catt.ch/Emiliano Guanella (correspondant RSI en Amérique latine); traduction et adaptation: Davide Pesenti
«Il n’y a rien d’extraordinaire dans ce que nous faisons. Nous sommes en train de donner un sens à notre foi chrétienne, nous la vivons au quotidien», raconte le Père Julio Lancellotti. A 73 ans, il est responsable de la pastorale de rue à São Paulo, à l’est du Brésil, l’une des villes les plus peuplées au monde.
«Si nous pensons à l’Évangile, Jésus partage sa vie avec les autres. L’un des signes les plus forts de son ministère: lorsqu’il prend le pain et le distribue. Le sens de ce geste est de nous faire comprendre que la vie doit être eucharistique, c’est-à-dire qu’elle doit être vécue dans la communion et dans le partage avec les autres».
Le prêtre brésilien a fait de l’Eucharistie le centre de son action pastorale au sein d’une réalité sociale caractérisée par de grandes injustices et fortement marquée par la pandémie qui a contraint de plus en plus de personnes à vivre dans la rue. À Sao Paulo, il est là, bien présent, une référence essentielle pour les exclus.
«São Paulo est aujourd’hui le symbole des inégalités, explique le Père Julio. Il y a beaucoup de richesse, et c’est une richesse absurdement ostentatoire. Mais il y a également une pauvreté extrême et inhumaine. La ville vit chaque jour avec cette profonde injustice, qui remet en question la démocratie, mais aussi la foi et l’humanité même de ceux qui vivent ici».
Un nombre élevé de personnes vit dans la rue. Quotidiennement, elles trouvent un peu de réconfort dans le centre d’accueil géré par le Père Lancellotti; un lieu d’Église où l’on donne quelque chose de plus que la simple nourriture quotidienne. Chaque matin, le Père Julio sort dans la rue avec son chariot rempli de pain. Il n’est jamais seul dans cette mission quotidienne. Par ses actes, il montre et témoigne que la présence de Dieu est quelque chose de tangible, de concret. Et que la solidarité est nécessaire, inévitable.
Il n’est donc pas obligatoire d’aller à l’église pour rencontrer le Père Julio. Les gens de la rue savent qu’il viendra les aider et, reconnaissants, lui rendent cette proximité avec beaucoup d’affection.
Le travail du Père Julio Lancellotti est fortement critiqué par les politiciens de droite de la ville et même par le président Jair Bolsonaro. Ils l’accusent d’utiliser son ministère à des fins politiques. Il a également été menacé de mort pour son engagement en faveur des pauvres, contre les abus répétés de la police ou des autorités à l’encontre de ceux qui n’ont plus rien.
«Lorsque les politiciens brésiliens parlent de Dieu, il faut toujours se demander à quel Dieu ils font référence, confie le Père Lancellotti. Si leur Dieu est le pouvoir, alors nous savons qu’il n’est pas Jésus de Nazareth. Si c’est un Dieu qui impose sa loi par la force, nous sommes sûrs qu’il n’est pas non plus Jésus de Nazareth. Lorsqu’ils disent que le chemin mène à Dieu, nous devons nous poser la même question. Et nous devons être clairs sur le fait que le Dieu révélé en Jésus est un Dieu pauvre, qui libère les gens de leurs chaînes; un Dieu qui met fin à l’oppression».
À la messe, présidée tous les jours à sept heures du matin, ainsi que deux fois le week-end, participent les gens du quartier, les fidèles de la paroisse, mais aussi beaucoup d’hommes et de femmes qui viennent de plus loin, pour offrir un geste de solidarité et de soutien au prêtre brésilien. Des religieux et des laïcs qui se rendent disponibles pour l’aider dans sa mission auprès des plus pauvres, convaincus de faire ce qu’il faut dans un contexte particulièrement difficile et où l’on a urgemment besoin d’aide.
«Avant d’apporter de l’aide aux personnes dans le besoin, le Père Julio célèbre la messe. L’Eucharistie qu’il offre sur l’autel est ensuite portée à nos frères et sœurs de la rue, explique le Frère Matias Alegria da Cruz, l’un des participants. De cette manière, il parvient à célébrer l’union qui existe entre l’Eucharistie et l’action concrète, la pratique. Il ne s’agit pas ici d’une politique traditionnelle, mais d’une quête de justice, la justice sociale que Jésus a proclamée et que le pape François nous invite également à poursuivre. Nous devons toujours être proches de l’autre. Jamais devant ou derrière, toujours aux côtés de notre prochain».
Lorsqu’au Vatican, on a appris les menaces qui pesaient sur le Père Julio dans sa petite paroisse de quartier, le pape François lui a téléphoné. Un geste de solidarité et de gratitude pour ce prêtre qui est en première ligne pour défendre l’idée que Jorge Mario Bergoglio se fait de l’Église.
«Je ne m’y attendais pas, confie le Père Julio. Il n’est pas courant qu’un prêtre reçoive un appel téléphonique du pape en personne. Mais le pape François a cette habitude. Ils m’ont expliqué que le samedi soir, il prend le téléphone et il appelle des personnes du monde entier qui, selon lui, ont besoin de son soutien. Le Saint-Père n’est pas inaccessible. Au contraire, il aime communiquer, dialoguer avec tout le monde».
La parole qui, chaque jour, se fait en action, devient ainsi un exemple et une preuve concrète d’amour dans la vie du Père Julio. «L’important, c’est de vivre avec les gens. En étant proche d’eux, vous pouvez découvrir leurs besoins. Il y a ceux qui ont besoin de beaucoup d’aide et qui doivent changer radicalement leur vie. Je le résumerais tout cela de la façon suivante: d’une main, tu donnes du pain. Mais avec l’autre, tu dois te battre!», conclut l’aumônier brésilien. (cath.ch/catt.ch/eg/dp)
Rédaction
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