et d’un secrétaire, se réunit pour sa première session moins de dix jours plus tard, le 14 janvier. L’une des décisions immédiates est d’adresser une circulaire aux nonces apostoliques les informant de la création de la nouvelle Congrégation, leur demandant d’envoyer un rapport sur la situation de la religion dans leurs territoires et de proposer des moyens appropriés pour propager la foi.
La tâche de la nouvelle Congrégation est donc de s’occuper de l’activité missionnaire de l’Église, dans l’ancien et le nouveau monde. La ‘Propagande’ est le dernier fruit de la réorganisation de la Curie romaine entreprise par le pape Sixte Quint, explique l’historien italien Giovanni Pizzorusso. Elle met en oeuvre un revirement par rapport à la période où l’on avait confié aux rois catholiques d’Espagne et du Portugal la diffusion de la foi par le biais du Patronage royal. Désormais les affaires ecclésiastiques ne seront plus déléguées aux autorités temporelles des pays colonisés. Les rois catholiques accomplissaient cette entreprise apostolique à travers les ordres religieux, assez indépendants du Saint-Siège voire de fait incontrôlables.
La juridiction de la Congrégation est très large puisqu’elle touche toutes les populations dites infidèles: les païens que l’on rencontre au cours de l’expansion géographique; les «hérétiques» protestants d’Europe ou d’Amérique du Nord, les «schismatiques» orthodoxes et les «infidèles» musulmans…
Dernière responsabilité et non des moindres, la sauvegarde et la protection des communautés catholiques là où elles vivent en minorité, par exemple au Moyen-Orient.
L’importance de ses responsabilités et l’extraordinaire étendue de son autorité et des territoires dépendant de sa juridiction ont valu au cardinal préfet chargé de cette Congrégation le surnom de «pape rouge».
La fondation d’un dicastère missionnaire caractérisé par la dimension planétaire de sa juridiction ne s’est pas réalisée aisément. Outre l’opposition, notamment de la couronne d’Espagne, il avait fallu composer avec la Curie, en particulier la puissante Inquisition. L’exigence de combattre l’hérésie non seulement à travers les tribunaux et la répression, mais aussi en déployant une action apostolique, se manifesta progressivement au cours du XVIe siècle avant de s’imposer.
La ‘Propagande’ compte un certain nombre de cardinaux en majorité italiens. Mais la véritable cheville ouvrière du bureau est sans doute le secrétaire. Ses fonctions sont presque illimitées: c’est lui qui organise le travail des réunions, qui se rend en audience auprès du pape. Le secrétaire s’appuie sur des experts, souvent, des étrangers résidant à Rome, parfois des convertis.
La pratique de la Congrégation se fonde essentiellement sur une immense correspondance faite de milliers de lettres venant des missionnaires éparpillés au bout du monde, mais en premier lieu des nonces apostoliques.
En poste pendant vingt-sept ans, le premier secrétaire, Mgr Francesco Ingoli [connu aussi pour avoir croisé le fer avec Gallilée NDLR] manifeste fortement la dimension universaliste de la Propaganda fide. En 1631 il dresse un bilan de l’activité dans sa première décennie. Il décrit de façon sommaire, mais pourtant informée, les lieux et les peuples avec l’indication des perspectives d’évangélisation possibles ou des résultats apostoliques déjà acquis. Il constitue un premier exemple de ces rapports généraux sur l’état des missions qu’on retrouve encore aujourd’hui.
Le rapport avec les Etats catholiques se fonde sur le maintien du catholicisme et, surtout, sur l’organisation missionnaire de leurs colonies. La Propagande n’a pas de ressources financières telles qu’elle puisse maintenir elle-même des missions et les missionnaires. Le recours aux Etats est donc nécessaire. En ce sens, le rapport avec la France est décisif, même pour les missions installées dans des territoires non soumis au roi très-chrétien, par exemple en Asie.
Concernant les Etats non catholiques, l’enjeu, très difficile voire impossible, est l’introduction de missions. On cherche alors à trouver des arrangements à obtenir des exemptions ou à exploiter des failles.
La promotion du clergé indigène pour la conversion des peuples a été le projet le plus ambitieux que la ›Propagande’ a déclenché. Dès le début, le secrétaire Ingoli soutient que les nationaux sont les missionnaires les plus efficaces puisqu’ils connaissent les coutumes, et la langue.
Cette politique se réalise entre autre à travers la fondation en 1627, du Collège pontifical Urbain, relevant de la ‘Propagande’ et situé dans le même palais de la place d’Espagne. Dans ce collège, on enregistre l’arrivée de plusieurs élèves, de l’Europe du Nord et orientale, mais aussi du Proche-Orient jusqu’à l’Inde. Cette pépinière doit fournir une hiérarchie missionnaire fiable, puisque bien formée à Rome. Toujours dans cette même idée, l’Eglise élabore un droit de mission (jus missionum) plus flexible que le droit canonique ordinaire. Dès 1626, une Typographie dite Polyglotte fut établie pour la publication des livres dans les langues des populations des territoires de mission.
Estimant en outre que cette documentation serait importante pour la Congrégation, Ingoli jette les bases des archives de la Propaganda fide. C’est ainsi que naquit une collection documentaire concernant les pays et les peuples sans équivalent dans l’Eglise catholique et peut-être même dans le monde entier.
Dans la pratique de la vie missionnaire, on mesure cependant combien la politique universaliste, qui se veut unitaire et fondée sur les principes tridentins, se heurte aux réalités locales et combien il est difficile de concevoir une politique missionnaire plus «légère», moins réfractaire à l’adaptation culturelle. La longue querelle des rites chinois au XVIIIe siècle en sera un des exemples les plus significatifs.
La fin du XVIIIe siècle, la période de la Révolution française, fut une période particulièrement sombre et difficile dans l’histoire de l’Eglise, pour les missions en général et pour la Congrégation de Propaganda Fide en particulier. Le pape Pie VI est déposé et arrêté par les révolutionnaires français le 15 février 1798 pour mourir en prison le 19 août 1799. Le 15 mars 1798, la Congrégation de Propaganda Fide est supprimée par le «citoyen» Haller en tant que «établissement fort inutile» et le Préfet du Dicastère, le cardinal Gerdil, est exilé de Rome.
Le Pro-préfet, le cardinal Stefano Borgia, fut l’homme providentiel pour la survie de Propaganda Fide. Une fois le nouveau pape, Pie VII, revenu à Rome en juillet 1800, le cardinal Borgia y fait retour également et, immédiatement après le retrait des troupes françaises, se met à racheter les propriétés de Propaganda mises aux enchères par les Français en particulier les précieux codex, manuscrits, livres et meubles, commençant ainsi à reconstruire le Dicastère. L’ensemble des archives transportées à Paris revinrent, en 1815, mais avec passablement de lacunes.
Au plan missionnaire, il promut la création d’évêques locaux dans les missions, et la célébration de la liturgie en langue vulgaire.
Propaganda Fide aujourd’hui
La Congrégation est actuellement constituée de 49 membres: 35 cardinaux, 5 archevêques, 2 évêques, 4 directeurs nationaux des Oeuvres Pontificales Missionnaires, 3 supérieurs généraux. Elle est présidée par le cardinal Luis Antonio G. Tagle. La Congrégation est assistée par un Collège de Consulteurs, experts de diverses nationalités.
Le dicastère compte une soixantaine d’employés, répartis entre un secrétariat, une administration, ainsi que des archives historiques et modernes.
De nombreux organes dépendent de la Congrégation, entre autres le Collège pontifical Urbanien, le Collège pontifical Saint-Pierre Apôtre, le Collège pontifical Saint-Paul Apôtre, mais aussi l’agence vaticane Fides, et le réseau de prière et de charité des Œuvres pontificales missionnaires (OPM). MP
Au cours des 400 ans d’histoire, diverses interventions des papes ont précisé les tâches et l’organisation de la Congrégation tout en maintenant inchangés ses objectifs fondamentaux.
En raison de la connotation négative prise par le terme de «propagande» au XXe siècle, sa dénomination a été modifiée par le pape Paul VI en 1967, en Congrégation pour l’évangélisation des peuples. La Constitution apostolique Pastor Bonus de Jean Paul II de 1988 a établi son fonctionnement actuel. (cath.ch/mp)
Propagande
En latin médiéval, propaganda est l’adjectif verbal de propagare signifiant littéralement «ce qui doit être propagé» . En 1622, le pape Grégoire XV adopte le terme propaganda fide (propagation de la foi) pour la congrégation qu’il vient de fonder.
Au XIXe siècle, le socialisme adopte le vocabulaire de la religion, et appelle «doctrine» le discours politique et «propagande» les méthodes de sa diffusion. Le terme de propagande se charge d’une connotation péjorative au XXe siècle. Lors de la Première Guerre mondiale, les États abusent du contrôle de l’information. Les régimes totalitaires des années 1930 institutionnalisent la propagande au sein de l’appareil étatique. Le Troisième Reich se dote d’un Bureau de la propagande sous la direction de Joseph Goebbels.
Jusqu’à la fin des années 1970, syndicats et partis politiques continuent à faire figurer dans leurs organigrammes des sections de «propagande», jusqu’à ce que l’expression communication politique remplace ce terme devenu extrêmement négatif car lié à la notion de totalitarisme. MP
Maurice Page
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