Lorsqu’il pénètre dans la salle d’audience sur les coups de 9h17, un silence gêné s’installe. Curieux, les journalistes regardent le cardinal Becciu prendre place, une croix de clergyman au cou. C’est la première fois qu’il assiste à un procès et tient à le faire savoir en se retournant vers les quelques journalistes présents: «Avez-vous déjà assisté à une audience de procès?… Moi non».
Avec Mgr Mauro Carlino, son ancien secrétaire, le haut prélat est la seule des dix personnes citées à comparaître à être présent. À l’exception de Gianluigi Torzi, les autres personnes convoquées n’ont d’ailleurs pas justifié leur absence. Le financier italien, accusé d’extorsion, a pour sa part fait valoir par son avocat qu’il était assigné à résidence en Angleterre suite à un mandat émis par la justice italienne.
Par la suite, les juges ont laissé aux avocats de la défense le soin de s’exprimer sur tous les vices de procédures et manquements qu’ils ont observés dans le rapport du Promoteur de justice, Gian Piero Milano. Par exemple, l’avocat d’Enrico Crasso a affirmé que le Vatican n’avait pas communiqué certains documents et enregistrements obtenus lors des perquisitions menées pendant l’enquête, et, comme plusieurs de ses collègues, a demandé un renvoi.
Les avocats ont de plus largement mis en cause certaines procédures et méthodes propres à la justice vaticane, notamment l’utilisation a posteriori de rescrits du pape François pour pouvoir opérer. La façon dont a été mené l’interrogatoire de Mgr Alberto Perlasca, l’ancien secrétaire du cardinal Becciu – qui n’est pas cité dans le procès malgré son implication certaine dans plusieurs pans de l’affaire – a suscité plusieurs interrogations.
Autre point épineux soulevé par les avocats: l’inculpation de Cecilia Marogna, la conseillère en diplomatie informelle employée par le cardinal Becciu, pourrait poser problème. Cette dernière est en effet soumise au secret défense sur certaines questions dans le cadre de sa collaboration avec les services secrets italiens.
«Il ne peut y avoir aucun doute sur la façon dont nous nous sommes comportés, nous n’avons torturé personne», a ironisé Alessandro Diddi, procureur adjoint de l’enquête. Présente, l’avocate de l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA) – qui s’est portée partie civile comme la Secrétairerie d’État – a pour sa part rappelé les pleins droits du pape à modifier la loi du Vatican. Plusieurs avocats ont mis en cause la participation de la «banque publique» du Saint-Siège au procès.
Les critiques s’accumulant, le président du tribunal du Vatican, Giuseppe Pignatone, a délibéré avec les autres juges pendant un quart d’heure puis rendu son verdict. Considérant nombre des demandes de la défense légitimes, il a ordonné au Promoteur de justice de mettre à la disposition des avocats des documents manquants au dossier. Il a aussi révoqué un mandat d’arrêt visant Raffaele Mincione, le banquier italo-britannique au cœur de l’affaire financière. Et, bouleversant le calendrier qui prévoyait une audience le 28 juillet 2021, il a renvoyé le procès au 5 octobre à 9h30.
Après l’audience, le cardinal Becciu a réservé quelques mots aux journalistes, les premiers après des mois de silence. «J’ai toujours été obéissant au pape, a-t-il clamé, […] il m’a confié de nombreuses missions dans ma vie, il a voulu que je vienne au procès et je viens au procès». Et, comme le Sarde l’avait déjà exprimé par son avocat, il a affirmé sa confiance dans le fait que les juges «sauront voir correctement les faits». «Ma grande espérance et certitude est qu’ils reconnaissent mon innocence».
Le haut prélat a également confirmé qu’il avait donné mandat à ses avocats pour poursuivre deux de ses anciens collaborateurs pour les «graves allégations qu’ils ont faites à (s)on sujet et qui sont apparues dans les document du procès». Le premier est Mgr Alberto Perlasca, qui semble, au regard du rapport, être le principal témoin dont dispose le Promoteur de justice au sein de la Secrétairerie d’État. Le second est Francesca Immacolata Chaouqi, une ancienne employée du Vatican qui avait déjà été impliquée dans l’affaire Vatileaks en 2015. (cath.ch/imedia/cg/cd/bh)
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