Nommé en juillet dernier, Mgr Theodore Kontidis né de parents des deux confessions orthodoxe et catholique, parle aussi de la minorité catholique en Grèce (moins de 1%) que rencontrera le pape.
Le pape rencontrera l’archevêque orthodoxe d’Athènes Hiéronymus II. Mais pourquoi n’y a-t-il pas de célébration commune prévue durant ce voyage?
Les orthodoxes ne le veulent pas. C’est la ligne qu’ils ont adoptée en Grèce. Pour eux la prière, la célébration eucharistique, signifie la pleine unité. Puisqu’il n’y a pas d’accord sur tous les points, ils estiment qu’on ne peut pas faire semblant que les divergences n’existent pas. Ils ne veulent pas participer à des prières communes. Cependant il y aura des représentants orthodoxes à la messe célébrée par le pape le 5 décembre. Ils peuvent assister mais pas participer à une célébration commune.
Ce voyage peut-il changer les choses à ce niveau?
Ce voyage est un pas de rapprochement. Le pape exprime sa proximité et son estime. Il a une attitude d’intérêt pour l’autre, pour le rencontrer, pour le connaître, pour l’écouter.
Quelle est la réalité de l’archidiocèse d’Athènes que visitera le pape?
À Athènes, c’est une situation particulière, parce que notre diocèse inclut toute une diaspora: les douze paroisses sont très étendues, ce ne sont pas des paroisses de quartier, certaines sont à 150 km de la capitale. Les familles sont très dispersées dans un environnement orthodoxe. Le clergé compte quarante prêtres, religieux compris. Nous avons aussi des communautés religieuses, des instituts catholiques, qui ont une longue histoire ici.
En Grèce la présence catholique se concentre dans certaines régions, dans les îles, à Athènes, à Salonique. Certaines régions étaient sans catholiques avant l’arrivée de migrants ces dernières années.
Les catholiques de Grèce proviennent de diverses origines et cultures. Se côtoient-ils?
Les catholiques d’origine grecque sont en effet une minorité parmi des catholiques philippins, polonais, albanais, ou encore nigérians… Nous avons aussi des communautés de rite byzantin et de rite arménien. C’est un défi de trouver l’unité dans ce contexte multicolore. Au-delà de la difficulté, j’y vois une occasion de comprendre que ce qui nous unit, c’est la foi. L’essentiel c’est la foi en Jésus, qui est la base de notre unité, de notre fraternité.
«Certaines régions étaient sans catholiques avant l’arrivée de migrants ces dernières années.»
Comment les catholiques attendent-ils le pape?
Ils l’attendent avec joie. Sa présence parmi nous est une fête, c’est un événement extraordinaire dans un pays où presque toute la population est orthodoxe. J’espère que cette venue du pape sera un appel à la foi pour ceux qui sont proches de l’Église, mais aussi un appel pour ceux qui se sont éloignés, et un appel à l’unité entre catholiques. Ce voyage est aussi une porte qui s’ouvre sur le monde chrétien. Peut-être ne nous connaissons-nous pas assez bien entre catholiques et orthodoxes, et pouvons-nous découvrir que nous avons la même foi, la même tradition.
Comment sont les relations avec les orthodoxes?
L’histoire a créé une divergence, parfois une hostilité entre catholiques et orthodoxes. Certains restent dans cet héritage et sont très négatifs, ils ne veulent pas voir dans l’autre un frère dans la foi, ils parlent d’Église hérétique, ou de schismatiques, ils pensent qu’il est mieux de ne pas avoir de contacts mutuels. L’attitude rigide et fermée face à l’autre est présente dans toutes les Églises, mais elle est plus forte dans l’orthodoxie actuelle que dans le catholicisme après Vatican II. En tant que fils né dans une famille mixte, je sais qu’il y a une richesse des deux côtés, et la partager fera beaucoup de bien à l’Église universelle.
«Les populations des pays orthodoxes semblent aussi mieux résister à la sécularisation, elles sont plus attachées à la tradition d’une génération à l’autre.»
Qu’est-ce que les deux Églises peuvent s’apporter réciproquement?
Pour nous, il est enrichissant de voir comment les orthodoxes vivent leur foi, comment ils célèbrent leurs sacrements, comment ils prennent soin du prochain. Au niveau de la structure de leur Église, ils parlent beaucoup de synodalité. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils ne veulent pas avoir de pape. Ils pensent que cela enlève la liberté des Églises locales ou la diminue. Les populations des pays orthodoxes semblent aussi mieux résister à la sécularisation, elles sont plus attachées à la tradition d’une génération à l’autre.
D’un autre côté, les catholiques ont plus facilement la volonté de continuer à se réformer quand la situation sociale ou historique le réclame. Cela peut être intéressant pour les orthodoxes de voir comment l’Église catholique réalise ses réformes. Si nous nous comprenons mieux les uns les autres, cela nous aide à mieux comprendre ce qu’est l’essentiel de notre foi, et à distinguer l’essentiel de ce qui n’est pas essentiel. (cath.ch/imedia/ak/bh)
Mgr Theodore Kontidis
Né le 11 mars 1956 à Thessalonique, en Grèce, Theódoros Kontídis a étudié la philosophie puis la théologie à l’Université pontificale grégorienne de Rome. Le 3 octobre 1983 il entre dans la Compagnie de Jésus et, sa formation spirituelle initiale achevée, il continue ses études de théologie à Louvain, en Belgique. Le 9 octobre 1988, il est ordonné prêtre par l’archevêque d’Athènes Nikólaos Fóskolos (en), dans l’église du Sacré-Cœur d’Athènes. Il a obtenu une licence en théologie du Centre Sèvres à Paris.
Le 12 mars 1995, il fait sa profession religieuse solennelle définitive dans la Compagnie de Jésus. Il devient ensuite responsable de la pastorale des vocations et supérieur de la communauté jésuite d’Athènes. Depuis 2021, il était curé de la paroisse de Saint André à Patras. Nommé archevêque latin d’Athènes en juillet dernier, il a été ordonné le 18 septembre. BH
I.MEDIA
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