Syrie: fondation de la 1ère Faculté de théologie catholique à Damas  

Une Faculté privée de théologie catholique va ouvrir ses portes à la rentrée de l’automne à Damas, une grande première dans ce pays dont la population est très majoritairement musulmane. Erigée par un arrêt présidentiel le 7 mai 2019, la Faculté, qui compte accueillir 90 étudiants dès le 1er octobre, doit être inaugurée officiellement les 21-22 septembre 2021. 

Jacques Berset, de retour de Damas

Cette Faculté intéresse aussi les musulmans, confie à cath.ch Mgr Nicolas Antiba, ancien métropolite de Bosra, Hauran et Jabal-el-Arab, au sud de la Syrie, et actuel vicaire patriarcal grec-catholique melkite, qui nous reçoit au Patriarcat de Damas. Ce religieux de l’Ordre Basilien Alépin, spécialiste de l’Ecriture Sainte, relève que «nombre de musulmans veulent fréquenter nos cours de religion pour acquérir un peu d’éthique dans leur vie !»

Le Père Youssef Lajin, doyen de la nouvelle Faculté de théologie de Damas (à droite) avec son adjoint | © Jacques Berset

La nouvelle Faculté de théologie est logée dans l’enceinte du Patriarcat grec-catholique, dans le quartier de Bab Charki, dans les locaux de l’ancienne école patriarcale. Cette école prestigieuse, qui avait été nationalisée en 1967, a été restituée en 1988, « à condition que ce ne soit plus une école ». Le Patriarcat en a fait un Institut Théologique.

Le projet de Faculté de théologie du diocèse patriarcal de Damas date de 2002.Il est soutenu par le patriarche Joseph Absi, qui fut directeur de l’Institut Théologique et est désormais recteur de cette nouvelle Faculté, dont le doyen est l’archimandrite Youssef Lajin. «Cette Faculté, la première de notre Eglise au Moyen-Orient, (à l’exception du Liban, ndlr) est destinée à des jeunes très attachés à leur Eglise. Tous les étudiants et toutes les étudiantes viennent d’un milieu religieux, soit orthodoxe soit catholique : il y a des chaldéens, des arméniens et des syriaques. Ils trouvent dans cette Faculté la possibilité d’enrichir leurs connaissances religieuses; ils peuvent en profiter pour se qualifier afin d’enseigner dans les écoles, ou bien pour trouver un job avec de bonnes conditions », assure le Père Lajin.

Soutien du cardinal Mario Zenari, nonce apostolique en Syrie

La nouvelle Faculté de théologie, qui bénéficie du soutien du cardinal Mario Zenari, nonce apostolique en Syrie, offre 5 années  de cours (dogmatique, patristique, sacrements, histoire de l’Eglise, pastorale, enseignement social de l’Eglise, théologie morale etc…), qui se concluront par une licence d’enseignement en théologie. Cette licence sera reconnue par l’Etat, avec tous les droits que confèrent toutes les Facultés et Universités syriennes. La Faculté emploie 25 professeurs et maîtres de conférences, docteurs ou licenciés en théologie ou philosophie, en langues et autres matières au programme de cette institution.

Mgr Nicolas Antiba, vicaire patriarcal de l’Eglise grecque-catholique melkite à Damas | © Jacques Berset

«Le but de cette Faculté est de servir des personnes avides de connaître leur religion, de se préparer à être instituteurs dans les écoles qui ont été étatisées en 1967. Elle a en même temps un objectif culturel et pastoral : c’est aussi une éducation sociale, dans un pays où les chrétiens sont une minorité, où ils sont parfois opprimés, une éducation à accepter l’autre dans sa diversité, pour savoir comment vivre en paix avec des citoyens de différentes religions».

Elle veut également être au service de l’Eglise et offrir une préparation aux études théologiques pour les séminaristes syriens: ils pourront désormais poursuivre leurs études philosophiques et théologiques sur place. Des matières nécessaires pour la pastorale et la prêtrise seront ajoutées pour compléter les normes exigées pour leur éducation sacerdotale.

Avec la crise, l’autofinancement n’est plus possible

L’autofinancement de la Faculté, qui était en grande partie envisageable avant la crise, notamment avec l’aide du patriarche, n’est plus possible. Avec l’inflation galopante, la sévère crise économique après onze ans de conflits, les sanctions économiques et l’embargo international  (voir ci-dessous) qui pèsent sur la Syrie, le budget et les dépenses de lancement, de restauration et modernisation de la bâtisse de la Faculté ne peuvent être couverts localement. Et ceci même si le Patriarcat assure le tiers des dépenses – notamment l’eau, l’électricité et les services. L’Œuvre d’Orient a déjà notamment financé le serveur et des ordinateurs pour un montant de 40’000 dollars.

Mais pour la restauration et modernisation de la bâtisse de trois étages et datant de 1955, le coût estimé est entre 100 et 150’000 euros. Il faudrait également trouver les fonds pour l’avenir, car dans la situation actuelle la restriction du courant électrique ne permet pas plus de 8 heures d’électricité par jour, ce qui nécessite un générateur pour les 16 autres heures. Il faut de plus fournir le pétrole pour le générateur…

La Faculté a de plus besoin de 70’000 euros pour le bon fonctionnement de l’année académique 2021-2022. Elle compte solliciter diverses œuvres d’entraide internationales, comme la fondation pontificale « Aide à l’Eglise en Détresse », relève l’archimandrite Youssef Lajin, doyen de la nouvelle Faculté.

Le peuple syrien écrasé par les sanctions internationales

«A l’état de crise dans lequel nous vivons depuis 2011, et plus encore que l’embargo qui enchaîne notre pays, s’ajoute la loi «César» (Caesar Syria Civilian Protection Act), imposée par les Etats-Unis en juin 2020,  qui nous a comblés de sanctions complémentaires, sous prétexte d’agenouiller le régime», déplore l’archimandrite Youssef Lajin, à Damas.

Quartier de Bab Charki, dans la vieille ville de Damas | © Jacques Berset

Le doyen de la nouvelle Faculté de théologie catholique de Syrie confie à cath.ch que le «Caesar Act» a affecté toute la population, et «a soumis notre existence à des difficultés ahurissantes. D’un coup l’inflation de la monnaie nationale syrienne a fait passer le coût d’un dollar US de 2’000 livres syriennes (SYP) à 5’000 SYP. Peu à peu cette inflation s’est établie à 3’500 SYP, mais la cherté de vie, soit la nourriture soit toute autre nécessité d’existence, a fait tripler les prix et même quelques articles ont quintuplé. Le prix des médicaments a été multiplié par sept et quelques médicaments sont même dix fois plus chers !»

Les honoraires et salaires au contraire n’ont pas augmenté en proportion adéquate: un curé de paroisse, un instituteur ou un administrateur quelconque touchent environ 150’000 SYP, environ 50 euros par mois, d’autres employés des services publics ne recevraient que 25 à 30 euros. «On se demande comment un père de famille avec sa femme et ses 4 ou 5 enfants font pour pouvoir survivre et payer les frais de scolarité ou d’université. A cela s’ajoute la cupidité de certains commerçants qui veulent faire des gains non contrôlés et démesurés. Ainsi se forment deux couches dans la population: 20% vivent à l’aise aux dépends des 80% qui vivent dans la misère sous la ligne rouge de la pauvreté».

C’est ce qui a incité un groupe autour du Père Lajin, à Damas, à lancer une action d’aide dès juin 2020. Cette action d’aide «pour survivre» a commencé par un secours mensuel destiné à 50 familles besogneuses, puis le nombre a fortement augmenté. En août 2021, la distribution concerne 300 familles, avec les frais de scolarité pour la prochaine rentrée scolaire. Les bienfaiteurs qui aident à assurer cette action sont des amis locaux – c’est un petit nombre, reconnaît le Père Lajin -, et des associations de solidarité de divers pays étrangers, surtout suisses, allemandes et canadiennes. (cath.ch/jb)

Jacques Berset

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