Trois petites musiques de l’espérance

La messe de minuit suscite toujours la méditation. Celle de ce jour m’a ouvert aux dimensions de l’espérance.

Tout d’abord, il y a eu ce défilé des parents et des enfants devant la crèche de mon église. Ils venaient voir l’Enfant-Jésus. Cherchaient-ils à se remémorer un souvenir ou à répondre à un appel? Cette démarche m’a rappelé paradoxalement un fait de désespérance. J’avais 23 ans et je venais de perdre un enfant. Cet événement m’avait fâché avec le Bon Dieu. Lui ne m’oubliait pas, mais moi je l’ai rejeté pendant quinze ans.

Pour dépasser cette désespérance, j’ai dû me construire une espérance toute humaine. Je me suis lancé dans une thèse de doctorat et j’ai eu la chance de rencontrer un très bon directeur qui m’a toujours aidé. Comme dit le dictionnaire, l’espérance est «un sentiment qui fait entrevoir comme probable la réalisation de ce que l’on désire». Cette espérance toute humaine m’a soutenu pendant de longues années. Et hier soir, je me suis rappelé qu’il fallait soutenir les projets même modestes qui permettent aux personnes de surmonter une épreuve. Il faut toujours appuyer les plantes en devenir et on ne doit jamais ruiner une espérance. C’est une première petite musique importante, surtout en cette période de pandémie.

La deuxième petite musique d’espérance est liée à la nature. Cette nuit nous avons basculé, avec le solstice, d’une lumière qui décroit à une lumière qui croit. Finis les jours sombres de novembre et décembre et bienvenue aux jours de plus en plus lumineux de janvier et février. On entrevoit le bouleversement du printemps encore dans les limbes et nous imaginons la clarté de Pâques. Sans doute enivré par le soleil levant, un moineau est venu s’égosiller sur mon balcon ce matin. Ce passage du solstice était déjà repéré par nos anciens et nos églises ont justement fixé Noël à cette date du 25 décembre. Plus que le 1er janvier, cette date nous fait entrer dans un autre temps et ce n’est pas pour rien que les familles ressentent le besoin de se rassembler à cette occasion.

«L’Enfant-Jésus nous prend par la main, nous qui avons peur du noir, pour nous conduire à la lumière annonciatrice de Pâques»

La troisième musique est liée à la venue de l’Enfant-Jésus. L’Emmanuel, autrement dit Dieu avec nous jusqu’à la fin des temps. Même si on fait l’impasse sur Lui, et j’en ai été un bon exemple, Il se rappelle à nous. Il nous envoie des signes comme les anges aux bergers de Bethléem, ou l’étoile pour les rois mages. Ces signes nous demandent de nous mettre en marche vers la crèche comme l’ont fait les paroissiens de mon village cette nuit. L’espérance est une route qu’il faut parcourir pas à pas. Elle n’est pas une vertu ou une force d’âme. Certes elle demande du courage, mais celui-ci n’est pas nécessairement conscient.

Je n’étais pas conscient de ce qui m’attendait quand j’ai demandé un rendez-vous à mon directeur de thèse. Quand je ressens les bienfaits de la lumière après le solstice, je n’y suis pour rien. Il me suffit de les recevoir. Cette part inconsciente est toujours présente dans l’espérance. Quand je suis appelé à la rencontre de Jésus dans la crèche, celui-ci, tel un enfant, me demande simplement de l’accueillir et donc d’ouvrir mon cœur. Le reste viendra en son temps. Comme les rois mages, je devrai rentrer chez moi par un autre chemin. Et pour sûr, ce chemin me réservera des surprises.

Par définition, un enfant est source d’espérance. Il ouvre l’avenir. Sa disparition peut nous plonger dans les ténèbres. Noël nous fait traverser celles-ci. L’Enfant-Jésus nous prend par la main, nous qui avons peur du noir, pour nous conduire à la lumière annonciatrice de Pâques.

Je vous adresse, chère lectrice, cher lecteur, mes vœux chaleureux pour la nouvelle année.

Jean-Jacques Friboulet

29 décembre 2021

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