Ukraine: Krechiw, 80 novices basiliens à la campagne (190593)

APIC – Reportage

Les forces montantes de l’Eglise grecque-catholique

Maurice Page, Agence APIC

Krechiw/Ukraine, 19mai(APIC) Pour atteindre Krechiw, un petit village à

une vingtaine de kilomètres de Lviv, notre chauffeur doit demander plusieurs fois son chemin. La signalisation est sommaire et la cirulation est

rare sur les routes défoncées d’Ukraine occidentale. A partir du village,

c’est une route de terre poussiéreuse qui nous conduit au monastère St-Nicolas, le but de notre visite.

Quelques vaches paissent librement dans les champs, gardées tantôt par

des enfants, tantôt par un veillard. Des promeneurs assez nombreux profitent du soleil de ce dimanche après-midi. A gauche sur une pente, le cimetière du village aligne ses croix de pierre ou de bois peintes en bleu.

Au bout d’une longue allée se dessine bientôt le portail du monastère

flanqué d’échafaudages qui indiquent que comme partout en Ukraine on

s’affaire à la reconstruction. Tapis au fonds d’un vallon boisé le

monastère semble hors du temps, hors du monde. Rien de prime abord ne

laisse deviner que ces murs abritent une communauté de quelque 80 jeunes

religieux basiliens âgés de 17 à 25 ans. Comme ailleurs l’église a été le

premier bâtiment restauré. Ses coupoles argentées brillent à nouveau au

soleil de printemps. Sur un banc au pied d’une statue de la Vierge, deux

femmes et un jeune homme discutent.

Depuis sa restitution, le monastère est devenu le postulat et le

noviciat des basiliens, une des principales congrégation masculine de

l’Eglise grecque-catholique. Les jeunes accomplissent ici deux ans de

formation. Après un an de postulat – au terme duquel ils prennent leur nom

et leur habit religieux – puis un an de noviciat, ils rejoignent la maison

mère à Lviv pour se consacrer à l’apostolat notamment dans la presse et les

médias, explique le Père Josaphat Vorotniak, un des responsables de la

maison. Ukrainien de Serbie, né en Voïvodine, la cinquantaine épanouïe, le

Père Josaphat nous fait visiter le monastère. Il parle avec précision et

nuance de la situation des Eglises du pays.

La renaissance d’un couvent séculaire

Si la restauration extérieure est terminée, l’intérieur de l’église est

encore en chantier. Les échafaudages cachent à nos yeux les précieuses

fresques du XVIIIe siècle de ce bel édifice surmonté d’une coupole

circulaire. Les murs sont couverts de nombreux graffitis. «L’oeuvre d’enfants handicapés logés dans ces bâtiments aprés l’expulsion des religieux

en 1948, deux ans après la suppression de l’Eglise grecque-catholique par

Staline en 1946″, commente notre guide. Les travaux de restauration sont

financés par le diocèse allemand de Mayence. Au moyen de tentures et de

quelques bouts de tapis le lieu est aménagé pour y célébrer la messe, les

Grecs-catholiques de certains villages avoisinants qui n’ont pas récupéré

leur église y viennent le dimanche. Pour les offices de semaine les religieux ont une autre chapelle où sont conservées deux icônes miraculeuses

vers lesquelles on venait autrefois en pèlerinage.

Avant l’établissement du monastère au XVIIe siècle, des ermites vivaient

déjà dans les grottes des collines avoisinantes. C’est en 1700, un siècle

après le traité de Brest-Litovsk qui fonda l’Eglise uniate que le monastère

de Krechiw rejoint l’Eglise grecque-catholique unie à Rome dont il devint

rapidement un des centres spirituels et culturels importants. Les bâtiments

actuels datent du XVIIIe et du XIXe siècle. En 1991, le gouvernement les a

restitués aux Basiliens, mais n’a pas rendu par contre les autres

propriétés et les terres du monastère. «Nous sommes obligés de racheter des

biens qui nous appartenait autrefois», constate le Père Josaphat. «Nous

avons des ateliers qui s’occupent des rénovations, mais pas d’exploitation

agricole en dehors du jardin et du verger». Les trois tracteurs presque

neufs et les machines parqués dans la cour n’appartiennent pas aux

religieux. Ils sont là uniquement pour les protéger du vol. Evocation

discrète d’une des plaies du pays où seule l’économie parallèle basée le

plus souvent sur le détournement des biens d’Etat permet de subsister.

Un verger, un terrain de football et un jardin

En passant un portail on pénêtre dans le verger en fleurs entièrement

clos par un haut mur en piteux état. «Les gens sont venus se servir des

pierres pour construire leur maison», commente notre interlocuteur. Au fond

on a aménagé un modeste terrain de football pour la détente des novices

dont un petit groupe assis sur les bancs du jardin nous fait un discret salut de la main sans interrompre ses conversations. Un carré de terrain labouré est apprêté pour recevoir les concombres et les tomates, légumes que

l’on retrouve pratiquement à tous les repas en Ukraine. Eléments importants

de la cuisine locale, qui suppléent largement aux pénuries d’autres aliments.

Dans la forêt de l’autre côté du mur, les religieux ont érigé un chemin

de croix qui monte jusqu’au sommet de la colline. «Nous aimerions bien le

sonoriser pour les pélerinages, notamment la fête de St- Nicolas, patron du

monastère, qui attire des milliers de fidèles». Pour cette année, le Père

Josaphat annonce avec fierté la présence du Nonce apostolique. Il attend au

moins 5’000 personnes, bien conscient de lancer un sérieux appel du pied

aux éventuels donateurs occidentaux.

L’horizon du Père Josaphat et des basiliens est loin de se limiter aux

murs du couvent ou aux collines avoisinantes. La Congrégation des basiliens

forme l’aile «romaine» de l’Eglise grecque-catholique d’Ukraine. Elle cultive de nombreux contacts avec les catholiques romains d’Europe occidentale

notamment par l’édition à Lviv d’un bulletin d’information bimestriel en

allemand. Les basiliens, également établis dans plusieurs autres pays d’Europe de l’est, ont déjà largement intégré la pensée et l’enseignement du

Concile Vatican II. Le Père Josaphat sourit: «Et dire que ma soutane m’a

fait parfois passer pour un intégriste dans certains séminaires allemands…» «Une tendance plus orthodoxe et parfois anti-conciliaire existe

aussi dans l’Eglise grecque-catholique,» explique-t-il.

Le curé orthodoxe interdit l’entrée de l’église aux grecs-catholiques

Face au défi de la reconstruction, à l’opposition de l’Etat et de

certains orthodoxes, les tensions internes passent au second plan. Comme

partout en Ukraine, la question de la restitution des églises reste au premier plan. «Avant 1946, l’Ukraine occidentale était presque exclusivement

grecque-catholique, aujourd’hui les autorités, formées d’ex-communistes le

plus souvent athées, ont attribué quelques églises aux orthodoxes de Mgr

Valdimir (patriarcat de Moscou ndlr) et aux autocéphales. Ceci pour éviter

de donner trop de pouvoir aux grecs-catholiques», remarque le Basilien.

Nous venions effectivement de croiser en venant au monastère un groupe célébrant la liturgie en plein-air devant une église. «Le curé orthodoxe interdit l’entrée de l’Eglise aux grecs-catholiques». Pourtant doctrinalement

et liturgiquement grecs-catholiques et orthodoxes sont très proches. «Nous

avons quelques différences dans la pratique des sacrements en particulier

de la réconciliation et de l’Eucharistie.»

Le Père Vorotniak s’éclipse quelques instant. Il revient les bras

chargés du dernier numéro de Forum, la revue des basiliens qu’il distribue

généreusement. La première phrase de l’éditorial dit: «Forum doit servir à

la recherche de la vérité à une meilleure compréhension de la problématique

oecuménique et doit aider nos lecteurs à se faire une image plus précise de

la situation de l’Eglise en Ukraine, en Biélorussie et en Russie.» Mission

accomplie en ce qui nous concerne. (apic/mp)

Des photos de ce reportage sont disponibles auprès de l’agence APIC

webmaster@kath.ch

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