Christophe Herinckx et Albert Guigui,Dimanche
Aujourd’hui, il existe une mentalité naturaliste, qui tend à réduire la mort à son seul aspect biologique. «Or, la mort concerne notre manière de vivre, la façon de vivre la mort d’autrui, le rapport à notre propre mort.», précise Olivier Riaudel, théologien à l’UCLouvain. Par rapport à ces différents aspects, la théologie chrétienne lie la question de la mort au péché. Dans l’épître aux Romains, Paul écrit: «Le péché est entré dans le monde à cause d’un seul homme, Adam, et le péché a amené la mort.» (Rm 5,12).
Pour accompagner le mourant, les rites principaux sont le sacrement des malades, dans lequel on oint la personne, et la communion comme «viatique». Il s’agit «de donner la nourriture à quelqu’un qui doit faire un passage important, essentiel, définitif dans sa vie», comme le décrit le théologien. La personne peut également recevoir le sacrement de réconciliation.
Une autre dimension tend malheureusement à disparaître dans nos sociétés: l’accompagnement, qui existait dans toutes les cultures anciennes, chrétiennes, européennes. Pour la personne en toute fin de vie, pour autant qu’elle est consciente, il y a des moments de révolte, d’acceptation, de réconciliation. Pour Olivier Riaudel, «c’est une réalité humaine à laquelle on peut donner une orientation chrétienne».
Après le décès, il y avait, traditionnellement, les rituels autour de la mise en bière du défunt, accompagnés de prières. Or, «cela se passe de moins en moins souvent, ce qui est dommage». Ensuite, il y a la cérémonie des funérailles proprement dites, à l’église, accompagnée parfois de la célébration d’une eucharistie. Les obsèques se terminent par le rituel des absoutes, qui est la dernière prière d’absolution pour le défunt. Avant celle-ci, il y a le rite d’aspersion d’eau bénite sur le cercueil, qui rappelle le baptême, «le fait que la personne qui est décédée a été plongée dans la mort et la résurrection de Jésus». On rappelle que ses fautes ont été pardonnées, puisque, par le baptême, il est venu à une vie nouvelle. Il y a ensuite ce très beau geste de l’encensement du corps du défunt. La cérémonie se termine par les dernières prières au cimetière, avant l’enterrement.
Par la suite, des pratiques de prière régulière pour les défunts sont prévues: des messes anniversaires, des célébrations comme celle du 2 novembre. «C’est une manière de dire que les morts font partie de nos vies, que la mort elle-même fait partie de nos vies.»
Christophe HERINCKX
Le Coran a une approche très naturaliste de la mort, précise d’emblée Olivier Riaudel. Dans de nombreux passages, le Coran indique que, à l’instar des autres vivants, l’être humain naît, meurt et retourne à la poussière. C’est dans l’ordre des choses. On souligne également le lien de la mort avec la rétribution, bonne ou mauvaise, en fonction des actions qui auront été posées par l’être humain au cours de sa vie.
Le Coran insiste également sur l’heure de la mort, qui concerne aussi bien les individus que les peuples. Chaque être vivant a son terme qui est échu, et on ne peut rien y changer.
A partir de là, toute une morale a été développée en islam: «il faut se préparer à mourir demain, et vivre chaque jour comme s’il était le dernier», explique Michaël Privot, islamologue à l’Université de Liège. D’où l’importance de poser de bonnes actions, afin que notre «balance» soit favorable, qu’on puisse avoir accès aux délices du jardin et s’éviter les tourments de l’enfer.
On pratique tout d’abord les «grandes ablutions» sur le corps du défunt. Il s’agit d’un lavage complet du corps, pour le mettre en état de pureté rituelle. Ensuite, on entoure le corps du linceul, et normalement, si on est dans un pays où c’est autorisé, on met la personne directement en terre dans son linceul. Sinon, on place le corps dans un cercueil.
L’enterrement a lieu dans les 24 heures suivant le décès. Juste avant, on dira la prière aux morts. Ce n’est pas obligatoire, mais si un imam est présent, il peut prononcer une petite homélie au moment de la mise en terre du défunt, avant que la famille puisse participer au recouvrement de la dépouille.
Après le décès, il est conseillé aux personnes d’aller régulièrement au cimetière, pour deux raisons: d’abord, pour visiter la tombe des défunts, et faire des prières pour eux, pour les accompagner dans l’au-delà. Ensuite, ces visites favorisent la réflexion sur le sens de la vie, de ses actions. Le but est toujours la réforme de soi.
La période de deuil compte quarante jours, pendant lesquels il est interdit au conjoint restant de se remarier. En fonction des aires culturelles, des pratiques peuvent être ajoutées, telles un repas à la fin du deuil. «Ce qui est très important, termine Michaël Privot, c’est la solidarité de la famille et de la communauté à l’endroit des proches du défunt.» On ne laisse pas les personnes seules, on les entoure, on fait la cuisine pour elles, etc.
Christophe HERINCKX
Avant de parvenir au but ultime, l’âme du défunt, souillée par les fautes terrestres, doit être «nettoyée». D’où un temps nécessaire de purification. Dans la croyance juive, l’âme quitte le corps lors de la mort, mais elle demeure en relation avec celui-ci pendant les douze premiers mois, allant et venant jusqu’à la décomposition corporelle.
Inspiré du livre de Samuel, le deuil est assez strict et comprend trois étapes. La première, la chiv’a, correspond aux sept premiers jours. Pendant cette période, les sept proches parents – père, mère, fils et fille, frère et sœur, époux(se) – doivent s’abstenir de participer à toute mondanité communautaire, sociale ou individuelle.
Les hommes ne se rasent pas, ne travaillent pas non plus et s’abstiennent de toute nourriture carnée. Dans la chambre mortuaire, on allume des bougies ou des veilleuses à l’huile. La semaine écoulée, chacun peut vaquer à ses occupations et reprendre le travail. Ensuite, viennent les chlochim (trente jours après le décès) auxquels il faut encore ajouter onze mois de «retraite mondaine». Ce deuil dégressif permet à la fois une libération progressive des souffrances et une réinsertion graduelle dans la vie sociale.
Chaque communauté juive compte une «société des derniers devoirs», composée de dix-huit membres. Les hommes se relaient pour assister l’agonisant dans ses derniers moments, l’inviter à se repentir et à se confesser. Les femmes participent également aux activités mortuaires et rendent les derniers devoirs aux femmes décédées. Comme le corps d’un mort ne doit jamais être laissé seul, il est veillé sans cesse tandis que les membres de la congrégation récitent des psaumes, lisent des textes bibliques et rabbiniques qui traitent notamment de la maladie et de la mort.
Toute la cérémonie se déroule au cimetière, car le cadavre est source d’impureté et de ce fait ne peut entrer à la synagogue. Cependant, il mérite le plus grand respect car il a été habité par le souffle de Dieu. Le corps est mis en terre, parce qu’il vient de la terre et doit retourner à sa source. D’où l’interdiction de la crémation dans le judaïsme. L’inhumation se fait dans un linceul et ce pour éviter la discrimination sociale. Après l’enterrement, le fils aîné, ou le plus proche parent, récite le kaddich, une prière de louange à Dieu sur la résurrection des morts et la vie éternelle.
Les juifs ne fleurissent pas les tombes mais déposent une petite pierre en souvenir du défunt. Au lieu d’abîmer la nature, les croyants sont invités à planter des arbres en mémoire du défunt.
Albert GUIGUI, Grand Rabbin de Bruxelles
(cath.ch/cathobel/rz)
Rédaction
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