La Secrétairerie d’État disposait – jusqu’à décembre 2020, et leurs transferts à l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA) – de fonds financiers propres. L’administration centrale du Saint-Siège gérait notamment, via le fond Obolus, les dons des fidèles au Denier de Saint-Pierre. En 2013, voulant placer 150 millions d’euros dont elle disposait, la Secrétairerie d’État s’était mise en quête d’un bon investissement. Le substitut, prélat qui dirige la Première section, était à l’époque Mgr Angelo Becciu. Ses équipes auraient dans un premier temps envisagé un placement dans les hydrocarbures en Angola, où il avait été nonce quelques années auparavant, mais, conseillé par un courtier italo-britannique, Raffaele Mincione, auraient fini par porter leur choix sur un immeuble, ancien quartier général d’Harrods situé à Londres, au 60 de Sloane Avenue. Un emprunt de 200 millions d’euros est alors contracté pour réaliser l’opération auprès du Crédit Suisse.
«Il est possible que, dans certains cas, le Saint-Siège ait été non seulement mal conseillé mais aussi trompé», expliquait le préfet du Secrétariat pour l’économie, le Père Juan Antonio Guerrero en octobre dernier. Le processus d’achat de l’immeuble de Londres s’avère être un montage financier difficile à retracer, ce qui pourrait expliquer la prudence du préfet du Secrétariat pour l’Économie, homme de confiance choisi par le pape François pour réformer les finances vaticanes. Si le détail des opérations devrait être révélés lors des prochaines audiences du procès, on estime d’ores et déjà, au Vatican, que l’acquisition de l’immeuble a généré un surcoût estimé entre 76 et 166 millions. Pire, il aurait révélé l’existence, au sein de l’institution, d’importantes irrégularités, notamment d’un système de commissions dont auraient bénéficié plusieurs employés pendant de nombreuses années, et qui pourrait avoir engendré des pertes plus importantes encore, se comptant en centaines de millions d’euros.
L’affaire de l’immeuble de Londres peut être divisé en deux temps, corrélés tout en étant distincts. La première partie concerne les conditions dans lesquelles l’achat de l’immeuble de Londres par un réseau d’intermédiaires commissionnés par le Saint-Siège a été effectué. La seconde commence en 2019 et concerne une potentielle tentative d’extorsion opérée par un courtier italien, Gianluigi Torzi, alors que le Saint-Siège, au courant du premier volet, tentait de récupérer le contrôle de son bien. L’affaire est plus petite mais aurait entraîné une perte de 15 millions d’euros supplémentaires. Le courtier originaire de Molise avait été incarcéré par la justice vaticane pendant dix jours, en juin dernier, avant d’être relâché. Il est aujourd’hui accusé des crimes d’extorsion, détournement de fonds, fraude, appropriation frauduleuse, blanchiment d’argent et auto-blanchiment.
Le rôle de l’ancien préfet de la Congrégation pour les causes des saints est encore peu clair. Le cardinal Becciu devrait être mis en examen pour les crimes de «détournements de fonds et d’abus de pouvoir, en bande organisée et avec subornation», a annoncé le Saint-Siège. L’ancien substitut de la Secrétairerie d’État était le plus haut responsable en charge au moment de l’acquisition de l’immeuble, et devra expliquer dans quelle condition il a autorisé l’opération. Mais ce n’est pas tout. La comparution lors du procès de Cecilia Marogna, une conseillère en diplomatie informelle employée à la demande du Sarde, interroge. 575’000 euros lui ont été versé par la Secrétairerie d’État et l’Italienne est accusée par la justice vaticane de détournement de fonds. Les actes d’accusations publiés par Vatican News mentionnent aussi le financement de la coopérative du frère du cardinal, Antonino Becciu, à hauteur de 600’000 euros provenant des fonds de la Conférence épiscopale italienne et de 225’000 euros provenant des fonds de la Secrétairerie d’État.
L’argent du Denier de Saint-Pierre a bien été employé par la Secrétairerie d’État pour acquérir l’immeuble de Sloane Avenue. Cependant, le Saint-Siège a, à plusieurs occasions en 2020 et 2021, assuré qu’aucun euro donné par les fidèles pour la charité du pape François n’avait été perdu dans l’opération, à la différence des sommes gérées par d’autres fonds du Saint-Siège. Devant l’opacité de la transaction et les risques de voir la confiance des fidèles sérieusement ébranlée, le pape François a récemment décidé de décharger la Secrétairerie d’État de ses prérogatives financières – notamment le Denier – et de les transférer à l’APSA, la banque publique du Vatican. Le préfet du Secrétariat pour l’économie, le Père Guerrero, a accentué la transparence sur la façon dont les dons sont employés, communiquant à plusieurs reprises dans les médias à ce sujet. (cath.ch/imedia/cd/rz)
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