«La visite sur les lieux de vie de Nicolas de Flüe m’a beaucoup touché», a déclaré le cardinal Parolin à l’occasion de la conférence de presse qui avait lieu le matin à Berne. Un pèlerinage privé que le secrétaire d’État du Vatican a réalisé le 7 novembre, en Suisse centrale. Le saint-patron de la Suisse a ainsi fait figure de fil rouge de l’événement diplomatique.
Ignazio Cassis a lui aussi évoqué l’ermite obwaldien du 15e siècle pour rappeler que le dialogue, la médiation et la paix avaient des racines profondes dans la culture suisse.
Des aspects qui caractérisent aussi la politique extérieure du Saint-Siège et qui forment le socle de fructueuses relations entre les deux États, ont relevé les deux chefs de la diplomatie. Ils ont annoncé dans la foulée la signature d’une déclaration conjointe pour la promotion de la paix et des droits humains dans le monde. Si le document n’a pas été rendu public, Ignazio Cassis a révélé qu’il renforçait en particulier l’engagement commun contre la peine de mort, pour la protection des minorités et le soutien aux plateformes de promotion du dialogue, notamment interreligieux.
Le centenaire du lien diplomatique a donc ancré des relations «qui étaient déjà bonnes», a souligné le cardinal. Un lien que les deux États ont entretenu depuis des siècles, a rappelé le chef du Département des Affaires étrangères, principalement lié à la création de la Garde pontificale suisse, au 16e siècle. Un canal diplomatique formellement interrompu en 1873, dans le contexte du Kulturkampf. Ignazio Cassis s’est ainsi réjoui qu’un autre Tessinois, l’ancien conseiller fédéral Giuseppe Motta, ait été à l’origine du renouement, en 1920.
Depuis cent ans +1 (l’anniversaire n’a pas pu avoir lieu en 2020 à cause du Covid) le Vatican et la Suisse sont ainsi liés par des valeurs communes. La visite a permis la mise en place de nouvelles synergies en la matière, ont indiqué les deux chefs de la diplomatie.
Un «signal fort» pour la Suisse, a commenté Ignazio Cassis, alors qu’elle a posé sa candidature pour intégrer le Conseil permanent de Sécurité des Nations unies.
La cohésion renforcée entre les deux États doit aussi être cimentée par l’établissement prévu d’une représentation résidente de la Suisse auprès du Saint-Siège, ainsi que par le soutien de la Confédération à la rénovation de la caserne de la Garde pontificale. La diplomatie suisse au Vatican est pour le moment toujours assurée par le représentant en Slovénie.
Pour la seconde étape de sa journée officielle, le cardinal Parolin et ses hôtes sont allés à la rencontre de l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS), également à Berne. L’occasion de rappeler que l’engagement diplomatique des deux pays est aussi d’ordre interconfessionnel et interreligieux. Le Secrétaire d’État du Vatican a relevé le rôle central de la Suisse, dans ce domaine, en tant que pays emblématique de la Réforme, possédant un contexte bi-confessionnel unique. Il a par ailleurs invité les représentants œcuméniques à participer au processus synodal de l’Église catholique.
Ignazio Cassis est revenu sur le projet d’établissement d’ambassade à Rome et sur la crainte soulevée notamment dans les milieux protestants d’un «glissement confessionnel» en faveur du catholicisme. Il a souligné que l’un des objectifs de la visite du cardinal aux réformés était justement de rassurer ces derniers que la Confédération restait toujours fermement attachée au principe de laïcité.
La rencontre avec les autorités protestantes s’est déroulée dans une ambiance chaleureuse et courtoise. Rita Famos, présidente de l’EERS, a notamment souhaité le plein succès pour la poursuite des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Suisse. Elle a aussi félicité le lancement du processus synodal dans l’Église catholique. «Le dialogue est toujours enrichissant, pour toutes les parties», a-t-elle souligné.
Dans l’après-midi, les participants se sont déplacés vers l’Université de Fribourg, afin d’inaugurer un colloque dédié aux relations diplomatiques entre la Suisse et le Vatican. Dans une Aula Magna où étaient présents de nombreux responsables politiques, académiques et ecclésiastiques, l’historien Lorenzo Planzi a fait un bref exposé de l’histoire des relations diplomatiques entre les deux pays, en insistant sur la rupture de 1873 à 1920. L’auteur d’un ouvrage consacré à ce sujet a décrit le projet d’un ambassadeur résidant à Rome comme «le couronnement» de la reprise des relations.
L’historien a aussi rappelé que le choix de l’Université de Fribourg pour le centenaire des relations n’était pas anodin. Fondée en 1889, l’institution a servi de «pont» entre la Suisse et le Saint-Siège, à une époque où les deux États commençaient à se rapprocher. «L’Université a été un point de rencontre entre la papauté et les jeunes catholiques de Suisse», a relevé Lorenzo Planzi.
Invité à donner le mot de la fin à cette journée, le cardinal Parolin a souligné que la relation entre la Suisse et le Vatican était «historique et profonde». Il rappelé qu’elle avait comme point de départ symbolique le 6 mai 1527. Lors de l’épisode dit du «Sac de Rome», les Gardes suisses s’étaient alors sacrifiés jusqu’au dernier pour défendre le pape Clément VII. Cet acte, dans lequel de jeunes Suisses ont «donné leur sang» pour le pontife, a, selon le Secrétaire d’État du Vatican, rendu «indissoluble» le lien qui unit les deux États. (cath.ch/rz)
Climat: le Vatican assez ambitieux?
Lors de la conférence de presse, cath.ch a interpellé le cardinal Parolin sur l’engagement du Vatican par rapport à la protection de l’environnement et du climat. Il s’agissait notamment de savoir pourquoi le Saint-Siège a annoncé, lors de la COP26, viser la neutralité carbone à l’horizon 2050, alors que d’autres pays, dont la Suisse (2040), ont fixé des dates antérieures. Le cardinal a rappelé que le Saint-Siège était très engagé pour l’environnement, également dans le domaine diplomatique.
Il a cependant assuré ne pas savoir pourquoi cette échéance avait été fixée à 2050, mais a indiqué qu’il demanderait aux personnes responsables s’il est possible d’avancer ce délai. Au-delà, Pietro Parolin a souligné que le Vatican était un très petit émetteur de CO2 et que son engagement principal consistait à promouvoir l’écologie intégrale dans le monde, notamment à travers l’éducation. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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