Par Maurice Page
«L’Église catholique d’aujourd’hui n’est qu’une composante de la société complexe dans laquelle nous vivons. Elle ne prétend pas pouvoir imposer à tous sa vision de la famille et du mariage», admet Mgr Lazzeri dans sa prise de position du 7 septembre 2021.
«Elle ne s’oppose pas au fait que l’État, de manière de plus en plus adéquate, veille également à ce que les unions entre personnes de même sexe bénéficient de la protection juridique appropriée. Cependant, elle ne peut se soustraire à la tâche de faire entendre sa voix sur ce qui lui tient à cœur, c’est-à-dire ce qui, à la lumière de la Parole de Dieu, lui apparaît comme authentiquement humain et inaliénable.»
L’évêque de Lugano s’interroge d’abord sur la notion d’égalité mise en avant par les partisans du mariage pour tous. Selon eux, «le principe, généralement considéré comme acquis, est que la reconnaissance d’une différence entraîne nécessairement une discrimination. Ainsi, continuer à réserver le terme «mariage» à l’union entre un homme et une femme en vue de la génération et de l’éducation des enfants reviendrait à perpétuer une situation d’injustice à l’égard des couples de même sexe.» Ces couples ne peuvent pas en effet aujourd’hui se prévaloir de certaines des prérogatives attachées au lien contracté par deux personnes de sexe différent. Dans un premier temps, il s’agirait donc de reformuler la définition d’un terme conventionnel, afin d’éliminer une inégalité de traitement manifeste entre les ressortissants d’un même État.
Mais pour Mgr Lazzeri, «quel que soit le point de vue adopté, il est clair que nous ne sommes pas en présence d’une demande de simple ajustement linguistique. En effet, chacun peut constater qu’en donnant le statut de mariage civil aux partenariats de même sexe, l’objectif est de reconnaître le droit à la parentalité pour tous les couples.
Le scénario qui se dessine n’est donc pas seulement celui de la possibilité d’adopter, mais aussi de recourir légitimement à des interventions, en dehors du lien conjugal lui-même, qui sont nécessaires pour avoir des enfants dans toute situation d’infertilité.»
C’est précisément sur ce point que la modification législative soumise au vote du peuple suisse soulève des difficultés et appelle une réflexion plus profonde et plus critique, note le prélat. «Une fois que le terme «mariage» aura été adopté pour couvrir à la fois les unions hétérosexuelles et homosexuelles, le débat sur des questions aussi sensibles sera prédéterminé, avec des implications non négligeables pour l’avenir de notre coexistence civile.»
Les conséquences implicites du «mariage civil pour tous», en effet, ne concernent pas seulement ceux qui le contracteront. Elles ouvriront un ensemble de problèmes éthiques, liés au début de la vie et à la dignité de chaque personne, qui n’ont pas encore été élaborés et résolus.
Et Mgr Lazzeri de lancer lance une série d’interrogations: «Que signifie pour un être humain le fait de naître d’un père et d’une mère ou de grandir avec des parents du même sexe, qui ont souhaité ce type d’insertion dans leur vie relationnelle? Que signifie la référence au masculin et au féminin dans la psychologie et la biographie d’un individu? Quelles sont les méthodes de conception auxquelles il faudrait donner accès, non pas dans des cas particuliers, mais en général, pour garantir la possibilité d’avoir des enfants dans le cas des couples mariés de même sexe? Les expériences positives de couples homosexuels individuels qui, pour des raisons différentes, se retrouvent déjà à exercer des fonctions parentales, sont-elles suffisantes pour dissiper tout doute raisonnable quant à l’opportunité d’une réforme aussi radicale de notre ordre familial actuel?
L’absence de réponses sérieuses à ces questions empêche l’Eglise d’être favorable au projet présenté, estime l’évêque de Lugano. «Certes, sa compétence spécifique concerne directement le mariage, célébré pour les fidèles comme le sacrement de l’union d’un homme et d’une femme pour la génération de la vie, le soin et l’éducation des enfants.
Cependant, face aux changements culturels qui affectent les conditions mêmes de la naissance des nouveaux êtres humains, l’Église se sent engagée à appeler chacun à une vigilance responsable, à la nécessité de ne pas se comporter comme des maîtres totalement autonomes et indépendants de leur propre destin et de celui des autres, mais comme des serviteurs humbles et attentifs de l’immense et insaisissable mystère de la vie», conclut Mgr Lazzeri. (cath.ch/com/mp)
Maurice Page
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