Le cardinal Eugène Tisserant, déclaré «Juste parmi les nations»

Trois Français ont été honorés du titre de «Juste parmi les nations»: le cardinal Eugène Tisserant, le recteur de Saint-Louis-des-Français, Mgr André Bouquin, et le diplomate François de Vial.

Ce titre, décerné par le mémorial Yad Vashem à Jérusalem, distingue les hommes et femmes qui, au péril de leur vie, ont sauvé des juifs durant la Seconde guerre mondiale. L’information a été révélée par l’hebdomadaire Le Point.

Issu d’une famille bourgeoise de Lorraine, fin connaisseur de langues anciennes et exégète, Eugène Tisserant est appelé à Rome en 1930 par le pape Pie XI qui lui confie l’organisation de la Bibliothèque vaticane. C’est le début d’une longue carrière au service du Saint-Siège. Créé cardinal en 1936, le Français devient secrétaire de la Congrégation pour les Églises orientales jusqu’en 1959. Il remplira par la suite d’autres fonctions au sein de la curie romaine. Personnalité au caractère affirmé, connu pour sa grande liberté de parole et de pensée, le cardinal français meurt en 1972.

Protection des juifs

C’est pour son rôle dans la protection des juifs lors de l’occupation de Rome par les Allemands qu’il est honoré par Yad Vashem. Dans les années 1930 déjà, le cardinal Tisserant a aidé un certain nombre de personnes en les cachant, en les employant à la Bibliothèque vaticane -quand elles étaient privées de leur poste par l’État fasciste-, ou en facilitant l’obtention de visas pour qu’elles puissent aller se réfugier aux États-Unis, a expliqué à Vatican News son biographe, l’historien Etienne Fouilloux.

Il a lui-même une attitude de résistant. Il ne s’est en effet jamais rallié au maréchal Pétain. À Rome, il est considéré comme un opposant. Publiquement, il ne s’exprime pas beaucoup, parce qu’il est soumis à un devoir de réserve, mais, dans les milieux de la France Libre, tout le monde sait qu’à Rome, on peut compter sur lui.

Sauvetage d’un juif de 17 ans

Le cardinal Tisserant et Mgr André Bouquin, recteur de Saint-Louis-des-Français,à Rome, ont entre autres sauvé Miron Lerner en 1944-45. Alors âgé de 17 ans, orphelin, et séparé de sa sœur déportée à Auschwitz, le jeune Lerner se retrouve à Rome, seul et démuni. Alors qu’il est sur le point d’être capturé, il est mis en relation avec le prélat par un capucin, le Père Didier. «Le cardinal Tisserant a écouté mon récit avec sérieux et bonté», racontera-t-il lui-même en 1998. «D’emblée, je lui ai dit que j’étais juif, et sa réponse sonne encore dans mes oreilles: «Aucune importance. Que puis-je faire pour vous?» Le jeune homme est alors confié au diplomate François De Vial qui le cache quelques jours dans sa maison. Le cardinal le conduit ensuite au Vatican, couché au fond de sa voiture, au nez et à la barbe des Allemands. «Je suis resté caché dans un petit couvent, au Vatican même, durant un mois». Le cardinal Tisserant le confiera ensuite au recteur de Saint-Louis-des-Français.

Dans leurs efforts de protection des juifs pourchassés, Eugène Tisserant et Mgr Bourquin peuvent compter sur l’appui de François de Vial, attaché à l’ambassade de France auprès du Saint-Siège à Rome de 1940 à 1944. Il est le seul membre de l’ambassade autorisé à circuler dans Rome, l’ambassadeur Léon Bérard et son conseiller Georges de Blesson étant reclus au Vatican. Il fait partie du Mouvement de Résistance interallié, créé en 1942, regroupant des Anglais, des Suisses, des Français, des membres du Vatican et des religieux Français, Italiens et dont le but est de sauver de la Gestapo et de la police fasciste des prisonniers évadés et des pilotes américains et anglais abattus lors des combats aux dessus de l’Italie. (cath.ch/ag/mp)

Maurice Page

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