«L’écoute, ne suffit pas», lance une membre du Réseau, pour qui les femmes se sont habituées à être à la deuxième place et à obéir. Une réalité constatée encore trop souvent au sein des équipes pastorales. «Parfois, on n’ose pas prendre la parole, par crainte de perdre notre mandat ou même d’être licenciées. Mais il faut oser, car autrement on n’avance pas. Comment faire pour prendre sa place, si on ne la donne pas?»
Telle a été l’une des problématiques abordées lors de la rencontre placée sous le signe du dialogue de l’Eglise universelle. «Le synode 2023 est un processus en plusieurs étapes et nous avons la chance d’y être associées!», s’est réjoui le groupe de femmes engagées professionnellement et bénévolement dans le diocèse de LGF, rassemblée à la Maison diocésaine de Fribourg.
Mgr Morerod était invité à l’événement organisé par le Réseau des femmes en Eglise. Le groupe écoute et soutient les femmes dans les difficultés ou conflits qu’elles peuvent rencontrer dans l’exercice de leur ministère.
Initialement prévu durant le printemps 2020, le rendez-vous – un des fruits concrets de la grève des femmes de juin 2019 – avait dû être repoussé à cause de la pandémie. La rencontre a été replacée dans le contexte du processus synodal lancé en automne 2021 par le pape François, et récemment ouvert au niveau diocésain, conscients que «l’Église synodale est une Église participative et coresponsable».
À l’ordre du jour, une discussion franche et transparente sur la place et les responsabilités des femmes dans la vie diocésaine, ainsi que sur les conditions matérielles de leur engagement – notamment salariales et de prévoyance professionnelle –, très différentes d’un canton à l’autre.
La matinée d’échanges s’est articulée autour du partage d’expériences problématiques, voire douloureuses, vécues par des femmes dans leur activité pastorale quotidienne. En cause? Un manque de confiance dans les compétences et des attitudes parfois irrespectueuses vis-à-vis des femmes. Des façons de faire qui, selon les participantes, doivent faire l’objet d’une prise de conscience et d’une remise en question.
«Créer un climat de confiance vis-à-vis des femmes engagées en Eglise est le premier aspect sur lequel nous devons tous travailler, soutient Marie-Christine Konrath, coordinatrice du Réseau et responsable de la journée. Ceci, afin que le travail au sein des équipes pastorales et des différents services ecclésiaux puisse se faire dans les meilleures conditions et, surtout, le respect réciproque».
Reconnaitre les dysfonctionnements dans les relations professionnelles entre différents ministres, pour qu’on puisse ensuite les corriger et les prévenir, présuppose une vraie écoute. Une attitude qui exige une ouverture d’esprit et de cœur, sans préjugés. «Car la culture du silence est aujourd’hui source de souffrances pour de nombreuses femmes en Eglise», affirme une participante.
Pour atteindre cet objectif, un tout premier pas serait, selon les membres du groupe, la reconnaissance officielle du Réseau des femmes comme mouvement diocésain et la prise en compte de l’engagement de ces femmes au sein de cette instance comme temps de travail.
La question des formes d’égalité et de parité entre les différentes figures d’agents pastoraux au niveau diocésain a également été débattue. Une piste importante pour atteindre cet objectif serait une nouvelle culture de la collaboration, ouverte au partage des prises de décisions et au respect de ces décisions prises collégialement.
«Nous sommes toujours encore prises dans une culture patriarcale. Il faut que l’égalité deviennent une habitude, remarque une autre agente pastorale. Il faut en effet travailler à une promotion spécifique des femmes, en ce qui concerne la nomination des membres des commissions diocésaines ou nationales, par exemple».
Dans cette optique d’un meilleur partage, le mot-clé est celui d’une plus grande coresponsabilité entre prêtres et laïques.
Trois chantiers prioritaires ont été retenus: le respect de la pluralité des ministères lors de la nomination des équipes pastorales; la création de lieux extérieurs aux conflits, auxquels pouvoir s’adresser en cas de litige (délégué à l’égalité de droits); la mise en place officielle au niveau diocésain des ministères institués de l’acolytat, de lectorat et de catéchiste – que le pape François a récemment ouverts aux femmes.
«Nous sommes entrés dans une phase d’apprentissage au dialogue. Je me réjouis qu’aujourd’hui un tel dialogue ouvert ait pu avoir lieu », affirme Marie-Christine Konrath au terme de la rencontre. «On doit continuer à se parler avec notre évêque».
De son côté, Mgr Morerod se déclare privilégié de pouvoir écouter directement ces récits de femmes. «Comment les transmettre maintenant? s’interroge-t-il au terme de la rencontre. Il faut qu’elles puissent parler des problèmes qu’elles rencontrent et transmettre ce qu’elles vivent».
Dans son ministère d’évêque, il est appelé à entendre les «différents sons de cloche». Ces expériences lui ont montré comment, dans des conflits personnels, les responsabilités sont souvent partagées. «Il faut renforcer la culture d’une écoute mutuelle. Dans ce sens, un changement de culture plus profond que des réformes superficielles est nécessaire». Une attitude systématique qui prête une attention accrue aux femmes.
Mgr Morerod souligne à quel point la matinée lui a permis de prendre davantage «conscience de certains éléments implicites de notre culture interne». Une expérience qui l’a aidé à mieux comprendre les situations auxquelles les femmes doivent faire face, mais aussi, plus généralement, tout laïc engagé en Eglise.
L’engagement du Réseau – qui rassemble une soixantaine de femmes –se poursuivra le dimanche 13 février 2022, avec une journée de réflexion sur la place des femmes en Eglise ouverte au grand public. (cath.ch/dp)
Davide Pesenti
Portail catholique suisse
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