Inde: les «sœurs de Mère Teresa» privées de subventions de l’étranger

Le gouvernement indien a annoncé, le 25 décembre 2021, la suspension de la licence permettant à la congrégation des Missionnaires de la Charité, fondée par Mère Teresa, de recevoir des subventions de l’étranger. Une mesure qui s’inscrit dans un phénomène général de durcissement du pouvoir et de la société indienne à l’encontre de la minorité chrétienne.

Le ministre de l’Intérieur indien, Amit Shah, a annoncé le jour de Noël que la licence autorisant la congrégation des Missionnaires de la Charité à recevoir des financements étrangers ne serait pas renouvelée, les conditions d’éligibilité n’étant désormais plus respectées.

Une décision aux conséquences importantes pour l’organisation caritative fondée en 1950 par sainte Teresa de Calcutta (1910-1997). Elle la prive de fonds pour payer ses employés et affecte son travail auprès des pauvres et dans les zones rurales, explique au journal La Croix l’historienne Arundhati Virmani, enseignante à l’Ecole des hautes Etudes en sciences sociales (EHESS) de Marseille. La congrégation gère notamment de nombreux foyers d’accueil à travers l’Inde.

Menaces sur la liberté religieuse

Le «message est plus grave» au niveau symbolique, affirme la spécialiste de l’Inde. «Cela renie le travail social important fait par cette organisation et renforce l’image d’un gouvernement hostile à toute communauté autre que hindoue».

Les Missionnaires de la Charité sont depuis quelques temps dans le collimateur du pouvoir indien. Début décembre, le gouvernement a ouvert une enquête sur de prétendues conversions forcées de jeunes hindoues dans l’un des instituts fondés par Mère Teresa.

Pour Arundhati Virmani, la coupe des subventions étrangères confirme «la dérive du pays, loin des principes constitutionnels pour l’égalité de toutes les religions». Lors de sa promulgation, en 1950, la Constitution indienne ne définissait en effet aucune religion d’État et garantissait la liberté religieuse.

Le gouvernement incite à la violence

La décision se place dans un contexte de plus en plus tendu, en Inde, entre les communautés sociales et religieuses. Une atmosphère de méfiance qui se manifeste également contre les ONG, et qui a augmenté avec l’arrivée au pouvoir du nationaliste hindou Narendra Modi, en 2014.

Le 3 octobre 2021, un record d’hostilités antichrétiennes avait été enregistré, avec au moins 13 épisodes de violence perpétrés par des groupes hindous radicaux. Des agissements «ni aléatoires, ni isolés», avait alors assuré l’écrivain et journaliste catholique indien John Dayal.

Il s’agissait plutôt d’un «travail systématiquement orchestré et synchronisé pour intimider la communauté chrétienne». L’intellectuel s’est dit particulièrement préoccupé par le fait que «des autorités politiques de haut niveau, telles que des ministres fédéraux et d’État, membres du Bharatiya Janata Party (BJP) au pouvoir, incitent ouvertement à la violence et apprennent aux gens à considérer les agriculteurs, les adivasis (tribus), les dalits et les minorités religieuses comme des ennemis de l’État». (cath.ch/cx/arch/rz)

Raphaël Zbinden

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