L’Église évangélique d’Allemagne (EKD) et ses vingt Églises régionales sont confrontées à des changements difficilement imaginables par le passé. Annette Kurschus, élue à la présidence du Conseil de l’EKD, au premier tour de scrutin avec une majorité écrasante de 126 voix sur 140, devra gérer, pour les six prochaines années, une tendance probablement irréversible, à laquelle l’Église catholique allemande est d’ailleurs également exposée.
Uniquement l’an dernier, 220’000 personnes ont quitté l’Église protestante. Depuis l’an 2000, elle a perdu plus de cinq millions de membres. D’ici à 2060, elle prévoit encore une diminution de plus de la moitié de ses effectifs. Les recettes de l’impôt ecclésiastique, qui ont abondamment augmenté pendant des années, commencent à diminuer.
L’EKD doit admettre qu’elle ne peut plus prétendre ›lier’ les citoyens, ni les représenter pratiquement au même titre que l’État, ont relevé ses dirigeants. Tout ce qui, dans son organisation et son financement, donne l’impression que l’Église est un système quasi étatique doit être revu et repensé. Le synode a d’ores et déjà adopté un un plan d’austérité qui stipule que l’EKD doit réduire ses dépenses de 17,5 millions d’euros d’ici 2030.
«Notre église est confrontée à un renouveau, dont nous ne devinons probablement tous que timidement l’ampleur et la radicalité «, a déclaré Annette Kurschus qui était déjà vice-présidente du Conseil et qui dirigeait l’Église évangélique de Westphalie.
L’engagement socio-politique de l’EKD pourrait également évoluer. Si les questions des migrations, du respect de la dignité humaine, de la protection du climat et de la défense des défavorisés restent des axes forts pour l’EKD, la nouvelle présidente pourrait mettre un accent plus net sur les aspects spirituels et théologiques. «Nous ne sommes pas ceux qui font la politique», a-t-elle déclaré après son élection. Lorsque nous nous exprimons publiquement en tant que Conseil, nous devons être reconnus comme étant fondés et réfléchis», ce qui est rarement aussi audacieux que certains le souhaiteraient, a-t-elle noté.
Annette Kurschus est appréciée avant tout comme une prédicatrice sensible. Beaucoup ont été impressionnés par son homélie dans la cathédrale de Cologne, en 2015, lors du service funèbre pour les 150 personnes tuées par un pilote suicidaire dans le crash d’un avion de la compagnie Germanwings.
Le deuxième problème majeur qui frappe l’Église protestante reste celui des violences sexuelles. Le scandale des abus sexuels, principalement sur des enfants, dans les institutions ecclésiastiques au cours des décennies écoulées est tout sauf terminé. Beaucoup de victimes ne sont pas du tout satisfaites de la manière dont de nombreux représentants de l’Église traitent ces crimes. Les montants d’indemnisation allant jusqu’à 50’000 euros sont jugés trop faibles. Le choix des experts externes par les Eglises régionales, sans participation suffisante des victimes, est vivement critiqué.
Le processus est devenu une véritable débâcle pour l’évêque luthérienne de Hambourg, Kirsten Fehrs, qui était responsable du sujet au sein de l’EKD jusqu’en 2020, avant d’être remplacée. Le Conseil consultatif des victimes a été temporairement suspendu. Le synode a désigné une nouvelle commission permanente pour reprendre le sujet.
Ce synode 2021 a été marqué aussi par la progression des femmes aux postes de direction de l’Eglise. Trois femmes se trouvent désormais à la tête de l’EKD. Kristen Fehrs, 60 ans, a été élue comme adjointe d’Annette Kurschus, et Anna-Nicole Heinrich, 25 ans, préside depuis mai le parlement de l’Église. Avec huit femmes et sept hommes, le Conseil de l’EKD a dépassé le seuil de la parité des sexes. Ce qui correspond au fait que, depuis longtemps, les femmes sont plus nombreuses à s’engager dans les Eglises protestantes. (cath.ch/ag/mp)
L’Église évangélique d’Allemagne (EKD)
L’Église évangélique d’Allemagne (EKD) est la communauté de 20 Églises régionales protestantes (luthériennes, évangéliques, réformées et unies) de la République fédérale d’Allemagne, qui compte environ 20,2 millions de protestants. Les organes directeurs sont le synode composé de 128 membres, la Conférence des Eglises, regroupant les représentants des Eglises régionales, et le Conseil, qui compte 15 membres.
Les différentes Eglises régionales sont indépendantes, mais l’EKD coordonne une action unifiée. Ses tâches touchent principalement les relations avec les autorités publiques et les Églises partenaires à l’étranger. L’EKD publie régulièrement des mémorandums sur des questions éthiques, sociales, politiques et théologiques. L’EKD est également responsable de la publication de la Bible de Luther et du recueil de cantiques. Son budget pour 2022 se monte à 246,1 millions d’euros. MP
Maurice Page
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