Bernrard Hallet
«Le réveillon de Noël, c’était chez Colette et Tony», lance Pascal Tornay, diacre permanent et membre du service de la diaconie du diocèse de Sion. Colette et Tony, les grands-parents paternels chez qui il a passé tous ses 24 décembre, depuis petit jusqu’à l’âge de 16 ans. Les six enfants, leurs conjoints et les petits enfants, au moins une douzaine «de zéro à 15 ans», se retrouvaient dans la grande maison familiale de Vollèges, dans le Val de Bagnes.
La fête de Noël, un rituel «programmé d’année en année», inoubliable pour l’enfant puis l’ado que le diacre a été. «Pour moi, c’était le grand moment de l’année!… Avec le 1er août». Il décrit l’attente exaspérante et joyeuse de ces retrouvailles familiales. Presque un Avent dans l’Avent! Même s’il habitait à cent mètres de chez ses grands-parents, «on arrivait sur une autre planète!»
«Nous avons été jusqu’à 30 personnes!». Des mètres de tables alignées traversaient la grande maison sur lesquelles on disposait des caquelons pour l’incontournable fondue chinoise, ou bourguignonne, que complétaient des légumes généralement accompagnés de riz ou de patates.
Les poèmes de circonstance plus mitraillés que scandés, le chahut à la table des enfants, le disque des chansons de Noël «à fond» mais que l’on entendait à peine, un oncle qui jouait le Père Noël furtif, l’assiette de sel déposée à l’entrée de la maison pour les rennes et des tonnes de cadeaux que tout le monde s’échangeait. Les images se bousculent, ses bras miment les souvenirs et semblent les englober. Pascal marque une pause puis poursuit. «Ce n’était pas la magie de Noël, mais la joie d’être ensemble. Pas de ‘bling bling’, rien de royal, mais il y avait une unité et une paix».
Une joie et une unité que la famille doit surtout à sa grand-mère Colette. «Elle a insufflé cela. Toujours positive, elle aimait la fête, les enfants, faire à manger et décorer la maison pour Noël».
Et vers 22h30, il fallait partir pour une autre fête. «Papa dirigeait la chorale, maman y chantait et je servais la messe». Difficile de quitter la soirée pour aller servir une autre réalité. «J’arrivais à m’arracher parce que je trouvais aussi l’esprit de la fête à la célébration de Noël».
Pascal n’imaginait pas une seule seconde ne pas aller servir la messe. Il évoque le stress de la sacristie, une électricité qui survoltait les enfants de chœur pour cette messe si importante. A hauteur d’enfant, il y avait quelque chose de théâtral – dans le bon sens du terme: le trac avant de quitter la sacristie, se souvenir quoi faire et à quel moment précis. «C’était captivant. On avait à cœur de ne rien louper.» Avec en plus la pression due à la présence de la famille dans l’assemblée.
«On ne comprenait pas la liturgie, mais cela avait l’air si important pour les adultes.»
De retour à la sacristie, tout s’était bien passé et on se congratulait, on passait en revue les détails en se faisant d’hypothétiques frayeurs rétrospectives. «Enfant, on n’a pas les mots, mais l’impression diffuse de faire partie d’un ‘truc immense’ et d’entrer dans le mystère».
«C’était aussi une fête parce que j’avais la certitude de faire corps avec un groupe humain qui vibre à la même corde. En fait la liturgie parachevait ce qu’on avait créé de beau en famille.»
Pascal retrouvait la famille à une heure du matin, pour le dessert. Ce n’était plus pareil. Fin de soirée qu’il avait quittée et la fatigue. «Après le sommet de l’eucharistie, la descente tranquille. Il rentrait vite se coucher pour être d’attaque à la messe du matin de Noël, à 10h. Et les enfants se retrouvaient l’après-midi de Noël pour jouer dans la neige: «Bob, luge, ski, tout était bon pour dévaler les talus».
«A l’aune de ce que j’ai vécu à chacune de ces fêtes de Noël, je mesure combien il est difficile de se retrouver seul à cette période de l’année, quelle que soit la cause.»
Impossible de dire comment ce rituel familial est né. «Je l’ai toujours connu». Lorsque j’en reparle avec des cousins, on a conscience que ce n’est pas fréquent. Nous avons eu un très grand cadeau. C’est puissant pour un enfant.
«Je participais à deux fêtes, l’une appelant l’autre. C’était les deux pieds sur lesquels il fallait marcher». (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
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