Malgré son excellent français, un léger accent trahit les origines de Frère Emmanuel. Le grand jeune homme souriant, à la coupe rasée et aux lunettes rondes, repense parfois à la campagne lucernoise dans laquelle il est né. De là vient peut-être son goût pour la simplicité et la tranquillité. Des aspects qu’il a pleinement retrouvés à l’Abbaye cistercienne d’Hauterive, et qui l’ont notamment convaincu d’en faire son lieu de vie, il y a près de 15 ans.
Le 3 juillet 2021, sa vocation religieuse a pris un tournant, lorsqu’il a accédé, au sein de l’Abbaye, à la prêtrise. Une ordination qu’il décrit comme émouvante, tout en étant paisible. «Je me sentais calme, entouré de tous côtés par la bienveillance», assure-t-il. Frère Emmanuel est heureux que sa famille et ses proches aient pu venir pour l’occasion. Avec toute la communauté, l’ordination a pu être célébrée en nombre plus important, grâce au récent assouplissement des mesures sanitaires. Malgré cela, l’événement s’est déroulé dans la discrétion, pour éviter un trop grand afflux de participants.
Frère Emmanuel est conscient que ce nouveau statut de prêtre ne va pas radicalement changer son quotidien. Dans un monastère, le travail des prêtres diffère en effet passablement de celui des diocésains. Il s’agira principalement pour lui de célébrer l’eucharistie et d’administrer les sacrements au sein de l’Abbaye.
Au-delà, il admet que cette nouvelle mission donne «une couleur différente» à sa vocation religieuse. «Je me réjouis d’être à présent davantage au service de la croissance des autres», précise-t-il.
«Croissance», un mot qui résonne de façon particulière en lui. C’est en effet de façon lente et progressive, à la manière d’un arbre, que sa foi a grandi, ensemencée par les rencontres, les lectures, les questionnements, la contemplation…
Frère Emmanuel, dont le prénom de naissance est Pascal, est né dans le village de Malters, près de Lucerne, dans une famille croyante bien que pas très pratiquante. Sa mère, principalement, lui transmet les fondements de la foi.
«Maintenant que je donne la communion, je perçois différemment le sacrement de l’Eucharistie»
Mais, dès le début de l’adolescence, alors qu’il part vivre dans la banlieue de Berne, d’autres choses lui apparaissent soudain «plus importantes». Jusqu’à ce qu’à 14 ou 15 ans, il se retrouve à nouveau taraudé par les questions existentielles. «J’ai tenté de trouver des réponses, également ailleurs que dans la religion chrétienne», admet-il.
Finalement, il renoue petit à petit avec la foi de son enfance.
Une fois adulte, son appétit de croître en esprit le fait se tourner vers la Garde Suisse Pontificale. «Je me suis longtemps demandé pourquoi, pour qui, je m’engageais dans ma vie. À la Garde Suisse j’espérais trouver des réponses et approfondir ma foi.»
A Rome, une rencontre va être décisive sur le chemin de sa vocation: Mgr Alain de Raemy, alors chapelain de la Garde et actuel évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), constituera une aide précieuse pour son discernement et sa conviction d’être dans la juste voie.
Deux ans au service du pape qui auront «clarifié» son ciel intérieur. A son retour en Suisse, il cherche activement une communauté où il pourrait au mieux consacrer sa vie au Christ. Il a son coup de cœur en voyant pour la première fois l’Abbaye fribourgeoise qui s’étend sur les berges de la Sarine. Le lieu l’attire au premier abord. «J’ai tout de suite aimé ce cadre naturel. Il y a ici une beauté, une tranquillité, une sérénité très particulières. Je pense que les moines cisterciens ne choisissaient pas les lieux d’édification de leurs abbayes par hasard».
L’ordre cistercien, avec son insistance sur la contemplation, a certes toujours plu à Pascal Emmenegger. Mais Hauterive l’a vraiment capté dans sa spécificité. «Chaque monastère est différent. Ici, au-delà de la magnificence de l’endroit, j’ai découvert une communauté spécialement bienveillante et soudée».
Il intègre donc l’Abbaye en 2007 et parcourt les étapes de la vie religieuse, prononçant ses vœux en 2013. C’est avec le Père-Abbé de l’époque, Dom Mauro Lepori, qu’il recherche son nom en religion. C’est alors le temps de l’Avent, et la grâce de Noël commence à poindre dans les esprits. Tout naturellement, s’impose «Emmanuel».
«Je pense que ce nom me va bien. Comme il signifie ‘Dieu avec nous’ en hébreu, il exprime mon intime conviction que l’on peut ressentir sa présence dans notre vie quotidienne. Encore mieux lorsque nous sommes une communauté unie pour Le louer.»
Le Lucernois d’origine trouve donc derrière ces blocs de molasse tout ce qui peut servir à faire fructifier sa vie intérieure. Son récent sacerdoce est un «engrais» supplémentaire pour la floraison de sa foi. «Maintenant que je donne la communion, je perçois différemment le sacrement de l’Eucharistie. Je ressens clairement à quel point cela me fait grandir». (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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