La tradition des cadeaux, notamment à Noël, s’inscrit souvent dans une logique commerciale. Mais c’est aussi une marque d’affection et d’attention à l’autre. Comment le chrétien peut-il faire la part des choses?
José Mittaz: Le cadeau est signe d’une présence qui se prolonge au travers du présent qui est offert, comme une autre manière de dire: «Je suis avec toi». C’est pourquoi un cadeau personnalisé sera davantage apprécié, car il relie au donateur.
Un beau cadeau dit autant de celui qui l’offre que de celui qui le reçoit. Le cadeau de Dieu, c’est l’Emmanuel, Dieu-avec-nous: il est vrai Dieu et vrai homme. Et de la crèche à la croix, le Christ se livre et donne.
Son ultime parole sur la croix resitue le consumérisme sur un autre plan: «Tout est consommé» (Jn 19,30), c’est-à-dire tout est accompli, tout a été donné. Le consumérisme évangélisé n’appelle pas à tout dépenser, mais à se dépenser soi-même pour favoriser la vie autour de soi.
Alain Souchon, dans sa chanson Foule sentimentale, évoque un homme moderne dont le matérialisme est une façade, qui cache quelque chose de plus grand. Est-ce aussi votre impression?
Il m’est plusieurs fois arrivé de reconnaître que mon propre besoin d’acheter un nouvel ordinateur ou un téléphone portable exprimait, d’une façon voilée et pas immédiatement conscientisée, le besoin d’un renouvellement intérieur plus complexe à appréhender.
La prise de recul face à un matérialisme enchanteur ouvre la voie vers un espace intérieur et dépouillé, ce lieu de surgissement de la vie en soi. Ce sont nos élans intérieurs, multiples et variés, qui colorent si bien notre vie relationnelle.
Les parents sont souvent tentés d’offrir aux enfants ce qui leur fait plaisir. L’amour passe-t-il toujours par la satisfaction d’un désir, ou peut-on imaginer d’autres voies?
Dans une oraison de la messe appuyée sur saint Paul (Eph 3,20), nous reconnaissons que Dieu donne infiniment plus que nous n’osons demander ou même imaginer. Il s’agit donc d’élargir notre désir et de l’approfondir, notamment dans la prière, afin de devenir capables de recevoir ce que le Seigneur veut nous donner.
Offrir aux enfants uniquement ce qui leur fait plaisir, c’est restreindre leur univers à ce qu’ils connaissent déjà, et donc prendre le risque de les replier sur eux-mêmes. Les plus beaux cadeaux ne sont-ils pas ceux qui surprennent et qui appellent à s’aventurer un peu plus vers l’inconnu, là où la vie fait signe? (cath.ch/rz)
Les cadeaux de Noël, une tradition d’origine païenne
Les cadeaux sont une promesse d’abondance dont on retrouve la trace déjà dans l’Antiquité. D’après la revue française Science et Avenir, la tradition des cadeaux remonte au monde romain, où l’on s’échangeait des étrennes (strenae) lors des Sigillae, au dernier jour des Saturnales, fêtes marquant le solstice d’hiver.
Les cadeaux, accompagnés de vœux, étaient surtout alimentaires. Figues, dattes et miel symbolisaient la douceur et l’abondance. Si les premiers chrétiens ont critiqué la dimension païenne et superstitieuse de cet usage, l’Église s’est tout de même gardée de l’interdire. La tradition a donc perduré.
L’usage d’offrir des jouets au lieu d’aliments à Noël, ne s’est développée qu’au 19e siècle, avec l’essor de la bourgeoisie et de la production industrielle.
Esthétisation
La célébration religieuse s’est sécularisée progressivement, en mettant de plus en plus l’accent sur les retrouvailles familiales.
La commercialisation de Noël s’est cristallisée dans la deuxième partie du 19e siècle, avec l’apparition des grands magasins, tels que Macy’s à New York ou la Samaritaine en France. L’enseigne Le Bon Marché à Paris a été l’une des premières à décorer ses vitrines pour inciter à l’achat. Les distributeurs vont développer des stratégies commerciales et de marketing pour augmenter les ventes à ce moment de l’année.
L’usage d’emballer les présents prend son essor en parallèle, dans une volonté de susciter la surprise et l’émotion à la découverte du cadeau. Cette pratique existe en Asie depuis le 11e siècle. Mais en Occident, elle n’apparaît qu’au début du 19e siècle, dans la bourgeoisie anglaise. Les cadeaux sont alors enveloppés avec du papier de tissu décoratif, des rubans et de la dentelle. L’emballage avec du papier imprimé aurait été popularisé aux Etats-Unis, à partir de 1917.
Naissance d’une mythologie moderne
De la moitié du 19e siècle aux années 1950, toute une imagerie liée à Noël destinée aux enfants s’est développée, alimentée principalement par les écrivains et les illustrateurs, surtout aux Etats-Unis. Les cadeaux de Noël sont désormais apportés par des distributeurs mystérieux et bienveillants, principalement le Père Noël. Le personnage s’est formé à partir de la figure mythique de saint Nicolas de Myre, qui prodiguait ses présents depuis des siècles aux enfants du nord de l’Europe. La tradition a débarqué en Amérique avec les colons hollandais. L’image du Père Noël a été fixée en 1931 par le succès d’une publicité pour une célèbre boisson gazeuse.
La tradition des cadeaux de Noël a encore pris de l’importance dans le courant de la reprise économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Dès 1952, les journaux ont commencé à parler de «frénésie» ou de «marée de shopping» à l’approche du 25 décembre.
Selon l’historienne spécialiste des traditions Nadine Cretin, ce geste ancestral d’échange de cadeaux n’est pas sans rappeler, une forme du «gaspillage cérémoniel» lié à toute fête. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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