Dimanche dernier, au moins treize épisodes de violence et de menaces ont été perpétrés à l’encontre de communautés chrétiennes dans les états de Uttarakhand, Haryana, Uttar Pradesh, Chhattisgarh et Madhya Pradesh et à New Delhi, capitale du pays. C’est ce que dénombre l’Agence Fides, d’après la Commission pour la liberté religieuse de l’Evangelical Fellowship of India (EFI), une organisation qui regroupe des communautés et des dénominations de groupes chrétiens évangéliques.
«La violence qui sévit dans 13 endroits des États du nord de l’Inde n’est ni aléatoire ni le fait d’éléments isolés. Ils constituent un travail systématiquement orchestré et synchronisé pour intimider la communauté chrétienne, en particulier contre les petites communautés vulnérables et isolées, dans des États indiens connus pour ces violences ciblées», déclare à l’Agence Fides l’écrivain et journaliste catholique John Dayal, ancien président de la All India Catholic Union, en commentant cette «journée noire» du 3 octobre 2021.
«Les violences font suite aux menaces exprimées publiquement par des éléments de groupes extrémistes, tels que le Sangh Parivar, qui appellent à priver les communautés chrétiennes et musulmanes indiennes de leurs droits de citoyenneté», note John Dayal.
«La situation est préoccupante car des autorités politiques de haut niveau, telles que des ministres fédéraux et d’État, membres du Bharatiya Janata Party (BJP) au pouvoir, incitent ouvertement à la violence et apprennent aux gens à considérer les agriculteurs, les adivasis (tribus), les dalits et les minorités religieuses comme des ennemis de l’État. Il s’agit d’une situation alarmante qui menace l’État de droit, la démocratie, la liberté d’expression et la liberté de religion et de croyance», avertit le journaliste.
«La politique en Inde a connu un déclin général. Nos politiciens prononcent des mots et des phrases qui blessent les gens ou créent des divisions et des discriminations. Je pense qu’il est du devoir et de la responsabilité des élus d’administrer le gouvernement du pays, de donner la priorité à l’harmonie nationale et de prononcer des mots qui unissent plutôt que de créer la haine dans la société», préconise A.C. Michael, laïc catholique, coordinateur national du United Christian Forum et ancien membre de la Commission des minorités de Delhi.
Au cours des divers incidents de cette «journée noire», en criant des slogans louant le dieu hindou Ram, des foules en colère ont frappé les fidèles rassemblés en prière, détruit des meubles, des photographies et des instruments de musique, et dévasté plusieurs salles de culte, selon des responsables chrétiens.
«Nous condamnons sans équivoque les attaques déplorables contre les églises et les chrétiens. Les membres du Sangh Parivar (groupe extrémiste hindou) responsables de ces actions criminelles, doivent être immédiatement traduits en justice et recevoir une punition appropriée, afin qu’ils cessent de se livrer à des activités violentes et anticonstitutionnelles», déclare à l’Agence Fides le Père jésuite Cedric Prakash.
«Personne n’a le droit d’utiliser la loi à sa guise. De plus, selon la Constitution, chaque citoyen a le droit fondamental de prêcher librement la religion de son choix», explique le jésuite, promoteur des droits de l’homme et de la liberté religieuse. Le prêtre note que dans les régions du nord de l’Inde, «la violence augmente: les victimes sont toujours des minorités religieuses et des communautés marginalisées, comme les agriculteurs et les Dalits».
Le laïc catholique A. C. Michael revient sur l’épisode de Roorkee, dans l’Uttarakhand, où environ 500 extrémistes ont fait irruption dans une salle où 15 fidèles s’étaient réunis pour la prière dominicale, attaquant et blessant des chrétiens, dont l’un se trouve à l’hôpital dans un état critique. «C’est le résultat des déclarations irresponsables de certains individus et groupes politiques et sociaux qui incitent à la haine religieuse. Il y a des organisations qui semblent fournir des plateformes idéologiques pour la violence», précise-t-il.
«Ces personnes diffusent une propagande infondée et mensongère selon laquelle les chrétiens procèdent à des conversions religieuses par des moyens frauduleux, allégations qui ont été démenties à plusieurs reprises par les tribunaux. Je tiens à souligner qu’à ce jour, aucun tribunal n’a jamais jugé un chrétien coupable de convertir quelqu’un par des moyens frauduleux», conclut Michael.
Les chrétiens en Inde représentent 2,3%, soit 29 millions, sur les quelque 1,3 milliard d’habitants, dont la grande majorité est hindoue. (cath.ch/fides/gr)
La liste envoyée à l’Agence Fides par l’EFI, détaille les violences physiques et psychologiques, avec accusations de conversion, perpétrées le 3 octobre 2021.
1) À Maharajganj, Uttar Pradesh, le pasteur Durgesh Bharti dirigeait une réunion de prière dans la maison d’autres chrétiens du village de Nasirabad. Des fanatiques sont arrivés, ont commencé à les maltraiter et à les menacer. Après un certain temps, ils ont appelé la police. La police est arrivée et a placé le pasteur Durgesh en détention au poste de police de Paniyara.
2) À Jaunpur, dans l’Uttar Pradesh, le pasteur Prem Singh Chauhan a été arrêté: une fausse plainte pour conversion forcée avait été déposée contre lui.
3) Dans le village de Hasanpur Baru, dans le district de Hathras, en Uttar Pradesh, le pasteur Suraj Pal a été informé par le poste de police de Sadabad qu’une plainte pour conversion forcée avait été déposée contre lui. Après un interrogatoire, le pasteur a été libéré, les accusations s’étant révélées infondées.
4) Dans le village de Chak Gordhan, à Bijanaur, également dans l’Uttar Pradesh, le pasteur Dinesh a été arrêté lorsqu’il rentrait chez lui après avoir conclu une prière dominicale. Les deux policiers lui ont ordonné de se présenter au poste de police local le lendemain.
5) À Maharajganj, toujours dans l’Uttar Pradesh, la réunion de prière du pasteur Shrinivas Prasad a été interrompue par des violences. Alors qu’elle protestait contre cette interruption, une jeune fille chrétienne a également été attaquée et battue.
6) À Azamgarh, dans le même État de l’Uttar Pradesh, le pasteur Nandu Nathaniel et sa femme ont été arrêtés en vertu de la «loi anti-conversion» de l’Uttar Pradesh, sur la base d’une plainte déposée par des personnes vivant à proximité de leur salle de culte.
7) Dans l’État de Chhattisgarh, dans le village de Kusumi, des chrétiens ont été attaqués à deux reprises par des villageois: une fois le matin et une autre fois l’après-midi, selon les informations du " Chhattisgarh Christian Forum». Les villageois sont entrés dans la petite salle servant de chapelle, l’ont détruite et ont battu un garçon de 12 ans qui s’y trouvait.
8) À Bhilai, également dans le Chhattisgarh, le pasteur Santosh Rao a été convoqué au poste de police, où il a été accusé de procéder à une conversion religieuse illégale.
9) À Karnal, dans l’État d’Haryana, une chrétienne et environ 25 à 30 autres croyants ont été attaqués par des membres d’un groupe extrémiste pendant une liturgie dominicale. Ils ont été menacés, battus, mis en fuite et la maison où les chrétiens priaient a été saccagée.
10) À Roorkee, dans l’Uttarakhand, environ 500 extrémistes ont fait irruption dans une salle où 15 fidèles s’étaient réunis pour la prière du dimanche. Des femmes et des hommes ont été attaqués et battus par les extrémistes. Cinq chrétiens ont été blessés et l’un d’entre eux, Rajat Kumar, est dans un état critique.
11) À Jwalapur, dans l’Uttarakhand, des groupes hindous radicaux, également accompagnés de quelques policiers, ont interrompu un service religieux, menaçant les chrétiens présents. Vipin Kumar, pasteur de la communauté, a déclaré que les fidèles ont été effrayés et n’ont pas porté plainte.
12) À Hoshangabad, dans le Madhya Pradesh, des extrémistes ont interrompu le culte d’un groupe de croyants, accusant les chrétiens de convertir les gens au christianisme.
13) Enfin, à Asola Fatehpur Beri, dans la région de la capitale New Delhi, 12 hommes se sont rendus au domicile du pasteur Santosh Dan et l’ont menacé pour avoir proclamé l’Évangile, l’accusant d’essayer de convertir les gens par la tromperie ou des moyens illégaux. Ils lui ont ordonné de ne laisser entrer aucun Hindou dans sa maison, quelle que soit la raison.
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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