Rapport Sauvé: 330'000 victimes, les évêques disent leur «honte»

La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) en France a rendu le 5 octobre 2021 un rapport accablant. Face au chiffre de 330’000 victimes estimées depuis 1950, la Conférence des évêques de France (CEF) a exprimé sa «honte» et sa détermination à faire en sorte qu’un «tel scandale» ne se reproduise pas.

Raphaël Zbinden

Les mots «séisme» ou «déflagration» avaient été utilisés en perspective de la publication du rapport de la Ciase, présidée par Jean-Marc Sauvé et commanditée par la CEF et la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF). Les chiffres présentés le 5 octobre sont effectivement qualifiés «d’accablants» par la presse. Ils sont beaucoup plus élevés que les premières estimations qui en avaient été faites. Jean-Marc Sauvé avait évoqué par le passé environ 10’000 cas d’abus sexuels commis par le clergé.

80% des victimes sont des garçons

En se basant sur un sondage commandé par l’Institut national de la santé et de recherche médicale (INSERM), le rapport estime ainsi que 216’000 personnes ont été victimes d’abus sexuels par des clercs sur une période de 70 ans. En élargissant à l’ensemble des personnes en lien avec l’Église (professeurs de l’enseignement catholique, catéchistes, aumôniers laïcs, etc.), le nombre de victimes s’élèverait à 330’000.

Ces chiffres sont le résultat d’une évaluation réalisée pour le rapport de la CIASE par l’INSERM sur la base d’un sondage réalisé par l’IFOP auprès d’un échantillon représentatif 28’000 personnes.

D’après l’étude, les violences sexuelles commises dans l’Église représenteraient 4% du total des violences de ce type dans la société française.

Apparaît également une différence notable quant au sexe des victimes. Alors que dans l’Église, les abus portent à 80% sur des garçons, dans le reste de la société, 75% des victimes sont des filles.

Plus de la moitié des agressions dans les années 1950

L’Inserm rappelle que la moitié environ des agressions sexuelles sur mineurs se produisent dans le milieu familial. Mais le nombre des victimes mineures dans le milieu clérical apparaît comme deux fois supérieur à d’autres milieux sociaux, telles que les écoles publiques, les colonies de vacances, ou encore le sport.

Dans l’Eglise, la majorité des agressions se sont produites entre 1950 et 1970, 22 % entre 1970 et 1990, et 22 % entre 1990 et 2020. La part des abus dans l’Église par rapport aux abus sexuels commis dans la société sur les mineurs a en outre graduellement baissé. De 8% entre 1950 à 1970, elle est tombée à 2,5 % entre 1970 et 1990, et à 2 % entre 1990 et 2020.

A côté de l’étude de l’Inserm fondée sur sondage, la Ciase a reçu les témoignages de 6’400 victimes, et en a auditionné 243.

Les Eglises catholiques aux États-Unis, en Irlande, en Allemagne, en Australie et aux Pays-Bas ont déjà réalisé ce type d’enquêtes. Au regard de ces résultats, la France aurait ainsi le taux de prêtres abuseurs le moins important, entre 2,5 % et 2,8 %. Il a été placé à 4,4% en Allemagne, 4,8 % aux États-Unis, 7 % en Australie, 7,5 % en Irlande. Chacune de ces études ayant travaillé avec des méthodes différentes, la prudence est de mise sur ces interprétations, note le journal Le Figaro.

Les évêques indignés

Suite à la publication du rapport Sauvé, la CEF qualifie les résultats «d’extrêmement lourds». «Ils montrent une réalité effroyable que nous ne pouvions imaginer», assurent les prélats français dans un communiqué. «Devant tant de vies brisées, souvent détruites, nous avons honte et sommes indignés».

Les évêques redisent leur détermination à mettre en œuvre les orientations et les décisions nécessaires «afin qu’un tel scandale ne puisse se reproduire». Ils encouragent l’ensemble de l’Église catholique en France à prendre connaissance du rapport de la CIASE et à inviter leurs membres à en parler les uns avec les autres.

«C’est là notre devoir moral pour les personnes victimes et leurs proches et aussi pour les générations à venir, déclarent les évêques français: regarder cette terrible réalité pour pouvoir ensemble y faire face et travailler à une Église plus digne de l’humanité et du Christ qu’elle annonce». (cath.ch/ag/rz)

Raphaël Zbinden

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