Une tentation en fait vieille comme le monde, à laquelle nous avons au moins tous cédé une fois dans notre vie, probablement dans l’enfance. Elle nous a servi à diluer notre responsabilité lorsque nous nous sommes fait prendre en train de chiper du chocolat. «Untel en a pris plus que moi!», s’est-on entendu dire.
Un système de défense donc un peu puéril, mais qui fonctionne encore très bien dans la société dite adulte.
Il peut aussi se décliner sur le mode: «J’ai fait cela à cause de la mauvaise influence d’untel». C’est un peu à cette sorte d’exercice que s’est livré en avril 2019 Benoît XVI. Dans un long texte, le pape émérite donnait son diagnostic et ses remèdes au fléau des abus sexuels. Il pointait du doigt notamment la société des années 1960 à 1980, où en seulement deux décennies «les standards normatifs précédents au sujet de la sexualité se sont entièrement effondrés». Après 1968, est ainsi apparue une «libération sexuelle tous azimuts, à laquelle on ne pouvait plus appliquer aucune norme». Un coupable donc à trouver en «élargissant le regard».
«La propension reste malgré tout à voir les causes du mal à l’extérieur de soi»
Le rapport délivré par la CIASE le 5 octobre dernier ne vient cependant pas étayer les thèses du pape allemand. Les conclusions de l’enquête indiquent que sur les près de 3’000 victimes qui se sont manifestées auprès de la commission, 50% affirment avoir été agressées sexuellement dans les années 1950 et 1960.
Et seulement 18% dans les années 1970, où l’ordre moral occidental était en plein bouleversement. Beaucoup d’éléments montrent en outre que des abus sexuels se sont produits en milieu ecclésial encore bien avant la seconde moitié du XXe siècle, où la question de la libération sexuelle n’était même pas posée. Difficile donc d’attribuer à Mai 68 toutes les vicissitudes de l’Eglise.
La propension reste malgré tout à voir les causes du mal à l’extérieur de soi. Les abus sexuels sont ils ainsi le fruit d’une frénésie sexuelle de prêtres perméables au «déclin moral» de l’Occident, ou la conséquence d’une Eglise trop occupée à maintenir son pouvoir et qui en a oublié le sens de sa mission première ? Force est de constater que les dernières études vont dans le sens de la seconde hypothèse. Et même si aujourd’hui, l’Eglise, en tout cas dans nos contrées, a dépassé un grand nombre de ces attitudes, et que le clergé actuel est dans sa très grande majorité irréprochable, elle ne pourra éviter de faire le procès de son propre passé.
Afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs et d’extirper cette poutre en son œil ; qui lui fait bien mal.
Raphaël Zbinden
14 octobre 2021
Portail catholique suisse
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